Guido di Graziano (documenté à Sienne de 1278 à 1302)
Saint Pierre libéré de sa prison
Détail du San Pietro in trono ou Dossale di San Pietro (Saint Pierre assis sur un trône ou Parement d’autel de saint Pierre), vers 1280.
Tempéra sur panneau.
Provenance : Église (détruite) de San Pietro in Banchi, Sienne.
Sienne, Pinacoteca Nazionale.
L’apôtre Pierre dort, à gauche, à l’intérieur d’une prison dont le mur parallèle au plan du tableau a été percé d’une immense ouverture gothique, elle-même fermée par une grille qui signifie sans aucun doute l’idée de la prison tout en permettant au regard de pénétrer dans l’édifice. Un ange vient de pénétrer dans ces lieux et tente de réveiller Pierre que l’on voit profondément endormi, la tête appuyée sur sa main droite. Le geôlier, allongé à ses pieds, semble visiblement faire de même. Quoi de mieux que le songe pour qu’advienne le miracle ?
L’instant d’après, comme cela se passe dans tous les miracles, Pierre, guidé par l’ange qui le tient par la main, s’éloigne de la prison dont il vient d’être libéré et s’apprête à sortir du champ de l’image. Deux instants différents, donc, mais perçus en un seul éclair par le spectateur, dans un effet d’immédiateté, ou d’instantanéité, qui prend tout son sens dans le contexte de la représentation d’un miracle.
Selon un principe typiquement médiéval (que l’on retrouve de façon intemporelle dans les dessins d’enfants), il serait inconcevable que la totalité des édifices ne soient pas visible. Il faut donc qu’apparaissent aussi les hautes et puissantes tours qui appartiennent à la prison de Pierre, quitte à opérer un changement d’échelle qu’il nous faut comprendre non pas comme une maladresse mais comme la volonté de donner à voir ce que l’on sait (ici, ce que l’on sait de l’apparence de la prison) et non ce que l’on voit, qui importe moins et qui est sujet à des déformations inhérentes à la perception visuelle que les peintres, à partir du XIVe siècle, apprendront à traduire sur un plan au moyen de la perspective.
De l’architecture représentée, Guido di Graziano ne montre que ce qui lui semble essentiel et indispensable pour situer le lieu de l’action. D’où des formes qui tirent vers l’abstraction, même si l’on perçoit à travers les infimes jeux de la lumière et des ombres qui jouent sur les volumes, une timide préoccupation d’approcher le réel dans ce qu’il a, finalement, de contingent.
Demeure les extraordinaire rapports chromatiques que, contrairement aux idées reçues sur le Moyen Âge, les artistes déclinent en permanence, surtout à Sienne, à la surface des œuvres. Ici, vermillon, rose, orangés, ocres, bruns et bleus se côtoient pour créer de délicates stridences qui confèrent à l’image le charme et la souveraine poésie d’un instant situé hors du temps et de la réalité.