Vierge de Miséricorde (Iconographie de la)

Il semble que le thème de la Vierge de Miséricorde (it. : Madonna della Misericordia), également appelée Vierge du Manteau (Madonna del Manto), commun à Sienne comme dans d’autres villes de l’Italie centrale, dérive d’une apparition de la Madone survenue au IXe s., dont un moine en aurait été le témoin dans un couvent cistercien.

Paolo di Giovanni Fei, « Vierge de Miséricorde entre deux Anges, Saint Pierre et Saint François. Paris, Galerie G. Sarti.

Deus regnum suum in duas partes divisit. Unam partem sibi retinuit, aliam Mariae commisit. Duas partes regnis caelestis sint justitia et misericordia. Per justitiam minabatur nobis Deus per misericordiam succurrit nobis Maria[1]JAMES, Montague Rhodes, BERENSON, Bernard, Speculum Humanae Salvationis being a Reproduction of an Italian Manuscript of the Fourteenth Century, Oxford, University Press, 1926, Speculum Humanae Salvationis, being a Reproduction of an Italian Manuscript of the Fourteenth Century, Oxford, Privately Printed, 1926, chap. XXXVII, r. 36, chap. XXXIX, rr. 95-98. Les commentaires apposés sur les miniatures du Speculum Humanae Salvationis [2]Probablement composé entre 1309 et 1324 de manière anonyme afin d’être utilisé par les moines pour la prédication, bien que le contexte religieux dans lequel il a été écrit soit encore controversé, le Speculum est l’un des textes les plus diffusés sur le thème de la rédemption à la fin du Moyen Âge […]. Le texte du traité est conservé en deux versions manuscrites, … Poursuivre, traité didactique composé au début du XIVe siècle dans le but d’offrir aux fidèles un viatique moral et spirituel valable pour obtenir la rédemption, illustrent le pouvoir tutélaire assuré à la Vierge, qui s’identifie à sa miséricorde : alors que le Seigneur menace d’infliger un châtiment céleste à l’humanité pour les péchés commis, la Madone Protectrice aide l’humanité en l’accueillant dans son sein maternel. La signification dévotionnelle de la protection accordée par le manteau charitable de Marie à l’humanité comme un abri contre les coups de la colère divine menaçante a donné naissance à l’une des iconographies mariales les plus fascinantes et les plus heureuses de l’art médiéval, la Madone de la Miséricorde. [3]C’est le même texte qui offre ce qui, selon toute vraisemblance, peut être considéré comme l’un des exemples illustrés les plus archaïques du motif iconographique de la Mater Misericordiae : l’image de Maria Defensatrix au chapitre XXXVIII du traité représente la Vierge dans le geste protecteur d’accueillir les suppliants sous son manteau.

Tommaso CASTALDI, L’iconografia della Madonna della Misericordia e della Madonna delle frecce nell’arte bolognese e della Romagna nel Tre e Quattrocento, Imola, La Mandragora Editrice, 2011. L’auteur examine également une variante iconographique de la Vierge de Miséricorde appelée, en Italie, Madonna delle frecce.

Benvenuto di Giovanni, “Madonna della misericordia”. Banca Monte dei Paschi di Siena, Palazzo Tantucci.

Né au Moyen Âge, le culte de la Madone de la Miséricorde, et par voie de conséquence, son iconographie, s’épuisent à partir du XVIe siècle. On assiste alors à une révolution générale des dévotions due, en particulier, aux dispositions résultant de la Contre-Réforme, qui tendent à réactiver le culte des images, et de certaines en particulier. Il en va ainsi de la Madone de Loreto, de la Madone du Rosaire ou encore de l’Immaculée Conception. La dévotion à ce dernier mystère et la formulation d’une iconographie spécifique ont reçu, à Sienne, une impulsion précoce grâce à un fait historique survenu en 1526, date de la victoire remportée en 1526 par les Siennois sur les troupes de Clément VII à la Porta Camollia, immédiatement attribuée à l’intercession de la Vierge, protectrice et souveraine de la cité.

Le culte de la Madone de Miséricorde, qui était lié jusque-là à des invocations de protection émanant d’institutions, de confréries ou de villes, est remplacé par une dévotion particulière envers certaines images de la Madone considérées comme miraculeuses vénérées dans des sanctuaires qui se multiplient au cours du siècle avec l’approbation des autorités ecclésiastiques. [4]A Sienne, par exemple, le culte de la Madonna di Provenzano, une image en terre cuite du XVe siècle, a littéralement explosé à la fin du XVIe siècle. Voir Alessandra GIANNI, « L’iconografia della Madonna della Misericordia nell’arte senese, dans Mario ASCHERI, Patrizia TURRINI (dir.), La misericordia dei laici a Siena dal 1250 all’anno 2000, Sienne, 2004, pp. 94-111.

Iconographie

A l’origine, les peintres ne représentaient que des membres d’Ordres religieux regroupés sous le manteau protecteur de la Vierge, généralement les moines d’un côté et les nonnes de l’autre. Au début du XIIe s., les membres des confraternités religieuses furent à leur tour admis sous le manteau, et quelques décennies plus tard, le privilège fut étendu à toutes les catégories de la population, les hommes et les femmes demeurant cependant nettement séparés d’un côté et de l’autre de la Vierge. [5]De ce point de vue, on peut dire que la Madonna del Manto, peinte par Domenico di Bartolo (Sienne, Santa Maria della Scala), présente un caractère inhabituel.

La Vierge est généralement représentée :

  • debout et statique
  • plus grande, la plupart du temps, que les autres personnages
  • accueillant les fidèles sous sa protection en écartant son manteau de ses deux bras ; elle peut être aidée par des anges dans cette opération ; il arrive que, grâce à l’aide des anges, son manteau prenne des proportions imposantes pour accueillir toute la foule qui se presse à ses pieds
  • se détachant sur un fond abstrait, uniformément coloré lorsqu’il n’est pas doré

Le format de la représentation est proprement envahi par la figure immense de la Vierge ; sans aucun souci de réalisme, l’échelle respective de la Vierge et des personnages symbolise une forme de hiérarchie hiérarchie entre eux.

Illustrations :

Notes

Notes
1 JAMES, Montague Rhodes, BERENSON, Bernard, Speculum Humanae Salvationis being a Reproduction of an Italian Manuscript of the Fourteenth Century, Oxford, University Press, 1926, Speculum Humanae Salvationis, being a Reproduction of an Italian Manuscript of the Fourteenth Century, Oxford, Privately Printed, 1926, chap. XXXVII, r. 36, chap. XXXIX, rr. 95-98
2 Probablement composé entre 1309 et 1324 de manière anonyme afin d’être utilisé par les moines pour la prédication, bien que le contexte religieux dans lequel il a été écrit soit encore controversé, le Speculum est l’un des textes les plus diffusés sur le thème de la rédemption à la fin du Moyen Âge […]. Le texte du traité est conservé en deux versions manuscrites, l’une à la Bibliothèque de l’Arsenal à Paris (ms. lat. 593), l’autre partagée entre la Bibliothèque Nationale à Paris (ms. lat. 9584) et le Fitzwilliam Museum à Cambridge (ms. “Coleridge”). Sur le Speculum voir aussi J. LUTZ, P. PERDRIZET, Speculum Humanae Salvationis, Leipzig, 1907 ; A. WILSON, Un miroir médiéval : « Speculum Humanae Salvationis » 1324-1500, Berkeley, Los Angeles, 1984 ; B. CARDON, Manuscrits du « Speculum Humanae Salvationis » aux Pays-Bas (c. 1410-c. 1470), Louvain, 1996, pp. 32-41.
3 C’est le même texte qui offre ce qui, selon toute vraisemblance, peut être considéré comme l’un des exemples illustrés les plus archaïques du motif iconographique de la Mater Misericordiae : l’image de Maria Defensatrix au chapitre XXXVIII du traité représente la Vierge dans le geste protecteur d’accueillir les suppliants sous son manteau.
4 A Sienne, par exemple, le culte de la Madonna di Provenzano, une image en terre cuite du XVe siècle, a littéralement explosé à la fin du XVIe siècle. Voir Alessandra GIANNI, « L’iconografia della Madonna della Misericordia nell’arte senese, dans Mario ASCHERI, Patrizia TURRINI (dir.), La misericordia dei laici a Siena dal 1250 all’anno 2000, Sienne, 2004, pp. 94-111.
5 De ce point de vue, on peut dire que la Madonna del Manto, peinte par Domenico di Bartolo (Sienne, Santa Maria della Scala), présente un caractère inhabituel.

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