Pour l’Égypte antique, la forme de la Terre, de type ovalisée, ne s’étendait guère au-delà du Nil. Les Grecs, les premiers, élaborent un système de représentation du monde et jettent les bases de la cartographie. Vers 650 avant Jésus-Christ, Thalès de Millet conçoit la rotondité de la Terre, ce que confirme quelques siècles plus tard Aristote en s’appuyant sur l’image des bateaux disparaissant progressivement à l’horizon.
Tout le savoir grec est résumé au IIe siècle après Jésus-Christ par un astronome et géographe grec, Ptolémée, né à Alexandrie. Dans la vision de Ptolémée, la Terre ronde s’inscrit au centre de l’univers. Un quart seulement du globe est habité, c’est l’œkoumène, isolé au milieu d’un océan infranchissable.
Au Moyen Âge, selon l’idée alors dominante, la Terre était au centre d’un univers géocentrique. Les planètes de cet univers limité tournaient tout autour d’elle. Selon la conception médiévale héritée de l’Antiquité, l’univers apparaît sous la forme d’un disque constitué de dix cercles concentriques dont le rayon, depuis le centre où s’inscrit la Terre, s’élargit vers l’extérieur jusqu’à aboutir au dixième cercle, situé aux confins de l’empyrée. Voyons plus en détail, à l’aide du schéma reproduit ci-dessous [1]Schema huius præmissae diuionis Sphærarum (« Le schéma de la division des sphères [susmentionnées] », Peter APIAN, Cosmographia. Paris, Vivantium Gualtherot, 1551, folio V., quelles étaient les caractéristiques de cet univers médiéval si particulier, et à quoi ressemblait sa représentation symbolique complexe, qui nous semble si étrange.

Au Moyen Âge, en Occident, la vision chrétienne prédomine et les mappemondes médiévales mettent en scène une représentation essentiellement symbolique. La conception de l’Univers repose sur une représentation géocentrique héritée de Ptolémée, astronome grec du IIe siècle, et sur la représentation du monde vu par Aristote. Tous les astres, y compris le Soleil qui est placé entre Vénus et Mars, tournent autour de la Terre en décrivant des orbites circulaires. [2]Dans certaines représentations, elles englobent également les quatre sphères des éléments : feu, air, eau, terre. C’est le cas dans un manuscrit de Gossuin de Metz, Image du monde, conservé à Chantilly (Musée Condé), reproduit ci-dessous. Gossuin de Metz, Image du monde. Chantilly, Musée Condé. Inscriptions : « Enfers », « Terre », … Poursuivre
Dans cette image d’un univers céleste divisé géométriquement, chacun des cercles emboîtés représente un « ciel ». La sphère du firmament, où sont enchâssées les étoiles fixes, renferme les sept cercles dans lesquels résident les astres : Saturne, Jupiter, Mars, Soleil, Vénus, Mercure, Lune [3]À l’inverse, au centre de ce système, et au plus profond des sphères du monde, après les éléments situés dans les quatre cercles centraux qui représentent la constitution physique à la fois de l’homme et de l’univers (feu, air, eau, terre), se trouve l’enfer. Celui-ci n’apparaît pas dans la fresque de Bartolo di Fredi peinte à San Gimignano mais il est souvent représenté … Poursuivre. Tous les astres, y compris le Soleil, qui est placé entre Vénus et Mars, tournent ensemble autour de la Terre en décrivant sept orbites circulaires. Au-dessus du firmament, se trouvent les neuvième et dixième et ciels. Nous nous égarons ensuite dans un au-delà où séjournent, aux côtés de Dieu, les anges et les bienheureux. Le disque de l’univers flotte dans cet espace indéterminé, le COELVM EMPYREVM HABITACVLVM DEI ET OMNIVM ELECTORVM, le « ciel de l’empyrée où réside Dieu et tous les élus », des êtres d’une nature si divine qu’ils sont constitués de lumière pure.
- Le Decimum cœlum ou Primum mobile (dixième ciel, première cause) marque la frontière avec l’empyrée : nous pénétrons maintenant dans l’univers réputé connu. Ce dixième cercle est divisé en douze parties égales (peut-être dix à l’origine). Chacun des secteurs ainsi formés détermine l’une des douze demeures du Soleil pendant les mois de l’année (c’est pourquoi les Anciens les appelaient : « maisons du Soleil »). Dans l’esprit médiéval, les constellations qui le composent, le zodiaque, sont représentées, selon l’étymologie grecque du mot, essentiellement par des figures d’animaux qui ont donné leur nom à chacune d’elles : le Bélier (Aries), le Taureau (Taurus), les Gémeaux (Gemini), le Cancer (Cancer), le Lion (Leo), la Vierge (Virgo), la Balance (Libra), le Scorpion (Scorpius), le Sagittaire (Sagittarius), le Capricorne (Capricornus), le Verseau (Aquarius) et le Poisson (Piscis) dont les noms figurent inscrits en toutes lettres ici même. [4]Les figures du zodiaque sont en principe disposées dans l’univers selon le Thema Mundi, thème natal mythique de la création du monde, utilisé dans les enseignements astrologiques antiques.
- Le Nonum cœlum. Cristallinum (neuvième cercle, ciel cristallin) est celui où se trouvent les eaux placées par le Créateur au-dessus du firmament.
- L’Octavum cœlum. Firmamentum (huitième cercle, ciel du firmament) englobe les sept ciels, dans lesquels résident les astres qui tous, y compris le Soleil placé entre Vénus et Mars, tournent ensemble autour de la Terre en décrivant sept orbites circulaires :
- Le CAELVM SATURNI (Saturne, septième cercle)
- Le CAELVM JOVIS (Jupiter, sixième cercle)
- Le CAELVM MARTIS (Mars, cinquième cercle)
- Le CAELVM SOLIS (Soleil, quatrième cercle)
- Le CAELVM VENERIS (Vénus, troisième cercle)
- Le CAELVM MERCURII (Mercure, second cercle)
- Le CAELVM LUNAE (Lune, premier cercle)
- La Terre, enfin, dont un quart seulement du globe est réputé habité (on l’appelle l’œkoumène), est séparée du cercle de la lune par des océans infranchissables, nés de l’imaginaire et des savoirs grec (Aristote, Ptolémée). Elle occupe le centre de ce système géocentrique. On y voit des terres, parcourues par des fleuves et des rivières, qui dissimulent une autre « réalité » enfouie quant à elle dans les ténèbres, celle de l’Enfer dont Dante a donné la description détaillée.
Une évolution se fait jour progressivement à partir du Quattrocento : ne nous y trompons pas, l’argument de ce changement, est tout d’abord métaphysique (comme nombre d’arguments ou théories médiévaux) ; Dieu ne saurait être limité dans ses œuvres ; c’est pourquoi le principe de plénitude veut que le résultat de sa création, c’est-à-dire l’univers, n’ait pas non plus de limites. Le plus heureusement du monde, cette évolution progressive ne nous a pas privé de la sublime version du double épisode de La Création du monde et Adam et Ève chassés du Paradis peint, en 1445, par Giovanni di Paolo.

Notes
1↑ | Schema huius præmissae diuionis Sphærarum (« Le schéma de la division des sphères [susmentionnées] », Peter APIAN, Cosmographia. Paris, Vivantium Gualtherot, 1551, folio V. |
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2↑ | Dans certaines représentations, elles englobent également les quatre sphères des éléments : feu, air, eau, terre. C’est le cas dans un manuscrit de Gossuin de Metz, Image du monde, conservé à Chantilly (Musée Condé), reproduit ci-dessous.
![]() Inscriptions : « Enfers », « Terre », « Eue » (eaux), « Airs », « Fex » (feu), « Lune », « Mercures », « Venus », « Solaux », « Mars », « Jupiter », « Saturnes », « Firmament », « Novisme chiel » (ciel), « Chiel cristallin », « Chiel empire ». Une étoile rouge apparaît à l’intérieur de chaque cercle concentrique concernant les planètes. L’anneau du firmament en est entièrement garni. Les orbes célestes sont plus nombreux ici que dans la conception aristotélicienne : entourant l’orbe de la dernière planète (Saturne), se trouvent le firmament, créé par Dieu au deuxième jour de la Création, une neuvième orbe expliquant l’insensible révolution de la sphère étoilée, puis le ciel cristallin, et enfin le ciel empyrée, demeure de Dieu, des anges et des élus. |
3↑ | À l’inverse, au centre de ce système, et au plus profond des sphères du monde, après les éléments situés dans les quatre cercles centraux qui représentent la constitution physique à la fois de l’homme et de l’univers (feu, air, eau, terre), se trouve l’enfer. Celui-ci n’apparaît pas dans la fresque de Bartolo di Fredi peinte à San Gimignano mais il est souvent représenté ailleurs, dans d’autres images. C’est le cas dans l’illustration du manuscrit de Gossuin de Metz ci-dessus. |
4↑ | Les figures du zodiaque sont en principe disposées dans l’univers selon le Thema Mundi, thème natal mythique de la création du monde, utilisé dans les enseignements astrologiques antiques. |
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