Simone Martini (Sienne, 1284/1290 – Avignon, 1344)
Madonna della Misericordia (Vierge de Miséricorde), date ?
Tempéra sur panneaux, 154 x 88 cm.
Provenance : Dépôt de la paroisse de San Bartolomeo, Vertine in Chianti, Sienne.
Sienne, Pinacoteca Nazionale.
Au XIVe et XVe siècles, dans un contexte dominé par les nombreuses épidémies comme la peste ou toutes sortes de fléaux comme la disette qui déciment les populations, le thème connaît un grand succès dont la raison tient à ce qu’il met l’accent sur le rôle de protectrice et de médiatrice de la Vierge auprès du Christ. Marie est celle qui intercède en faveur de l’humanité souffrante : c’est comme telle qu’elle accueille au sein de son manteau les foules en prière qui se confient à elle. La croyance populaire de ces époques troublées attribuait au manteau de la Vierge le pouvoir de protéger contre les flèches de la colère divine, notamment celles de la peste. Dans un souci d’explicitation non dépourvue de naïveté, ces mêmes flèches sont parfois physiquement représentées dans l’œuvre. [1] Ici, respectant un principe archaïsant selon lequel la figure de la Vierge est représentée à une échelle plus grande que celle des fidèles – ce principe n’est pas non plus dépourvu de motivations pratiques : il faut contenir une foule dans un manteau – Simone Martini dépeint une sculpturale et puissante image de la Vierge ouvrant son manteau à une grande variété de personnages ; allant du simple fidèle aux rois et aux reines, sans oublier quelques évêques et autres moines, la foule qui se blottit aux pieds de Marie est constituée de figures aux profils très caractérisés, ce qui constitue en soi une nouveauté (fig. 1 et 2).
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Naguère attribuée à Niccolò di Segna [2] (Pietro Torriti, en 1977, jugeait l’œuvre « digne d’un grand peintre [3]»), l’œuvre n’est considérée comme une création de Simone Martini que depuis peu. Elle est digne, en effet, d’appartenir au catalogue du grand peintre.
[1] Voir ci-dessous : Benedetto Bonfigli, Vierge de Miséricorde, 1464, (Galerie Nationale, Pérouse) : des anges armés d’épées et de lances, le Christ lui-même (!), s’apprêtent à assaillir les populations réfugiées sous le manteau somptueux et protecteur, qui arrêtera certainement les flèches (les flèches figées dans le corps de Sébastien échappent évidemment à la règle).
[2] Niccolò di Segna ou Niccolò di Segna di Buonaventura, documenté à Sienne entre 1331 et 1345, fils de Segna di Buonaventura.
[3] TORRITI 1977, p. 76.