Duccio di Buoninsegna (Sienne, vers 1260 – vers 1318/19)
Mort de la Vierge ou Dormition de la Vierge (Dormitio Virginis)
Tempera et or sur bois, 40 x 45,5 cm.
Sienne, Museo dell’Opera del Duomo.
Vient maintenant l’instant de la Dormitio Virginis [1]. Marie est allongée sur la couche de sa chambre dont la présence de la cohorte des anges cache presque entièrement l’aspect intérieur ; il est cependant possible de reconnaître cette pièce à l’arrière-plan de la scène, en haut de l’image, derrière le véritable rempart que constituent les auréoles des anges venus assister aux derniers instants de la Mère de Dieu.
“C’est ainsi que l’âme de Marie sortit de son corps et s’envola dans les bras de son Fils” [2]. “Le Seigneur étendant ses mains pures, reçut son âme sainte et irréprochable” [3] ; c’est dans ces termes que Jacques de Voragine et le Pseudo-Jean décrivent le dernier soupir de la Vierge. Le Christ, debout devant le lit de mort, porte maintenant entre ses bras “l’âme candide” de sa Mère, avec un infini respect qui s’exprime visuellement par l’incroyable précaution avec laquelle il a recouvert ses mains à l’aide d’un pan de la toge pour éviter tout contact direct. [4] L’âme de Marie, qui apparaît sous l’aspect d’une petite fille, presque une poupée, Jésus va bientôt la confier à deux des anges qui l’entourent pour l’emporter “au plus haut des cieux” ; et l’on se plait à penser que ces deux anges sont ceux qui, resplendissants dans la splendeur immaculée de leurs aubes blanches et bordées d’or, se trouvent actuellement à ses côtés, au plus près de lui.
Les apôtres sont présents et assistent à genoux à cet instant suprême, privés d’auréoles pour des raisons pratiques que nous avons déjà rencontrées dans certaines des scènes précédentes, telle la Dernière Cène. On reconnaît, au premier plan à gauche, Pierre, vêtu de vert, et Jean, qui porte la palme grâce à laquelle la dépouille mortelle de la Vierge sera à l’abri de toute tentative de profanation lors de ses obsèques, ainsi que l’Archange Gabriel, venu lui annoncer l’heure prochaine de sa mort, le lui a promis.
Et nous, dans la lente contemplation de l’image, d’admirer la manière dont l’espace figuré parvient à évoquer peu à peu, grâce à l’envahissement progressif de la surface par l’or des auréoles où se réfléchit la lumière, un au-delà vers lequel l’âme de la Vierge ne va pas tarder à se rendre.
[1] Littéralement, Dormition de la Vierge.
[2] Jacques de Voragine, La Légende dorée, chap. 115, “Assomption de la sainte Vierge Marie.”
[3] Pseudo-Jean, Dormition de Marie, “Départ de l’âme de Marie au ciel.”
[4] C’est avec les mêmes gestes de précaution que le vieux Siméon avait accueilli dans ses bras l’enfant Jésus lors de la Présentation au Temple.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.