Bernardino di Betto, dit ‘Il Pinturicchio’ (Perugia, vers 1452 – Siena, 1513)
Incoronazione di Pio III (Couronnement de Pie III), 1504-1508. [1]L’œuvre a été commandée par Andrea di Nanni Piccolomini, frère de Pie III, peu de temps après la mort soudaine, en octobre 1503, du pape nouvellement élu. Le travail dura jusqu’en avril 1508. Rapidement soumise à des infiltrations d’humidité, la fresque a été restaurée une première fois dès 1586, par Marco Pino, et il y eu de nombreux autres interventions par la … Poursuivre
Fresque
Inscriptions :
- (dans un cartouche) : « PIVS. III. SENENS(IS). PII. II. NEP(POS) / AN(NO) MDIII SEPTEMB(E)R XXI APER(TIS) ELECTVS SVFRAG(IIS) / VIII OCTOB(E)R. CORONATVS EST » [2]« Pius III senensis Pii II nepos september 21 electus sufrag 8 october coronatus est » (« Pie III de Sienne, neveu de Pie II, élu au suffrage public du 21 septembre MCIII [1503], couronné le 8 octobre »).
Provenance : In situ.
Sienne, Duomo, Libreria Piccolomini.
Dans la Vita de Pinturicchio, après avoir décrit les fresques qui couvrent les parois de la salle la Bibliothèque Piccolomini, Giorgio Vasari s’attarde sur la scène peinte à l’extérieur de cette dernière, sur toute la surface du mur laissée disponible au-dessus de l’entrée sculptée par Lorenzo di Mariano, dit ‘il Marrina’. Donnant sur la nef, cette composition représente le Couronnement du pape Pie III :
« Les travaux de la Libreria où sont déposés tous les livres du legs de Pie Il n’étaient pas encore terminés que le cardinal Francesco, son neveu, fut élu pape et, en souvenir de son oncle, choisit le nom de Pie III. Pinturicchio représenta, au-dessus de la porte de cette Libreria donnant sur la cathédrale, Pinturicchio représenta, au-dessus de la porte de cette Libreria donnant sur la cathédrale, sur toute la hauteur du mur, une immense composition du couronnement de Pie Ill avec de nombreux portraits et, au-dessous, cette inscription : « Pie III de Sienne, neveu de Pie II, élu au suffrage public du 21 septembre MDII (sic) [3]En réalité, Pie III fut élu le 21 septembre 1503. La participation de trente-neuf cardinaux, rendue possible par le retard des funérailles d’Alexandre VI, fait du conclave le plus important en nombre d’électeurs de l’histoire jusqu’alors. Parmi les cardinaux, on compte 21 italiens, 11 espagnols et 7 français. Une convergence de facteurs annule des années de projets … Poursuivre, fut couronné le 8 octobre. » [4]« Non essendo anco a fatica finita [la Libreria Piccolomini), nella quale sono tutti i libri che lasciò il detto Pio II, fu creato papa il detto Francesco cardinale [Francesco Todeschini Piccolomini), nipote del detto pontefice Pio Secondo, che per memoria del zio volle esser chiamato Pio III. Il medesimo Pinturicchio dipinse in una grandissima storia, sopra la porta della detta libreria … Poursuivre

L’épisode du Couronnement du siennois Pie III, vécu comme un événement de la première importance par l’ensemble de la cité, est représenté avec une insistance particulière sur sa dimension théâtrale, confirmée par la composition de la scène et le grand nombre de figurants. L’espace est divisé en deux moitiés. Celle du bas est réservée à la foule des spectateurs où se perçoivent à la fois une certaine agitation et la rumeur qui va de pair (cette foule, cependant, est maintenue à distance par quelques hommes d’arme). La partie supérieure, où siège le pontife entouré de sa suite de cardinaux, se caractérise par son rythme lent propre à traduire la solennité de l’événement en cours. C’est aspect de l’œuvre frappait déjà Alfonso Landi quand, au milieu du XVIIe siècle, il décrivait la fresque de Pinturicchio comme un « théâtre spacieux », et remarquait que « sous le théâtre [la scène], comme dans une grande place, est peinte une grande multitude de spectateurs de la pompe cérémonieuse, divisée en deux parties, de telle manière qu’au milieu de celle-ci il y a un passage ouvert de haut en bas. La plupart des personnages sont représentés entiers portant des vêtements riches et variés, plusieurs autres sont en demi-figures et un nombre beaucoup plus grand par leurs visages seulement, comme on le voit dans les réunions aux nombreux participants » [5]Alfonso LANDI, “Racconto” del Duomo di Siena, publié et commenté par E. CARLI, Florence, Edam, 1992, p. 39. La volonté de ralentir le mouvement narratif autour de l’image de Pie III (qui devient un élément visuellement autonome), se comprend mieux si on l’associe au fait que la figure du pontife est entièrement réalisée en bas-relief de stuc, et sa chape pontificale rehaussée à l’aide d’un revêtement à la feuille d’or [6]Cette solution inhabituelle a été relevée par le Président de Brosses dans l’une de ses lettres : « Le peintre a damasquiné les habillemens de ses figures d’or en relief, ce qui ne se fait jamais et ce qui néanmoins a produit dans cet endroit un assez bon effet. L’éclat de ces peintures est une chose toute particulière que je n’avois jamais vue. Leur coloris ne … Poursuivre. Il s’agit, écrit Daniale Rivoletti, « d’un unicum dans la série de la Bibliothèque, dans laquelle l’utilisation d’éléments en relief n’intervient que pour mettre en valeur la somptueuse tangibilité des objets précieux (bijoux, vêtements, ornements, etc.) ; et même là où le stuc est plus largement utilisé, comme dans le cycle romain des Appartements Borgia, il intervient exclusivement pour accentuer la tridimensionnalité plastique des éléments architecturaux ou statuaires. Le corps de Pie III semble ainsi se pétrifier dans une matérialité sculpturale et s’isoler du plan de la fresque. » [7]Daniele RIVOLETTI, « L’Incoronazione di Pio III della libreria Piccolomini e l’iconografia papale a Siena nel Quattrocento », Annali della Scuola Normale Superiore di Pisa, série IV, vol. 9, n. 2 (2004), pp. 340-341.
Notes
1↑ | L’œuvre a été commandée par Andrea di Nanni Piccolomini, frère de Pie III, peu de temps après la mort soudaine, en octobre 1503, du pape nouvellement élu. Le travail dura jusqu’en avril 1508. Rapidement soumise à des infiltrations d’humidité, la fresque a été restaurée une première fois dès 1586, par Marco Pino, et il y eu de nombreux autres interventions par la suite. |
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2↑ | « Pius III senensis Pii II nepos september 21 electus sufrag 8 october coronatus est » (« Pie III de Sienne, neveu de Pie II, élu au suffrage public du 21 septembre MCIII [1503], couronné le 8 octobre »). |
3↑ | En réalité, Pie III fut élu le 21 septembre 1503. La participation de trente-neuf cardinaux, rendue possible par le retard des funérailles d’Alexandre VI, fait du conclave le plus important en nombre d’électeurs de l’histoire jusqu’alors. Parmi les cardinaux, on compte 21 italiens, 11 espagnols et 7 français. Une convergence de facteurs annule des années de projets et de plans élaborés par Louis XII et son prédécesseur Charles VIII de France pour promouvoir la candidature du cardinal français Georges d’Amboise. Après avoir reçu beaucoup moins de voix que prévu au premier tour en raison de la candidature indépendante de Giuliano della Rovere, et de la perte de contrôle de Cesare Borgia sur les cardinaux espagnols, Georges d’Amboise apporte son soutien à Francesco Piccolomini, qui est élu Pie III au deuxième tour, alors qu’il n’a reçu que quatre voix au premier scrutin. Couronné le 8 octobre alors qu’il est déjà gravement malade, il meurt le 18 octobre après un règne qui n’aura duré que 23 jours. |
4↑ | « Non essendo anco a fatica finita [la Libreria Piccolomini), nella quale sono tutti i libri che lasciò il detto Pio II, fu creato papa il detto Francesco cardinale [Francesco Todeschini Piccolomini), nipote del detto pontefice Pio Secondo, che per memoria del zio volle esser chiamato Pio III. Il medesimo Pinturicchio dipinse in una grandissima storia, sopra la porta della detta libreria che risponde in Duomo, grande, dico, quanto tiene tutta la facciata, la coronazione di detto papa Pio Terzo con molti ritratti di naturale, e sotto vi si leggono queste parole : PIUS III SENENSIS PII SECUNDI NEPOS MDIII SEPTEMBRIS XXI APERTIS ELECTUS SUFFRAGIIS OCTAVO OCTOBRIS CORONATUS EST. » |
5↑ | Alfonso LANDI, “Racconto” del Duomo di Siena, publié et commenté par E. CARLI, Florence, Edam, 1992, p. 39. |
6↑ | Cette solution inhabituelle a été relevée par le Président de Brosses dans l’une de ses lettres : « Le peintre a damasquiné les habillemens de ses figures d’or en relief, ce qui ne se fait jamais et ce qui néanmoins a produit dans cet endroit un assez bon effet. L’éclat de ces peintures est une chose toute particulière que je n’avois jamais vue. Leur coloris ne ressemble ni à la richesse du Véronèse, ni à la vérité de Rubens ou du Titien, ni au frais enchanteur du Corrège, ni à la suavité du Caravage ou du Guide, ni même à l’émail brillant des peintres flamands dont il approche un peu plus ; mais moins qu’il n’approche de celuy des peintres de manière ancienne tels que [Cima da] Conegliano ou Carpacce [Carpaccio]. En un mot, il est tout à fait singulier et surprenant; je me suis attaché par certe raison à le décrire plus particulièrement. » Charles DE BROSSES, Lettres familières, texte établi par G. CAFASSO ; introduction, notes et bibliographie par L. NORCI CAGIANO DE AZEVEDO ; préface de G. MACCHIA, Naples, Centre Jean Bérard, 1991, I, pp. 482-483. |
7↑ | Daniele RIVOLETTI, « L’Incoronazione di Pio III della libreria Piccolomini e l’iconografia papale a Siena nel Quattrocento », Annali della Scuola Normale Superiore di Pisa, série IV, vol. 9, n. 2 (2004), pp. 340-341. |