Spinello Aretino, « Racconto dei miracoli di Tommaso Becket »

Spinello Aretino (Arezzo, vers 1350 – 1410)

Racconto dei miracoli di Tommaso Becket (Lecture des miracles accomplis par Thomas Becket), 1408.

Fresque, 280 x 370 cm.

Provenance : In situ.

Sienne, Palazzo Pubblico, Sala di Balìa.

La scène a été diversement interprétée. Ainsi, on peut lire ailleurs qu’elle représente la Canonisation de Canud (ou Knud), roi du Danemark, alors que cet événement eut lieu sous le règne du pape Pascal II. Que voit-on exactement ? Assis sur une estrade, à droite de l’image, le souverain pontife écoute la lecture à voix haute qu’est en train d’effectuer un évêque. Il est flanqué de deux cardinaux eux aussi assis. Cependant, l’estrade sur laquelle se trouvent ces derniers est plus basse que celle d’Alexandre. Sur la gauche, debout, la tête penchée sur l’épais manuscrit posé sur un pupitre, l’évêque, en bon orateur, accompagne sa parole d’une discrète gestuelle. Entre le pape et lui, nous n’avons pas manqué de remarquer un objet posé au sol. Il s’agit d’une châsse contenant les reliques de quelque saint. On peut entrevoir un corps allongé à travers la grille qui en assure la protection. Plusieurs témoins assistent à la scène et l’on ne manquera pas de remarquer les deux cardinaux que l’on voit assis de dos : dans une position qui s’apparente à celle qu’occupe dans l’espace le spectateur, ils jouent aussi un rôle d’embrayeur, aidant le regardeur à se projeter dans l’œuvre.

Il existe à la Pierpont Library de New-York, nous apprend Stefan Weppelmann [1], un dessin de Spinello que la critique s’accorde à reconnaître comme préparatoire à cette scène. La composition n’est pas exactement la même (la position du pape est inversée) mais tous les éléments cités plus hauts, ainsi que les attitudes des personnages, se retrouvent. De surcroît, une mention manuscrite figurant sur le bord supérieur indique : « E PAPA ALESSANDRO UDENDO E MIRACOLI DI SCO TOMMASO DI CONTORBIO / SI LO CANONIZZO » [1]. Le dessin comme la fresque racontent la même histoire mais l’œuvre sur parchemin doit être comprise comme la première idée de la représentation définitive. On sait que les reliques de Thomas Becket [3] n’avaient alors jamais quitté l’Angleterre et ne pouvaient donc pas avoir été mises au pieds du pape à Rome. Mais on sait également que le caractère véridique des scènes représentées dans la salle de Balìa est souvent contrebalancé par des emprunts à la légende. Ici, pour donner à l’image une signification univoque, Spinello a représenté un reliquaire contenant les restes du saint aux fins non pas de signifier la canonisation de celui-ci mais pour indiquer sans ambiguïté que ce sont bien les hauts faits de ce personnage précis qui sont relatés lors d’une lecture solennelle, en présence du pape, cérémonie sans aucun doute préparatoire à une canonisation ultérieure (celle-ci fut prononcée par Alexandre III en 1173, trois ans après le meurtre commis dans la cathédrale de Canterbury dont il était l’évêque).

[1] Stefan Weppelmann, Spinello Aretino e la pittura del Trecento in Toscana. Firenze, Polistampa, 2011, pp. 324-325.

[2] « C’est le pape Alexandre écoutant les miracles de saint Thomas de Cantorbéry (« Contorbio ») / et il le canonisa ».

[3] Thomas Becket, ou Thomas de Londres dit saint Thomas de Canterbury, (Londres, 1120 – Canterbury, 1170), archevêque de Canterbury de 1162 à 1170. A l’origine d’un conflit avec le roi Henri II d’Angleterre sur les droits et privilèges de l’Église, il est assassiné par des partisans du roi. Canonisé en 1173 dans la cathédrale de Canterbury, devenue lieu de pèlerinage.