Si le thème de l’Annonciation trouve sa source principale dans l’Evangile selon Luc (Lc 1, 26-38), le contenu iconographique s’enrichit grâce aux nombreux détails racontés dans les apocryphes.
Sources canoniques de l’Annonciation
On les trouve dans :
- L’Évangile selon Luc (Lc 1, 26-38), principale source écrite de l’Annonciation, la plus complète également ; la narration de Luc évoque, dans son contenu et dans sa forme même, l’une des prophéties d’Isaïe (Es 7, 14) : « [C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe,] Voici, la jeune fille concevra et enfantera un fils, et on lui donnera le nom d’Emmanuel » [1]« propter hoc dabit Dominus ipse vobis signum ecce virgo concipiet et pariet filium et vocabitur nomen eius Emmanuel ». [2]Un des thèmes majeurs de l’évangile de Luc est l’accomplissement des Écritures. Alors que Matthieu développe cette idée en citant les Écritures, Luc procède différemment. Il ne cite pas directement des passages bibliques mais il s’en inspire. Il en imite le style.
- L’Évangile selon Matthieu (Mt 1, 18-25) évoque également le thème, de manière plus succincte mais avec des informations qui ne figurent pas dans Luc
Les apocryphes
On sait que les peintres se référaient volontiers aux apocryphes, plus aisément exploitables pour eux parce que, d’une manière générale, beaucoup plus détaillés, apportant des informations absentes des écrits canoniques mais qui avaient l’avantage certain de donner matière à narration au sein de représentations picturales. Les apocryphes qui évoquent l’Annonciation sont les suivants :
- Protévangile de Jacques
- Évangile du Pseudo-Matthieu ou Évangile de la naissance de Marie
L’épisode se trouve également chez le Pseudo-Bonaventure et Jacques de Voragine, avec, dans le premier cas, un flot de commentaires qui dépasse largement en volume celui, habituel, que l’on trouve dans l’espèce de bible des peintres qu’a constitué la Légende dorée pendant plusieurs siècle :
- Meditationes vitae Christi (ou Méditations sur la vie du Christ ) du Pseudo Bonaventure
- La Légende dorée de Jacques de Voragine
Si des textes tels que les Méditations sur la Vie du Christ ont été à l’origine de nouveautés formelles dans la peinture de l’Italie centrale au XIVe siècle, le rayonnement de certaines représentations, héritières d’une solide tradition iconographique, ont influencé à leur tour des textes fondamentaux de la littérature religieuse du Trecento. Les œuvres peintes, de Duccio à Vecchietta, les textes, depuis le Pseudo-Bonaventure jusqu’à Niccolò Cicerchia, sont les acteurs d’un scénario où l’image s’offre comme texte omniprésent.
Les textes
Évangile selon Luc :
Le sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, à une jeune fille vierge, accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé Joseph ; et le nom de la jeune fille était Marie. L’ange entra chez elle et dit : « Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. » À cette parole, elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation. L’ange lui dit alors : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. » Marie dit à l’ange : « Comment cela va-t-il se faire puisque je ne connais pas d’homme ? » L’ange lui répondit : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu. Or voici que, dans sa vieillesse, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils et en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait la femme stérile. Car rien n’est impossible à Dieu. » Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. » Alors l’ange la quitta. (Lc 1, 26-38).
Évangile selon Matthieu :
Or, voici comment fut engendré Jésus Christ : Marie, sa mère, avait été accordée en mariage à Joseph ; avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint. Joseph, son époux, qui était un homme juste, et ne voulait pas la dénoncer publiquement, décida de la renvoyer en secret. Comme il avait formé ce projet, voici que l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » Tout cela est arrivé pour que soit accomplie la parole du Seigneur prononcée par le prophète : Voici que la Vierge concevra, et elle enfantera un fils ; on lui donnera le nom d’Emmanuel, qui se traduit : « Dieu-avec-nous » Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse, mais il ne s’unit pas à elle, jusqu’à ce qu’elle enfante un fils, auquel il donna le nom de Jésus. (Mt 1, 18-25)
Protévangile de Jacques, XI.1-XII.1
Or elle prit sa cruche et sortit pour puiser de l’eau. Alors une voix retentit : « Réjouis-toi, pleine de grâce. Le Seigneur est avec toi. Tu es bénie parmi les femmes. » Marie regardait à droite et à gauche : d’où venait donc cette voix ? Pleine de frayeur, elle rentra chez elle, posa sa cruche, reprit la pourpre, s’assit sur sa chaise et se remit à filer. Et voici qu’un ange debout devant elle disait : « Ne crains pas, Marie, tu as trouvé grâce devant le Maître de toute chose. Tu concevras de son Verbe. » Ces paroles jetèrent Marie dans le désarroi. » Concevrai-je, moi, du Seigneur, dit-elle, du Dieu vivant, et enfanterai-je comme toute femme ? » Et voici que l’ange, toujours devant elle, lui répondit : « Non, Marie. Car la puissance de Dieu te prendra sous son ombre. Aussi le saint enfant qui naîtra sera-t-il appelé le fils du Très-Haut. Tu lui donneras le nom de Jésus, car il sauvera son peuple de ses péchés. » Et Marie dit alors : « Me voici devant lui sa servante ! Qu’il m’advienne selon ta parole. » Et elle reprit son travail de pourpre […].
Évangile du Pseudo-Matthieu, chapitre IX.
Un autre jour, comme Marie était debout auprès d’une fontaine, l’Ange du Seigneur lui apparut, disant : « Tu es bien heureuse, Marie, car le Seigneur s’est préparé une demeure en ton esprit. Voici que la lumière viendra du ciel pour qu’elle habite en toi et pour que, par toi, elle resplendisse dans le monde entier. » Et le troisième jour qu’elle tissait la pourpre de ses doigts, il vint à elle un jeune homme dont la beauté ne peut se décrire. En le voyant, Marie fut saisie d’effroi et se mit à trembler, et il lui dit : « Ne crains rien, Marie ; tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu concevras et que tu enfanteras un Roi dont l’empire s’étendra non seulement sur toute la terre, mais aussi dans les cieux, et qui régnera dans les siècles des siècles. Amen. »
Pseudo-Bonaventure, Meditationes vitae Christi [3]La date précise de composition de l’œuvre ainsi que son auteur ont donné lieu à de nombreux débats. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, le texte était traditionnellement attribué à Bonaventure de Bagnoregio. Aujourd’hui, l’œuvre n’est plus considérée comme écrite par Bonaventure mais par un auteur franciscain anonyme qualifié … Poursuivre :
Lors donc que la plénitude du temps fut accomplie, après que la Trinité suprême eut arrêté de pourvoir au salut du genre humain par l’Incarnation du Verbe, et que la Vierge bienheureuse fut revenue à Nazareth, Dieu, cédant à cette charité ardente qu’il nourrissait pour les hommes, à sa miséricorde qui l’excitait, et aussi aux instantes prières des Anges ; Dieu, dis-je, appela l’archange Gabriel et lui dit : « Va trouver Marie, notre Fille bien-aimée, qui est fiancée à Joseph : c’est, parmi toutes les créatures, la plus chère à notre coeur ; et dis-lui que mon Fils s’est épris de sa beauté, et qu’il l’a choisie pour sa mère. Prie-la de le recevoir avec effusion de joie ; car c’est par lui que j’ai résolu d’opérer le salut du genre humain, et que je veux oublier l’injure qui m’a été faite. »
Soyez attentive et rappelez-vous ce que je vous ai recommande plus haut, afin de vous rendre présente à tout ce qui se dit et se fait. Imaginez-vous ici et regardez Dieu selon que vous le pourrez, car il est incorporel. Représentez-le-vous comme un grand souverain, assis sur un trône élevé, avec un visage plein de bénignité, tendre et paternel, prononçant ces paroles comme embrasé du désir de se réconcilier le monde, ou comme si déjà il se l’était réconcilié. Représentez-vous aussi Gabriel : son air respire l’allégresse et la félicité ; il fléchit les genoux et incline le front par crainte et par respect ; il reçoit avec une attention profonde les ordres de son Seigneur. Ensuite il se lève plein de joie et de bonheur, part des régions célestes, et, en un instant, paraît sous une forme humaine en présence de la vierge Marie, qui était alors dans l’endroit le plus secret de sa petite maison. Cependant son vol ne fut pas tellement rapide qu’il ne fût prévenu par Dieu : aussi trouva-t-il en arrivant à cette demeure, que la sainte Trinité y avait précédé son messager. Vous devez savoir que l’Incarnation est l’oeuvre par excellence de la Trinité entière, bien que la personne du Fils se soit seule incarnée. Il en arriva alors comme si quelqu’un, voulant prendre un vêtement, était aidé par deux personnes qui se tiendraient à ses côtés. et qui soulèveraient les manches de ce vêtement. Maintenant regardez bien, et, comme si vous étiez présente à cette action, appliquez-vous à comprendre tout ce qui se dit et tout ce qui se fait. Oh ! qu’elle dût être et qu’elle doit être encore en ce moment, dans votre méditation. cette petite maison, où se trouvent de tels hôtes, où se passent de telles choses ! Bien que la sainte Trinité soit en tous lieux, pensez cependant qu’elle est ici d’une façon particulière, à raison de l’opération toute singulière qui s’y accomplit.
Gabriel, le fidèle envoyé, entra donc vers la vierge Marie, et lui dit : « Je Vous salue pleine de grâce ; le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre toutes les femmes. » Mais la Vierge fut troublée et ne répondit pas. Son trouble n’eût rien de coupable, et il ne fût point causé par la vue de l’Ange, car elle était bien accoutumée aux visites de ces esprits célestes ; mais elle fut troublée d’un pareil discours : elle pensait à la nouveauté d’une telle salutation, car ce n’était point ainsi que les Anges avaient coutume de la saluer. Comme elle se voyait, en cette circonstance, louée de trois choses à la fois, il était impossible que cette humble souveraine ne ressentit aucun trouble. On la félicitait de ce qu’elle était pleine de grâce, de ce que le Seigneur était avec elle, et de ce qu’elle était bénie par-dessus toutes les femmes. Or, une personne humble ne saurait entendre ses louanges sans rougir et sans se troubler. Elle fut donc troublée d’une confusion qui fait honneur à sa modestie et à sa vertu. Elle commença aussi à craindre qu’il n’en fût point ainsi, non qu’elle crût que l’Ange ne parlât point selon la vérité, mais parce que c’est le propre de ceux qui sont humbles de ne point examiner leurs vertus, et d’avoir sans cesse leurs défauts devant les veux, afin d’avancer davantage: et qu’ainsi ils regardent une grande vertu comme bien faible encore, et un table défaut comme quelque chose de très-considérable. C’est donc par prudence, par précaution, par crainte et par pudeur, qu’elle ne répondit pas. En effet, qu’eût-elle pu répondre ? Apprenez-vous aussi à son exemple à aimer une vie silencieuse, et à être sobre en vos paroles ; car c’est une vertu bien grande et d’une immense utilité. On lui parle deux fois avant qu’elle ait ouvert la bouche. C’est en effet une chose indigne de voir une Vierge aimer à bavarder. Mais l’Ange, connaissant la cause de son hésitation, lui dit : « Ne craignez pas, Marie, et ne vous troublez point des louanges que je vous donne, car elles sont conformes à la vérité. Non seulement vous êtes pleine de grâce, mais vous avez recouvré la grâce pour tout le genre humain, et vous l’avez retrouvée en Dieu. Voilà que vous concevrez et que vous mettrez au monde le Fils du Très Haut, qui vous a choisie pour sa mère, et qui sauvera tous ceux qui espèrent en lui. »
La Vierge alors répondit, sans cependant admettre ni rejeter les louanges dont elle était l’objet, mais toute pleine du désir de s’assurer d’un autre point, savoir si elle ne perdrait pas sa virginité ; car c’était la manière dont cette promesse s’accomplirait qui la tenait surtout en suspens. Elle demanda donc à l’Ange comment elle deviendrait mère. « Comment cela se fera-t-il, lui dit-elle, car j’ai voué inviolablement à Dieu ma virginité, pour être à jamais étrangère à tout homme ? » Et l’Ange ajouta : « Ce sera par l’opération de l’Esprit Saint, dont vous serez remplie d’une façon extraordinaire. Vous concevrez par sa vertu, en conservant votre virginité, et ainsi le fils qui naîtra de vous s’appellera le Fils du Très Haut. Rien n’est impossible à Dieu, et voilà que votre cousine Elizabeth, quoique avancée en âge et stérile, est enceinte de six mois d’un fils qu’elle a conçu par la vertu d’en haut.
Regardez, pour Dieu, je vous prie, et considérez comment la Trinité tout entière est ici, attendant la réponse et le consentement de sa fille chérie, et contemplant avec amour et allégresse sa modestie, sa pudeur et son langage. Considérez aussi comment l’Ange l’amène avec zèle et sagesse à donner son consentement ; comment il coordonne ses paroles en se tenant incliné et respectueux, avec un visage calme et serein, remplissant fidèlement son message, observant attentivement les paroles de sa Souveraine, afin d’y répondre convenablement, et d’accomplir parfaitement la volonté de Dieu dans cette œuvre magnifique. Considérez encore comment cette Souveraine se tient dans la crainte et dans l’humilité, le visage couvert de confusion de se voir ainsi prévenue par l’Ange. Il ne s’élève en elle, à ces paroles, aucun sentiment d’orgueil ; elle n’imagine rien la concernant. Elle entend en son honneur des merveilles dont jamais aucune créature ne fut l’objet, et elle en renvoie tout l’honneur à Dieu. Apprenez donc, à son exemple à être humble et à avoir une timidité pudique ; car sans cela la virginité sert à bien peu de chose.
Cette vierge très prudente se réjouit alors, et après avoir entendu les paroles de l’Ange, elle donna son consentement. Elle se mit à genoux avec une dévotion profonde, ainsi qu’il est rapporté dans ses révélations, et, joignant les mains ; elle dit : « Voici la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon votre parole. » Alors le Fils de Dieu entra tout entier aussitôt et sans retard dans le sein de la Vierge, se fit chair de sa chair, sans cependant cesser d’être tout entier dans le sein de son Père.
Vous pourrez pieusement vous représenter comment ce Fils, recevant de son Père un ordre aussi difficile et une mission aussi laborieuse, s’inclina en sa présence, se recommanda à lui : comment au même instant son âme fut créée et infuse à sa chair, et comment il devint homme parfait selon toutes les proportions de son corps, bien que tout à fait petit enfant. Ainsi, il croissait dans la suite naturellement dans le sein de sa mère, comme les autres enfants ; mais l’infusion de son âme ne fut pas différée, ni la distinction de ses membres, comme il arrive aux autres. Il était Dieu parfait et homme parfait, sage et puissant comme il l’est maintenant.
Alors Gabriel se mit à genoux avec sa souveraine, et un peu après se levant avec elle, s’inclinant de nouveau jusqu’à terre et lui disant adieu, il disparut, s’en revint à la patrie céleste où il raconta ce qui venait d’avoir lieu ; et ce fut un nouveau bonheur, une nouvelle fête, une cause d’allégresse sans limites. Quant à la Vierge, enflammée et embrasée de l’amour de Dieu plus que jamais, sentant qu’elle avait conçu, elle se prosterna en terre et rendit grâces à Dieu d’une faveur si extraordinaire, le suppliant humblement et pieusement de daigner l’instruire lui-même, afin qu’elle pût s’acquitter sans défaut des devoirs qu’elle aurait à remplir à l’égard de son Fils.
Vous devez aussi considérer combien grande est la solennité de ce jour, vous réjouir en votre cœur et passer ce temps dans la joie ; car c’était une chose inconnue aux siècles passés, et jamais, jusqu’à ce jour, on n’a rien vu de semblable. C’est aujourd’hui la solennité où Dieu le Père a fait les noces de son Fils en le fiançant à la nature humaine, qu’il s’est unie d’une manière inséparable ; c’est la solennité des noces du Fils et le jour de sa naissance dans le sein de sa mère ; ce ne sera que plus tard que l’on célébrera sa naissance sur la terre. C’est aujourd’hui la solennité de l’Esprit Saint, à cause de cette opération admirable et extraordinaire de l’Incarnation qui lui est attribuée, et dans laquelle il a commencé à montrer la tendresse singulière qu’il portait au genre humain. C’est aujourd’hui la solennité glorieuse de notre Reine, car c’est en ce jour qu’elle a été reconnue et prise pour fille par le Père, pour mère par le Fils, pour épouse par le Saint-Esprit. C’est aujourd’hui la solennité de toute la cour céleste, car la réparation de ses ruines est commencée. C’est aujourd’hui surtout, la solennité de la nature humaine, car son salut et sa rédemption et aussi la réconciliation du monde entier, ont pris naissance en ce jour ; en ce jour, nous avons été relevés et déifiés. Aujourd’hui le Fils a reçu de son Père une mission nouvelle : l’accomplissement de notre salut ; aujourd’hui, sortant du haut des cieux, il s’est élancé comme un géant pour parcourir sa course, (17 J) et il s’est renfermé dans le parterre du sein de la Vierge ; aujourd’hui il est devenu l’un d’entre nous, notre frère, et il a commencé à être voyageur avec nous ; aujourd’hui la lumière véritable est descendue du ciel pour chasser et mettre en fuite les ténèbres ; aujourd’hui le pain vivant, qui donne la vie au monde, se prépare dans la fournaise du sein virginal ; aujourd’hui le Verbe s’est fait chair, afin d’habiter parmi nous (18 J) ; aujourd’hui les cris et les désirs des Patriarches et Prophètes ont été exaucés et satisfaits. Ils criaient avec des soupirs inénarrables, et ils disaient : « Envoyez, Seigneur, envoyez l’Agneau qui doit être le dominateur de la terre. (19 J) » Et encore : « O cieux, versez votre rosée d’en haut. (20 J) » Et encore : « § Dieu, si vous ouvriez les cieux et que vous en descendissiez (21 J) ! » Ou bien : « Seigneur, inclinez vos cieux et descendez. (22 J) Seigneur, montrez-nous votre face, et nous aurons le salut. (23 J) » Et une multitude d’autres désirs dont l’Écriture est remplie. Car ils attendaient avec une ardeur qu’ils ne pouvaient contenir le jour présent. C’est aujourd’hui le principe et le fondement de toutes nos solennités, le commencement de tout notre bien. Jusqu’à ce jour, le Seigneur avait été indigné contre le genre humain, à cause de la transgression de nos premiers parents ; mais désormais en voyant son Fils fait homme, il ne se mettra plus en colère. C’est donc aujourd’hui la plénitude des temps. Vous voyez une œuvre admirable et combien est solennel ce qui s’est passé : tout y est délectable et plein d’allégresse ; tout y est désirable et mérite d’être contemplé dans la joie et le tressaillement du cour ; tout y est digne de la vénération la plus profonde. Méditez donc ces choses ; faites-en votre bonheur et votre félicité, peut-être le Seigneur vous en découvrira-t-il de plus considérables encore [4]Méditations sur la vie du Christ), IV. « De l’Incarnation de Jésus-Christ », Grenoble, Les Editions Blanche de Peuterey, 2017..
Jacques de Voragine, La Légende dorée
« […] La bienheureuse Vierge étant donc restée depuis la troisième année de son âge jusqu’à la quatorzième dans le temple avec les autres vierges, et ayant fait voeu de conserver la chasteté, à moins que Dieu n’en disposât autrement, Joseph la prit pour épouse après qu’il en eut reçu une révélation divine, et que son rameau eut reverdi, ainsi qu’il est rapporté plus au long dans l’histoire de la Nativité de la bienheureuse Marie. Il alla à Bethléem, d’où il était originaire, afin de pourvoir à tout ce qui était nécessaire pour les noces ; quant à Marie, elle revint à Nazareth dans la maison de ses parents. Nazareth veut dire fleur. « Ainsi, dit saint Bernard, la fleur voulut naître d’une fleur, dans une fleur, et dans la saison des fleurs. » Ce fut donc là que l’ange lui apparut et la salua en disant : Je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre les femmes. […] »
Notes
1↑ | « propter hoc dabit Dominus ipse vobis signum ecce virgo concipiet et pariet filium et vocabitur nomen eius Emmanuel ». |
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2↑ | Un des thèmes majeurs de l’évangile de Luc est l’accomplissement des Écritures. Alors que Matthieu développe cette idée en citant les Écritures, Luc procède différemment. Il ne cite pas directement des passages bibliques mais il s’en inspire. Il en imite le style. |
3↑ | La date précise de composition de l’œuvre ainsi que son auteur ont donné lieu à de nombreux débats. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, le texte était traditionnellement attribué à Bonaventure de Bagnoregio. Aujourd’hui, l’œuvre n’est plus considérée comme écrite par Bonaventure mais par un auteur franciscain anonyme qualifié de « pseudo-Bonaventure ». |
4↑ | Méditations sur la vie du Christ), IV. « De l’Incarnation de Jésus-Christ », Grenoble, Les Editions Blanche de Peuterey, 2017. |
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