Sources écrites de l’épisode de la Descente aux Limbes

« La croyance dans la descente aux enfers du Christ se fonde […] sur l’interprétation de nombreux passages de l’Ancien Testament (des Psaumes, en particulier) et d’un passage du Nouveau Testament, la Première Épître de Pierre (1 P 3, 18-20), dans lequel l’auteur encourage les chrétiens d’Asie Mineure à supporter les mauvais traitements infligés par les païens, en leur rappelant le modèle du Christ. Pour illustrer son propos, l’auteur de l’épître rappelle la mort et la résurrection du Christ avant d’évoquer un voyage qui le mène à ‘prêcher aux esprits en prison’ (verset 19). Ces esprits avaient été incrédules au temps où Noé construisait son arche pour échapper au déluge (v. 20), qui annonce le baptême (v. 21-22). Le thème connaît un grand succès dans la liturgie médiévale grâce aux précisions données par l’Évangile apocryphe de Nicodème [1]Évangile de Nicodème, 21, 1- 27, 3, dans Écrits apocryphes chrétiens, t. 2, Pierre GEOLTRAIN, Jean- Daniel KAESTLI (éds.), Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 2005, pp. 293-297. : le Christ descendu aux enfers a ramené une partie de ceux qui y étaient enfermés. Il s’agit des justes non baptisés parce qu’antérieurs à sa venue sur terre, donc les patriarches et les prophètes. Aucun théologien ne conteste que le Christ se soit rendu en Enfer : cet épisode fait partie du Credo. » [2]Axelle Neyrinck, Le massacre des Innocents : constructions théologiques et usages polémiques (v. 800 – v. 1300), Paris, École des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 2016, p. 38.

Aucun des évangiles canoniques n’évoque précisément cette scène. Tout au plus trouve-t-on dans la Bible des formules allusives qui peuvent être interprétées comme une anticipation de l’épisode.

La tradition scolastique soutient que Jésus serait descendu en enfer, entre sa mort et sa résurrection. Cette croyance figure dans le Symbole des Apôtres [ou Credo], dès le IIe siècle. Elle se fonde principalement sur la Première Épître de Pierre (3, 19) selon laquelle Jésus « est allé prêcher aux esprits en prison ». Saint Paul, de son côté, évoque la descente de Jésus « dans les parties inférieures de la terre » (Épître aux Éphésiens, 4, 9).

Tous deux s’appuient sans doute sur l’annonce faite par Jésus lui-même selon l’Évangile de Matthieu (Mt 12, 40) : « De même, en effet, que Jonas fut dans le ventre du monstre marin trois jours et trois nuits, de même le Fils de l’homme sera dans le sein de la terre durant trois jours et trois nuits. »

Si les textes canoniques sont silencieux sur la thématique de la descente du Christ dans les limbes, l’Évangile apocryphe de Nicodème (IVe siècle), donne quant à lui un récit détaillé, sur lequel se fondera l’iconographie du thème :

« Et comme ils parlaient ainsi alternativement, Satan et le prince de l’enfer, il se fit une voix comme celle des tonnerres et le bruit de l’ouragan : ‘Princes, enlevez vos portes, et élevez-vous, portes éternelles, et le Roi de gloire entrera.’ Le prince de l’enfer entendant cela, il dit à Satan : ‘Eloigne-toi de moi et sors de mes demeures ; si tu es un puissant combattant, combats contre le Roi de gloire. Mais qu’y a-t-il de toi à lui ?’ Et le prince de l’enfer jeta Satan hors de ses demeures. Et le prince de l’enfer dit à ses ministres impies : ‘Fermez les cruelles portes d’airain et poussez les verrous de fer, et résistez vaillamment de peur que nous ne soyons réduits en captivité, nous qui gardons les captifs.’ Mais en entendant cela, toute la multitude des Saints dit au prince de l’enfer d’une voix de reproche : ‘Ouvre tes portes, afin que le Roi de gloire entre.’ Et David, ce divin prophète, s’écria en disant : ‘Est-ce que, lorsque j’étais sur les terres des vivants, je ne vous ai pas prédit que les miséricordes du Seigneur lui rendront témoignage, et que ses merveilles l’annonceront aux fils des hommes, parce qu’il a brisé les portes d’airain et rompu les verrous de fer ? Il les a retirés de la voie de leur iniquité.’ Et ensuite, un autre prophète, Isaïe, dit pareillement à tous les Saints : ‘Est-ce que, lorsque j’étais sur les terres des vivants, je ne vous ai pas prédit : Les morts s’éveilleront et ceux qui sont dans le tombeau se relèveront, et ceux qui sont dans la terre tressailliront de joie, parce que la rosée qui vient du Seigneur est leur guérison ? Et j’ai dit encore : Mort, où est ta victoire ? Mort, où est ton aiguillon ?’. Tous les Saints entendant ces paroles d’Isaïe, dirent au prince des enfers : ‘Ouvre, tes portes, maintenant, vaincu et terrassé, tu es sans puissance.’ Et il se fit une voix comme celle des tonnerres, disant : ‘Princes, enlevez vos portes, et élevez-vous, portes infernales, et le Roi de gloire entrera.’ Le prince de l’enfer voyant que deux fois ce cri s’était fait entendre, dit comme s’il était dans l’ignorance : ‘Quel est ce Roi de gloire ?’. David, répondant au prince de l’enfer, dit : ‘Je connais les paroles de cette clameur, car ce sont les mêmes que j’ai prophétisées par l’inspiration de son esprit. Et maintenant ce que j’ai déjà dit, je te le répète : Le Seigneur fort et puissant, le Seigneur puissant dans le combat, c’est lui qui est le Roi de gloire, et le Seigneur à regardé du ciel sur les terres, afin d’entendre le gémissement de ceux qui sont dans les fers, et afin de délivrer les fils de ceux qui ont été mis à mort. Et maintenant, immonde et horrible prince de l’enfer, ouvre tes portes, afin que le Roi de gloire entre.’ David, disant ces paroles au prince de l’enfer, le Seigneur de majesté survint sous la forme d’un homme, et il éclaira les ténèbres éternelles, et il rompit les liens qui n’étaient point brisés, et le secours d’une vertu invincible nous visita, nous qui étions assis dans les profondeurs des ténèbres des fautes, et dans l’ombre de la mort des péchés.

[…]

« Et le Seigneur, étendant sa main, dit : ‘Venez à moi, tous mes Saints, qui avez mon image et ma ressemblance. Vous qui avez été condamnés par le bois, le diable et la mort, vous verrez que le diable et la mort sont condamnés par le bois.’ Et aussitôt tous les Saints furent réunis sous la main du Seigneur. Et le Seigneur, tenant la main droite d’Adam, lui dit : ‘Paix à toi avec tous tes fils, mes justes.’ Adam, se prosternant aux genoux du Seigneur, le supplia en versant des larmes […]. » [3]Évangile apocryphe de Nicodème, chapitres XXII et XXV.

Notes

Notes
1 Évangile de Nicodème, 21, 1- 27, 3, dans Écrits apocryphes chrétiens, t. 2, Pierre GEOLTRAIN, Jean- Daniel KAESTLI (éds.), Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 2005, pp. 293-297.
2 Axelle Neyrinck, Le massacre des Innocents : constructions théologiques et usages polémiques (v. 800 – v. 1300), Paris, École des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 2016, p. 38.
3 Évangile apocryphe de Nicodème, chapitres XXII et XXV.

Laisser un commentaire

En savoir plus sur Guide artistique de la Province de Sienne

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading