Lippo Memmi, « Madonna col Bambino »

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Lippo Memmi (documenté de 1317 à 1348)

Madonna col Bambino

Tempéra sur panneau, dimensions ?

Inscriptions :

  • dans le cartouche tenu par l’Enfant : « EGO SUM VIA VERI… » [1]
  • sur le bord du voile de la Vierge : « AVE MARIA GRATIA PLENA » [2]

Provenance : dépôt de la basilique de San Clemente ai Servi, Sienne

Sienne, Pinacoteca Nazionale.

Nous sommes de nouveau face à l’une de ces délicates et célestes Madones qu’offre à foison l’art de Sienne. Sur le rebord du voile qui couvre la tête de Maris, on peut, si l’on s’en donne la peine, lire la formule de salut qui lui est traditionnellement consacrée (voir note 1). Le cartouche que porte l’Enfant explicite la nature divine dont il est issu. En d’autres termes, ce cartouche confirme à quiconque douterait de la chose que le sujet n’est pas, une fois de plus, une scène de maternité quelconque et que de ce fait, il est nécessaire de porter sur elle un regard plus informé si l’on souhaite en comprendre la visée : par une subtile et discrète mécanique visuelle, l’image agit comme une sorte d’embrayeur invitant à une méditation qui dépasse largement ce que peut offrir au spectateur un coup d’œil trop rapide ou trop sûr de lui. Le visage au tracé souverainement élégant de la Vierge exprime l’éternelle et sublime mélancolie des Vierges siennoises présentant leur Fils au regard du monde. La mélancolie teintée de reproche d’une femme dont le sentiment et l’amour maternel sont blessés. Bien qu’elle connaisse mieux que quiconque l’origine divine et les raisons de la naissance de son enfant et, justement, en raison de cela, qu’elle sache également quelle sera bientôt la destinée de son fils et éprouvera elle aussi, face à la croix, l’indicible douleur de la mort, malgré, enfin, la connaissance parfaite du mystère dont elle est l’un des acteurs consentant bien qu’involontaire, elle semble ne pouvoir résister à l’humanité du sentiment qui l’envahit. C’est cela le sujet de ce que nous regardons. L’enfant divin, quant à lui, a le regard vide. Ou plutôt, bien que braqué sur le spectateur, ce regard semble tourné vers l’intérieur, comme s’il voyait hors de tout périmètre d’une quelconque réalité environnante.

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1

Un oiseau (fig. 1) tente de se dégager de l’emprise qu’exerce sur lui la main serrée de l’Enfant. Cet oiseau incongru au premier abord, un chardonneret, est aussi le symbole de la Passion du Christ (il mange – d’où son nom – des chardons qui réfèrent aux épines de la couronne du même nom ; la couleur rouge de sa tête évoque elle-même le sang de la Passion) ; sa présence rend visible aux yeux de qui le regarde, l’anticipation d’une destinée terrestre qui suscite un profond émoi chez l’Enfant interloqué que nous contemplons, émoi que l’on voit dans ses yeux égarés, en dépit de l’ostentation fermement assumée d’un rouleau qui proclame en silence une parole glorieuse et divine qui ne peut pourtant qu’être vue en peinture.

[1] « Ego sum via, verit[as, et vita ; nemo venit ad Patrem, nisi per me] »  : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi. » (Je 14, 6). Il s’agit de la réponse faite par le Christ à Thomas qui vient, à l’issue de la Cène, de lui demander quel était le chemin pour le suivre.

[2] « Ave Maria gratia plena [Dóminus tecum. Benedícta tu in mulieribus et benedictus fructus ventris tui, Iesus. Sancta María, Mater Dei, ora pro nobis peccatoribus, nunc et in hora mortis nostrae] » : « Salut, Marie pleine de grâce […] » : Les premières paroles de cette prière catholique, sont également les premiers mots par lesquels l’archange Gabriel salue la Vierge Marie dans l’épisode de l’Annonciation : « L’ange entra chez elle et dit : « Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi » (Lc 1, 28).

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