Sano di Pietro (Sienne, 1406 – 1481)
Madonna dell’umiltà (Vierge de l’humilité)
Tempéra sur bois, 81 x 52 cm.
Inscriptions : /
Provenance : Église de San Francesco, Montalcino.
Montalcino, Museo Civico e Diocesano d’Arte Sacra.
La Vierge est dite “d’humilité” [1] parce qu’elle est assise à même le sol, et non sur un trône, selon un modèle cher à l’Ordre des Frères mineurs franciscains. Elle porte l’Enfant Jésus sur son bras droit et lui caresse délicatement le pied de la main gauche, comme savent le faire les mères. L’expression terriblement triste et pensive de son visage a été remarquée par l’Enfant qui lui caresse la joue en guise de réconfort et esquisse à son endroit le geste bien peu enfantin de la bénédiction. C’est bien là – miracle de la peinture ! – le signe que nous sommes devant le Fils de Dieu. Son regard exorbité, que nous venons de remarquer, ne permet plus maintenant d’échapper à l’effroi que nous le voyons éprouver à son tour. Dans l’apparente quiétude d’un paysage champêtre – que de fleurs dans le pré où la Vierge a pris place … – se joue un drame silencieux. Environnés d’anges musiciens voletant, légers, dans les airs et jouant probablement une musique céleste, le Fils de Dieu, rien moins que cela, et sa Mère terrestre éprouvent soudainement la conscience d’une destinée qui sera tragique et qui vient de trouver ici, avec la naissance de l’Enfant, son origine. Les anges aussi savent quel drame est en cours. Les musiciens du groupe de gauche semblent entièrement absorbés dans la contemplation de la Mère et de l’Enfant, et tandis que leurs instruments distillent des sons que l’on imagine cristallins et enchanteurs (leurs silhouettes souples, allongées et gracieuses traduisent visiblement cette harmonie), leurs visages demeurent fermés. L’un d’eux, cependant, détourne le visage vers la gauche et regarde quelque chose que nous ne voyons pas. Que regarde-t-il ? A droite, les attitudes des anges demeurent concentrées mais quelque chose, hors champ, vient de se produire car presque tous regardent maintenant au delà des limites de l’image. Que regardent-ils ? Nous n’aurons pas la réponse. Mais nous avons remarqué dans ces mouvements, pourtant imperceptibles, que le trouble s’empare sous nos yeux de ce groupe d’anges aux regards trop pénétrants pour ne pas avoir compris, eux aussi, que derrière les apparences, c’est une tragédie inouïe qui vient de s’immiscer dans la splendeur et la quiétude trompeuse de ce paysage paradisiaque. [2]
A travers cette petite œuvre peinte avec un soin extrême, qui prolonge merveilleusement la leçon de Sassetta, la paraphrasant dans ce qu’elle a de poésie la plus simple et vraie, la plus pure et la plus bouleversante, Sano di Pietro nous livre (ce n’est pas toujours le cas de cet artiste prolifique) le meilleur de son art.
[1] Humilité (étymologie : humus, la terre).
[2] On aura noté que le tapis d’herbe sur lequel est assise la Vierge est parsemé de roses rouges et blanche. En iconographie, chrétienne, la rose est une fleur symbolique fréquemment associée à la Vierge Marie, elle-même nommée “rose sans épines” (une “ancienne légende que mentionne saint Ambroise raconte de quelle manière la rose a poussé sans épines jusqu’au jour de la Chute de l’Homme” [HALLS 1974, p. 268). La rose rouge symbolise encore le sang du martyre ; de couleur blanche, la pureté. Ce tapis d’herbe parsemé de fleurs est donc, à lui seul, tout un programme.
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