Pietro Lorenzetti, “Il sogno di Sobach”

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Pietro Lorenzetti (connu à Sienne de 1305 à 1345)

Il sogno di Sobach (Le songe de Sobach)

Inscription (sur le phylactère [1] porté par un ange) : « SOMNIUM VIDIT QUIA NASCENTE HELIA VIRI CANDIDUS UTENTES VES »

Prédelle de la Pala del Carmine. Madonna in trono col Bambino fra quattro Angeli, San Nicola e il profeta Elia1329 (datée et signée).

Tempéra sur panneau, transposé sur toile en 1883, 37 x 44 cm.

Provenance : Oratorio della Compagnia di Sant’Ansano, Dòfana, près Sienne. A l’origine, église du Carmine, Sienne.

Sienne, Pinacoteca Nazionale.

La légende raconte que Sobach, père d’Elie [2], le prophète de l’Ancien Testament [3], aurait vu en songe l’extraordinaire ministère que son fils était destiné à assumer au cours de sa vie. Cette légende est, bien entendu, particulièrement chère aux Carmélites.

Dans la figure du vieil homme qui dort sur son lit, dont l’attitude prouve qu’il a fait l’objet d’une observation attentive, la tête posée sur l’avant bas replié, nous voyons précisément Sobach. Celui-ci songe et par le biais de la peinture, l’objet de son rêve nous est également intelligible : un ange lui apparaît et porte un phylactère sur lequel est inscrite la formule qui nous fait savoir à quoi rêve le vieillard endormi.

Comme d’habitude, pourrait-on dire, Pietro Lorenzetti accorde la même attention au décor de la scène dont la description minutieuse fourmille d’informations sur les conditions de la vie quotidienne à Sienne au Trecento. Faisant ici encore, un siècle avant que la discipline ne fasse l’objet d’une théorisation (Brunelleschi, Alberti, …) et d’un emploi (Masaccio, …) savants, la démonstration de son intérêt pour la perspective qu’il utilise de manière empirique et cependant très efficace. Tous les éléments d’une chambre siennoise des années 1300 sont minutieusement figurés, à commencer par le lit, installé sur une estrade et dissimulé sous la fameuse couverture à grands carreaux si caractéristique de l’époque. La double arcade à travers laquelle apparaît la chambre n’est, en fait, que la libre invention du peintre qui nous permet ainsi de voir l’intérieur de la chambre alors que nous sommes à l’extérieur de la maison représentée. Hormis l’alcôve du lit, dont le mobilier est décrit en détail, le reste de la pièce est vide mais recouvert d’un carrelage aux motifs géométriques particulièrement commodes lorsque l’on veut simuler une perspective. A l’étage de la maison, une loggia, à laquelle on doit pouvoir parvenir grâce à l’escalier dont le première volée est visible à l’intérieur de la maison dont la porte d’entrée est demeurée curieusement entrouverte.

Il émane de cette œuvre un sentiment de quiétude et de silence admirablement propice au songe dans lequel est profondément plongé Sobach. L’unique mouvement perceptible est celui lié au plongeon d’un ange ; encore celui-ci n’est-il visible que par le seul miracle de la représentation picturale. Et qui saura dire le bruit qui accompagne le plongeon d’un ange ?

[1] Dans l’art chrétien médiéval, un phylactère est la représentation d’une petite banderole sur laquelle se déploient les paroles prononcées par le personnage qu’elle accompagne ou, comme ici, qui la porte.

[2] Elie (hébreux : Ėliyyahou, nom qui signifie : « Yahou est mon Dieu » (Yahou est une abréviation de Yahweh).

[3] A l’instar des religions monothéistes apparues avec l’héritage d’Abraham, le Coran, de même que la Torah, évoquent également le nom d’Elie.

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