Priamo della Quercia, « Investitura del Rettore dell’ospedale »

Priamo della Quercia (Sienne, vers 1400 – Siena, 1467)

Investitura del Rettore dell’Ospedale (Investiture du Recteur de l’Hôpital), 1442.

Fresque

Provenance : In situ.

Sienne, Santa Maria della Scala.

La scène, peinte par Priamo della Quercia, probablement sur un dessin de Domenico di Bartolo, représente l’investiture du Recteur Giovanni di Francesco Buzzichelli, autrement dit, un épisode consacré à la gloire de ce seul important personnage, mais gloire, du moins peut-on l’imaginer, qui rejaillira d’une manière ou d’une autre sur l’Ospedale. C’est d’ailleurs des mains du Bienheureux Agostino Novello lui-même [1] que Giovanni di Francesco Buzzichelli reçoit ici symboliquement l’habit. Symboliquement, car sur un plan historique, l’événement eut lieu à une époque où le saint personnage était mort depuis longtemps [2]. Peu importe, ce qui comptait, dans l’esprit des commanditaires  de cette représentation, n’était pas la fidélité à la réalité historique – ce n’est d’ailleurs le cas d’aucune des scènes peintes de ce côté de la salle [3] – mais bien plutôt la volonté de raconter les hauts faits de l’Institution hospitalière en les valorisant autant qu’il est possible [4], au besoin en “améliorant” la réalité et en la colorant d’une touche de surnaturel ou de merveilleux (ce qui ne devait d’ailleurs pas déplaire au Recteur omniprésent dans les fresques).

Au second plan, parmi les personnages qui assistent à la scène, on remarque en particulier celui, situé tout-à-fait à gauche, qui porte un couvre-chef impérial, probable allusion à la présence de l’Empereur byzantin Jean VIII Paléologue, qui participa au Concile de Florence en 1439, événements exceptionnels dont le souvenir récent justifiait amplement une évocation au sein du décor de la salle du Pellegrinaio, selon son principal commanditaire. Comme si celui-ci, non content d’être adoubé par le Bienheureux Agostino Novello en personne, permettait de surcroît que l’un des plus puissants empereurs de l’époque devienne témoin de la scène.

De fait, nous assistons présentement à la cérémonie de la donation de l’habit au Recteur nouvellement élu comme si nous étions face à l’investiture d’un chevalier. La scène se déroule dans un décor d’une somptuosité qui n’est pas sans évoquer celle de certaines architectures civiles de la Renaissance sur le point d’advenir historiquement, comme si, une nouvelle fois, cet avènement était anticipé par le biais de la peinture. A l’instar de la scène précédente, le décor sculpté qui figure dans cette architecture feinte a évidemment une valeur symbolique. Le démontrent les deux sculptures placées dans les niches des deux pieds-droits de l’arcade du premier plan, dans lesquelles on reconnaît Adam et Ève, ou encore la frise qui orne l’arcade elle-même, où l’on voit des putti qui évoquent immanquablement la légende mariale des enfants-trouvés que la Vierge a recueillis dans le rêve de la mère de Sorore, et qui sont dorénavant soignés et éduqués au sein de l’Ospedale. Quant à la figure féminine de pierre placée dans une niche au centre de la fresque, elle représente la figure tutélaire du lieu, par qui tout procède et qui détermine toutes les actions charitables assurées ici quotidiennement, dont le nom même a été emprunté par l’Hôpital dans lequel se déroule l’événement solennel de l’investiture.

La peinture siennoise, on le sait, a un sens exact de la narration ; elle s’efforce toujours de rendre compte avec une minutieuse précision de la réalité qu’elle représente (y compris lorsqu’il s’agit de récits susceptibles d’être figurés sur le mode de l’allégorie), en rappelant, le cas échéant, aux générations présentes et à venir le lieu où se situe l’action représentée. En dépit de la dimension allégorique donnée à la scène, telle que l’on vient de l’identifier ci-dessus, l’action se situe sans nul doute possible à Sienne, mieux, à proximité immédiate de l’Ospedale. Comme on peut le voir sur la droite, derrière le personnage vêtu de couleur brun-rouge, qui vient probablement d’entrer dans le lieu par la porte ouverte. Celle-ci donne sur un paysage urbain où l’on reconnaît sans difficulté le bas de la façade de la Cathédrale et la volée de marche qui monte vers l’entrée.

[1] Le Bienheureux Agostino Novello est considéré comme l’auteur du premier statut de Santa Maria della Scala, rédigé en 1305.

[2] Il est mort en 1309.

[3] On verra que les choses en iront différemment sur les murs situés en face.

[4] Tant il est vrai qu’au début des années 1430, le Recteur Buzzichelli prit ses fonctions après avoir été élu, comme l’étaient depuis longtemps les recteurs qui s’étaient succédés avant lui.