Sources écrites de l’épisode du Déluge

Le récit du Déluge universel se trouve dans les chapitres 7 et 8 de la Genèse :

« Noé avait six cents ans quand eut lieu le déluge, c’est-à-dire les eaux sur la terre. Noé entra dans l’arche avec ses fils, sa femme et les femmes de ses fils, à cause des eaux du déluge. Des animaux purs et des animaux impurs, des oiseaux et de tout ce qui va et vient sur le sol, un couple – un mâle et une femelle – entra dans l’arche avec Noé, comme Dieu l’avait ordonné à Noé. Sept jours plus tard, les eaux du déluge étaient sur la terre. L’an six cent de la vie de Noé, le deuxième mois, le dix-septième jour du mois, ce jour-là, les réservoirs du grand abîme se fendirent ; les vannes des cieux s’ouvrirent. Et la pluie tomba sur la terre pendant quarante jours et quarante nuits » (Gn 7, 6-12).

Plus loin (chapitre 8), on peut lire le récit de la fin du Déluge :

« Les sources de l’abîme et les vannes du ciel se fermèrent, la pluie des cieux s’arrêta. Par un mouvement de flux et de reflux, les eaux se retirèrent de la surface de la terre. Au bout de cent cinquante jours, les eaux avaient baissé et, le dix-septième jour du septième mois, l’arche se posa sur les monts d’Ararat. Les eaux continuèrent à baisser jusqu’au dixième mois ; le premier jour du dixième mois, les sommets des montagnes apparurent. Au bout de quarante jours, Noé ouvrit la fenêtre de l’arche qu’il avait construite, et il lâcha le corbeau ; celui-ci fit des allers et retours, jusqu’à ce que les eaux se soient retirées, laissant la terre à sec. Noé lâcha aussi la colombe pour voir si les eaux avaient baissé à la surface du sol. La colombe ne trouva pas d’endroit où se poser, et elle revint vers l’arche auprès de lui, parce que les eaux étaient sur toute la surface de la terre ; Noé tendit la main, prit la colombe, et la fit rentrer auprès de lui dans l’arche. Il attendit encore sept jours, et lâcha de nouveau la colombe hors de l’arche. Vers le soir, la colombe revint, et voici qu’il y avait dans son bec un rameau d’olivier tout frais ! Noé comprit ainsi que les eaux avaient baissé sur la terre. Il attendit encore sept autres jours et lâcha la colombe, qui, cette fois-ci, ne revint plus vers lui »

En 1872, lors de fouilles menées dans les ruines de la bibliothèque d’Assourbanipal à Ninive, George Smith, spécialiste britannique de la civilisation assyrienne, découvre et déchiffre les douze tablettes de l’épopée de Gilgamesh. La tablette XI révèle à son tour un récit du Déluge, sans que ce dernier ait le moindre rapport avec l’intrigue de l’épopée, mais non San de nombreuses similitudes avec le récit biblique :

« […] Cet homme fit le récit à Gilgamesh de la colère des grands dieux, qui avaient voulu dépeupler la Terre parce que les hommes, de plus en plus nombreux, faisaient un vacarme qui perturbait le repos des dieux ; […]. Cependant, le dieu Ea des eaux souterraines, protecteur des humains, les trahit en prévenant en songe son ami Atrahasis, en lui enjoignant de construire une arche étanchée au bitume et d’embarquer avec lui des spécimens de chaque être vivant.

Dès que l’écoutille fut fermée, Nergal arracha les étais des vannes célestes, et Ninurta fit déborder les barrages d’en-haut. Adad étendit dans le ciel son silence-de-mort, réduisant en ténèbres tout ce qui avait été lumineux. Les dieux Anunnaki enflammèrent la Terre tout entière, et les flots couvrirent le sommet des montagnes. Pendant six jours et sept nuits, bourrasques, pluies battantes, tonnerre, éclairs et ouragans brisèrent la Terre comme une jarre. Les dieux s’abritèrent au ciel d’Anu. Le septième jour, la mer se calma et s’immobilisa, et l’arche accosta au mont Nishir.

Atrahasis prit une colombe et la lâcha ; la colombe revint. Plus tard, une hirondelle fit de même. Enfin, il lâcha un corbeau qui ne revint pas, car les eaux s’étaient retirées. Alors Atrahasis dispersa les êtres vivants qui se trouvaient dans l’arche, et fit un sacrifice : disposant le repas sur le faîte de la montagne, il plaça de chaque côté sept vases-rituels à boire et, en retrait, versa dans le brûle-parfum cymbo [1], cèdre et myrte. Les dieux, humant la bonne odeur, se rassemblèrent autour du sacrificateur.

Lorsqu’il constata que des êtres avaient survécu, Enlil retrouva son calme, se rappelant que les hommes avaient été créés pour servir les dieux et qu’ils leur étaient nécessaires. Il accorda l’immortalité à Atrahasis, mais fit en sorte que les hommes troublent moins la quiétude des dieux, en diminuant la durée de vie des humains, en introduisant les maladies, la stérilité, […] » (

On ne sera pas surpris d’apprendre que cette découverte a permis d’établir que le récit biblique du déluge n’est pas une création hébraïque, mais qu’elle est bien plus ancienne, et combine plusieurs traditions.

[1] Le cymbo ou cymbopogon est une plante herbacée plus connue sous son nom usuel de citronnelle.