Domenico di Bartolo (Asciano, vers 1400/1404 – Sienne, vers 1445/1447)
Ampliamento dell’Ospedale della Scala, ovverosia La limosina del vescovo (Agrandissement de l’Hôpital de la Scala ou L’Aumône de l’Évêque), 1442/1443.
Fresque
Provenance : In situ.
Sienne, Complesso Museale di Santa Maria della Scala.
Avec cette scène, nous quittons déjà l’univers du Vecchietta qui interrompit ici sa participation à la réalisation du décor de la salle. Domenico di Bartolo, qui lui succède, dépeint, dans un décor somptueux et théâtral, non dépourvu d’archaïsmes hérités de l’époque gothique, le fastueux cortège [1] venu apporter au Recteur de Santa Maria della Scala son aumône au bénéfice de la grande œuvre charitable. L’irruption du cortège est si soudaine qu’elle semble avoir troublé l’un des maîtres travaillant sur le chantier (on le voit, au premier plan, se retourner). Le cadre architectural, qui relève à son tour d’une imagination quelque peu débridée cette fois–ci, n’est pas d’un intérêt majeur, excepté en ce qu’il rend compte par sa magnificence outrée d’événements contemporains auxquels le Recteur souhaite faire allusion, comme nous le verrons ci-après. En revanche, les détails du chantier en cours constituent non seulement une source précieuse d’informations relatives à un mode de travail tel qu’il était réalisé au XVe siècle, mais aussi le témoignage de ce que pouvait être, à cette époque, une humanité laborieuse et humble.
En violent contraste avec la splendeur quelque peu outrageuse du cadre architectural, à l’endroit où s’élève un échafaudage [2] placé contre la façade d’un bâtiment en construction, un manœuvre à la silhouette carrée et puissante escalade nu-pieds une échelle, courbé sous le poids d’un panier empli de briques qu’il porte à même l’épaule : il ne semble pas seulement avoir été affecté par l’arrivée impromptue du cortège de l’évêque.
Tandis que, sur l’échafaudage, s’active une foule d’ouvriers, apparaît au-dessous le Recteur, chapeau bas et courbé, lui, sous le poids du respect qu’il lui faut rigoureusement manifester envers son visiteur. Dans cet instant, il reçoit une précieuse aumône qui lui est remise des mains d’un chanoine. Ce Recteur, nous le savons, c’est le fameux Giovanni Buzzichelli, commanditaire du décor de la salle où nous sommes, que nous avons rencontré plus haut, et qui ne rechigne pas à se voir portraiturer de manière ressemblante, avec le projet non avoué d’entrer ainsi personnellement dans la grande histoire.
La grande histoire, il revient au décor architectural de l’évoquer, tant par la splendeur improbable et fantastique du bâtiment octogonal d’où quelques personnages désœuvrés observent les mouvements, que grâce à la splendide loggia qui supporte un étage lui aussi polychrome. D’une certaine manière, il aurait été impensable que pareille scène ne s’inscrive pas dans un décor digne de son importance. De surcroît, selon Friedhelm Sharf, la scène de l’Aumône été réalisée en tenant compte de deux épisodes contemporains dont elle évoque en arrière plan le souvenir : la tenue, voulue par le pape Eugène IV, du Concile de Florence en 1439, d’une part, et le séjour que fit la cour papale à Sienne en 1443, d’autre part – deux événements dont la série de peintures du Pellegrinaio devaient perpétuer le souvenir selon la volonté du Recteur. C’est, outre le fait que la peinture évoluait à l’époque, et pas uniquement à Sienne, dans le sens d’une affirmation de l’individu dans sa singularité (l’une des conceptions majeures de l’humanisme), ce qui explique le grand nombre de portraits de personnages historiques qui peuplent les images peintes ici.
[1] On lit souvent que le cortège en question serait celui de l’évêque venu apporter une aumône (“limosina del vescovo” affirme une inscription douteuse). On serait pourtant bien en peine d’identifier un évêque dans une scène “où en réalité aucun ecclésiastique n’est protagoniste.” (SEIDEL 2010, p. 293).
[2] Il s’agit ici de l’une de premières représentations d’un échafaudage dans les moindres détails de sa structure, qu’il s’agisse des planches aux jointures mal ajustées, de la poulie permettant de hisser les matériaux nécessaires à la construction, ou d’autres détails encore.
Vous devez vous connecter pour laisser un commentaire.