Pittore senese (Cristoforo di Bindoccio e Meo di Pero ?)
Storie della vita di Cristo (Histoires de la vie du Christ), seconde moitié du Trecento (vers 1350 ?).
Tempera sur panneaux, 156 x 154 cm.
Inscriptions : /
Provenance : Église de San Niccolò, Spedaletto (ou Spedale di Santa Maria della Scala, Sienne ?).
Pienza, Museo diocesano.
Le triptyque, inscrit dans un format carré presque parfait, comporte 48 scènes de la vie du Christ réparties sur 7 registres, à raison de 14 scènes dans chaque volet et 20 dans le panneau principal ; ce qui en fait le polyptyque comportant le plus grand nombre de scènes jamais peint.
S’agit-il d’un retable ? C’est la première hypothèse qui vient à l’esprit comme une évidence. Pourtant, les trois panneaux de bois possèdent un certain nombre de caractères spécifiques, relatifs à la facture, au style, voire à l’abondance proprement extraordinaire de l’information qu’il véhicule. Le tout conduit à s’interroger. S’agit-il vraiment d’un retable ? Ne s’agit-il pas plutôt d’un exemplaire de ce type d’outil à caractère didactique qu’utilisaient fréquemment les prédicateurs de la période médiévale, et probablement au-delà de cette dernière, pour accompagner leurs propos d’images elles aussi parlantes ? Cette seconde hypothèse paraît d’autant plus séduisante que l’on sait l’intérêt des prédicateurs médiévaux pour les images à même, non seulement d’illustrer la parole prononcée mais d’en fixer visuellement la mémoire. Il s’agit-là d’une pratique chère à Bernardin de Sienne, dont il existe une preuve illustrée au sein du précieux panneau peint par Sano di Pietro représentant la prédication qu’il fit sur la place du Campo le 28 mai 1425. Dans cette œuvre où figure distinctement, à l’arrière-plan, un triptyque que l’orateur n’aura pas manqué d’exploiter pour renforcer son propos. Les dimensions (pas trop importantes, facilitant par là-même le transport du panneau, lui-même repliable) plaident elles aussi dans ce sens, de même que la réalisation matérielle du triptyque dont la facture est relativement rudimentaire comparée à celle des retables destinés à être placés dans les églises de manière pérenne. Un autre indice, enfin, s’ajoute aux précédents : c’est le style lui-même de l’œuvre, d’une naïveté parfaite, bien qu’elle se réfère à l’évidence à un modèle incomparable sur lequel nous reviendrons (y compris dans les commentaires relatifs à chacune des scènes figurées), et d’une lisibilité immédiate, idéale pour venir en complément des propos du prédicateur.
Le programme iconographique
Il s’agit de représenter, avec force détails, les épisodes de la vie du Christ, depuis sa naissance, et même un peu avant [1] … jusqu’à l’Ascension. Pourtant, cette histoire commence avec l’Annonciation, avant même la naissance de Jésus, sans doute pour en rappeler l’origine miraculeuse. La Visitation qui vient en seconde position ne peut pas avoir (et n’a d’ailleurs jamais) le même objectif. C’est sur d’autres personnages que porte ici l’éclairage et, notamment, sur celui de la Vierge, si indispensable dans l’histoire de son Fils, et si aimée à Sienne que sa présence semble doublement s’imposer dans le présent contexte.
1
La chronologie des scènes représentées sur les volets du triptyque se lit du bas vers le haut (et de gauche à droite), selon l’ordre indiqué dans le schéma ci-dessus (fig. 1). Cette modalité de lecture doit être comprise comme la volonté de respecter la chronologie des épisodes rapportés dans les Évangiles et de jouer sur une montée progressive du regard vers le sommet de l’œuvre, lui-même étant considéré comme l’emplacement le plus approprié pour faire figurer les scènes ayant eu lieu après la Résurrection du Christ, pour ne rien dire de l’Ascension qui clôt la narration. C’est ainsi, d’ailleurs, qu’a procédé Duccio lui-même au revers de la Maestà de Sienne, œuvre dont le ou les auteurs de ce retable, qui n’en est peut-être pas un, se sont fortement inspirés, en la transposant dans un style populaire plein de charme.
Le revers de la Maestà de Duccio, modèle présumé de ce triptyque, comporte approximativement le même nombre d’épisodes figurés si l’on additionne à l’histoire de la Passion qui y est représentée les scènes peintes dans la prédelle et dans le couronnement. Au total, quarante huit scènes sont ici figurées, ce qui donne largement de quoi alimenter les propos d’un éventuel prédicateur. Comme nous le verrons, les scènes figurent parfois dans un charmant désordre ; l’exactitude de la chronologie des événement qu’elles racontent ne semble pas toujours, dans le cas présent, être une nécessité absolue :
- Annonciation
- Visitation
- Adoration des bergers
- Adoration des mages
- Présentation de Jésus au Temple
- Le Massacre des innocents
- La Fuite en Égypte
- Jésus parmi les docteurs
- Baptême du Christ
- Le Christ au désert : première tentation
- Le Christ au sommet du temple : seconde tentation
- Le Christ sur la montagne : troisième tentation
- La Vocation de Pierre et André
- Les Noces de Cana
- Transfiguration
- La Guérison de l’aveugle
- Le Christ et la Samaritaine
- Résurrection de Lazare
- Marie Madeleine essuie les pieds du Christ avec ses cheveux
- Entrée à Jérusalem
- La Cène
- Lavement des pieds
- Le Christ et les Apôtres
- Trahison de Judas
- Agonie au Jardin des oliviers
- Baiser de Judas
- Le Christ devant Anne
- Le Christ frappé devant Pilate
- Le Christ devant le grand-prêtre Caïphe
- Le Christ devant le grand-prêtre Caïphe
- Le Christ devant Hérode
- Le Christ devant Pilate
- Le Christ devant Pilate
- Dérision du Christ
- Flagellation
- Pilate se lave les mains
- Montée au Calvaire
- Crucifixion
- Descente de Croix
- Mise au tombeau
- Résurrection du Christ
- Le chemin d’Emmaüs
- L’incrédulité de Thomas
- Apparition aux apôtres dans le cénacle, a huis clos
- Apparition du Christ au lac de Tibériade
- Apparition du Christ sur la montagne de Galilée
- Apparition du Christ pendant le repas des Apôtres
- Ascension
Pour des raisons probablement pratiques – pour pouvoir se fermer, il fallait bien que les volets soient symétriques -, le nombre de scènes, dix au total, concernant ce que l’on a coutume d’appeler le procès du Christ est sensiblement plus important que celles figurées dans la Maestà de Duccio, où elles ne sont que sept, au risque d’ailleurs d’une certaine difficulté à les identifier et à les distinguer les unes des autres. Du moins peut-on espérer que cette pléiade de scènes figurées permettait d’autant plus de digressions de la part du prédicateur qui en faisait usage.
[1] L’Annonciation et la Visitation ne font pas, à proprement parler, de la vie du Christ, même si les deux scènes sont déterminantes pour la suite, surtout la première …
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