Sources écrites de l’épisode de l’Assomption

Jacques de Voragine, La Légende dorée, chap. 115, “Assomption de la sainte Vierge Marie” :

Et le Seigneur dit aux apôtres : “Portez le corps de la Vierge-Mère dans la vallée de Josaphat et renfermez-le dans un sépulcre neuf que vous y trouverez. Après quoi, pendant trois jours, vous  m’attendrez jusqu’à ce que je vienne.” Aussitôt les fleurs des roses l’environnèrent ; c’était l’assemblée des martyrs, puis les lys des vallées qui sont les compagnies des anges, des confesseurs et des vierges. Les apôtres se mirent à s’écrier en s’adressant à elle : « Vierge pleine de prudence, où dirigez-vous vos pas ? Souvenez-vous de nous, ô notre Dame ! » Alors les chœurs de ceux qui étaient restés au ciel, en entendant le concert de ceux qui montaient, furent remplis d’admiration et s’avancèrent à leur rencontre ; à la vue de leur roi portant dans ses bras l’âme d’une femme qui s’appuyait sur lui, ils furent stupéfaits et se mirent à crier : « Quelle est celle-ci qui monte du désert, remplie de délices, appuyée sur son bien-aimé ? » Ceux qui l’accompagnaient leur répondirent : « C’est celle qui est belle au-dessus des filles de Jérusalem. Vous l’avez déjà vue pleine de charité et d’amour. » Ainsi fut-elle reçue toute pleine de joie dans le ciel et placée à la droite de son Fils sur un trône de gloire. Quant aux apôtres ils virent son âme éclatant d’une telle blancheur qu’aucune langue humaine ne le pourrait raconter.

Pendant ce temps, trois vierges, qui se trouvaient là, dévêtirent le corps pour le laver ; mais, aussi longtemps que dura leur travail, le corps brilla d’une telle lumière qu’elles-mêmes qui le touchaient ne parvenaient pas à le voir. Puis les apôtres soulevèrent pieusement le corps, et le posèrent dans un cercueil. Et Jean dit à Pierre : « C’est toi, Pierre, qui porteras cette palme devant le cercueil ; car le Seigneur t’a préféré à nous, et t’a constitué le berger de ses brebis ! » Et Pierre : « c’est à toi, plutôt, de la porter ! car tu as été élu par le Seigneur pendant que ton corps était encore vierge, et c’est toi aussi qui as été jugé digne de reposer sur le sein du Seigneur. Tu porteras donc cette palme ; et moi je porterai le cercueil avec les porteurs, pendant que nos autres frères, entourant le cercueil, chanteront les louanges de Dieu. » Et Paul dit : « Moi, qui suis le plus petit de vous tous, je porterai le cercueil avec toi ! » Pierre et Paul soulevèrent donc le cercueil ; et Pierre entonna : Exiit Israël de Ægypto, alleluia ! Et les autres apôtres suivirent en chantant. Et le Seigneur couvrit d’un nuage le cercueil et les apôtres, de telle façon qu’on entendait leurs voix sans les voir. Et des anges s’étaient joints aux apôtres, chantant aussi, et remplissant toute la terre de sons merveilleux.

Attirés par la douceur de cette musique, tous les Juifs accouraient, s’informant de ce qui se passait. Quelqu’un leur dit : « C’est Marie que les disciples de Jésus portent au tombeau ! » Sur quoi les Juifs de prendre les armes et de s’exhorter l’un l’autre, en disant : « Venez, nous tuerons tous les disciples, et nous brûlerons ce corps qui a porté l’imposteur ! » Et le prince des prêtres, furieux, s’écria : « Voila donc le tabernacle de celui qui a troublé notre race ! Et voilà les honneurs qu’on lui rend ! » Ce disant, il voulut s’approcher du cercueil pour le jeter à terre. Mais aussitôt ses deux mains se desséchèrent, et restèrent attachées au cercueil, pendant que les anges, cachés dans les nuées, aveuglaient tous les autres Juifs. Et le prince des prêtres gémissait et disait : « Saint Pierre, ne m’oublie pas dans ma peine, mais prie ton Dieu pour moi ! Rappelle-toi comment, un jour, je te suis venu en aide et t’ai excusé, quand une servante t’accusait ! » Et Pierre lui dit : « Je n’ai pas le loisir de m’occuper de toi ; mais si tu veux croire en Jésus-Christ et en celle qui l’a enfanté, j’espère que tu pourras recouvrer la santé ! » Et le prince des prêtres : « Je crois que Jésus est le fils de Dieu et que voici sa sainte mère ! » Aussitôt ses mains se détachèrent du cercueil ; mais ses bras restaient desséchés et endoloris. Et Pierre lui dit : « Baise ce cercueil et dis que tu crois en Jésus-Christ ! » Ce qu’ayant fait, le prêtre recouvra aussitôt la santé ; et Pierre lui dit : « Prends, cette palme des mains de notre frère Jean, et pose-la sur les yeux de tes compagnons privés de la vue ; et tous ceux d’entre eux qui croiront recouvreront la vue ; mais ceux qui refuseront de croire seront privés de leur vue pour l’éternité ! »

Puis les apôtres déposèrent la Vierge dans le monument qui l’attendait, et s’assirent à l’entour, comme Jean le leur avait ordonné. Et, le troisième jour, Jésus vint avec une troupe d’anges, les salua et leur dit : « Que la paix soit avec vous ! » À quoi ils répondirent : « Gloire à toi, Seigneur ! » Et Jésus leur dit : ·« Quel honneur pensez-vous que je doive accorder à celle qui m’a enfanté ? » Et eux : « Nous croyons, Seigneur, que, de même que tu règnes dans les siècles des siècles, vainqueur de la mort, de même tu ressusciteras le corps de ta mère, et le placeras à ta droite pour l’éternité ! » Et aussitôt apparut l’archange Michel, présentant au Seigneur l’âme de Marie. Et Jésus dit : « Lève-toi, ma mère, ma colombe, tabernacle de gloire, vase de vie, temple céleste, afin que, de même que tu n’as point senti la souillure du contact charnel, tu n’aies pas non plus à souffrir la décomposition de ton corps ! » Et l’âme de Marie rentra dans son corps, et la troupe des anges l’emporta au ciel. Et comme Thomas, qui n’avait pas assisté au miracle de l’assomption, refusait d’y croire, voici que la ceinture qui entourait le corps de la Vierge tomba du ciel dans ses mains, intacte et encore nouée, de manière à lui faire comprendre que ·le corps de la Vierge avait été emporté tout entier au ciel.

Prudemment, le saint évêque de Gènes conclut en ces termes :

Mais tout ce qu’on vient de lire est absolument apocryphe, comme le dit saint Jérôme dans sa lettre à Paul et Eustochius. Mais le saint ajoute : « Il y a cependant un certain nombre de faits que nous devons croire vrais, car d’autres témoignages de saints les ont confirmés ; et ces faits sont, à savoir : l’appui divin promis et montré à la Vierge, la réunion de tous les apôtres, la mort sans douleur, les préparatifs de l’ensevelissement dans la vallée de Josaphat, la persécution des Juifs, la production de miracles, enfin l’assomption simultanée de l’âme et du corps. D’autres détails doivent être considérés comme des symboles, et d’autres enfin, tels que l’absence et le doute de Thomas, doivent être rejetés sans hésitation. »

Apocryphe du Pseudo-Jean sur la Dormition de Marie :

45) Et, pendant que sortait cette âme irréprochable, le lieu fut rempli d’un parfum et d’une lumière indicible. Et voici qu’on entendait une voix céleste qui disait : « Bienheureuse es-tu parmi les femmes. » Pierre et moi – Jean – avec Paul et Thomas, nous nous empressons d’embrasser ses précieux pieds pour être sanctifiés. Les douze apôtres, alors, déposèrent son corps précieux et saint dans une bière et l’emportèrent.