Duccio di Buoninsegna (attr.), « Resa di un castello. Giuncarico (?) »

Attribué à Duccio di Buoninsegna (Sienne, vers 1255/1260 – vers 1318/1319)

Resa di un castello. Giuncarico [?] (Reddition d’un château. Giuncarico [?]), vers 1314.

Fresque 

Provenance : In situ

Sienne, Palazzo Pubblico, Sala del Mappamondo.

L’œuvre, jusque là cachée, à été redécouverte en 1977, sous la pellicule d’enduit qui recouvrait cette partie du mur, à l’occasion de la restauration de la fresque représentant Guidoriccio da Fogliano peinte sur toute la largeur, au sommet du mur de la salle. La restauration a été achevée en 1980. L’attribution de la fresque est longtemps demeurée incertaine, de même que le sujet représenté, qui s’apparente visiblement à une commémoration.

Sur ce point, deux conceptions se sont opposées : celle, principalement défendue par les chercheurs américains pour qui le site urbain figuré dans la fresque serait celui d’Arcidosso [1]. Partant de cette observation, la scène figurée serait celle de la reddition des comtes Aldobrandeschi di Santa Fiora aux siennois après le siège de 1331, siège conduit, précisément, par Guidoriccio da Fogliano. Selon cette interprétation, le personnage sur la gauche pourrait être le comte Stefano Aldobrandeschi portraituré en train de livrer la forteresse d’Arcidosso à Guidoriccio, commandant des garnisons siennoises, que l’on voit au premier plan plus à droite. L’interprétation ne vaut pourtant que si l’on considère que ce personnage, bien que vêtu d’habits civils, et ayant l’épée au fourreau, appuie la main gauche sur cette dernière dans une attitude apte à le désigner comme militaire. D’autre part, cette lecture soulève un problème de date qui a des conséquences sur l’emplacement relatif de cette fresque et de celle qui la surmonte. La conquête du château de Montemassi date de 1328, celle de la forteresse d’Arcidosso de 1331. Toutes deux ayant été exécutées sous la conduite de Guidoriccio da Foligno, l’emplacement de la première (Montemassi) sur la paroi de la salle paraît incongru : il ne devrait pas être positionné au-dessus de la seconde (Arcidosso), mais au-dessous.

Cette première interprétation a été remise en question par un second groupe de critiques et d’historiens de l’art, principalement italiens. Ces derniers ont tenté de résoudre l’énigme en évitant l’incompatibilité, mentionnée ci-dessus, entre les dates des deux conquêtes et leur emplacement respectif sur la paroi de la Salle de la Mappemonde. Certains y ont vu le château de Sticciano, d’autres encore celui de Castel del Piano. La contribution la plus significative a été publiée par Max Siedel qui, dans un d’article de la revue « Prospettiva » (1982), a identifié le château représenté avec celui de Giuncarico, en se basant sur diverses considérations de caractère historique et artistique. Les recherches ont également permis de découvrir dans les archives une délibération du Conseil Général en date du 30 mars 1314, à l’issue de laquelle décision fut prise de faire représenter la soumission spontanée de la ville de Giuncarico à la République de Sienne faite par son maire, Nello di Paganello, peu de temps auparavant. Partant de ce constat, on a considéré que le château représenté sous la scène de Guidoriccio n’était pas celui d’Arcidosso mais bien celui de Giuncarico. La date de la soumission de Giuncarico remontant à 1314, elle précède celle de Montemassi, ce qui équivaut à résoudre l’incompatibilité observée quant à la datation mais fait apparaître une nouvelle contradiction relative à l’attribution de l’œuvre à Simone Martini. C’est pour résoudre l‘antinomie entre l’attribution à Simone et la documentation relative à ce peintre, que la paternité de l’œuvre a été attribuée à Duccio, avec beaucoup de perplexité cependant. Les circonstances de la soumission de Giuncarico, en revanche, paraissent bel et bien être traduites dans l’iconographie de la fresque : les deux personnages que l’on voit sur la gauche sont représentés dans des attitudes pacifiques ; les portes du château sont ouvertes, signe d’un acte de soumission qui signifie aussi le libre accès offert au Siennois. La symbolique des images était portée au plus au point au Trecento, et à cette période, les images se voyaient conférer une valeur juridique, au même titre qu’un document écrit. C’est pourquoi l’ensemble des signes observés se doivent d’être pris en compte pour une bonne intelligence du sujet figuré.

Il existe un autre indice permettant de localiser la scène à Giuncarico. On sait en effet par les documents que la citadelle, en 1314, n’était pas protégée par de puissants murs mais par une simple palissade de bois, exactement comme celle que l’on voit dans l’image.

Demeure l’attribution à Duccio : aucun document ne vient l’étayer ; si elle a été constamment soutenue par le grand historien de l’art Luciano Bellosi, elle n’en est pas pour autant certaine et l’on sait qu’un autre grand connaisseur de l’art siennois, Cesare Brandi [2], cependant, excluait Duccio et Martini pour des raisons stylistiques, et considérait que l’auteur de la fresque était Pietro Lorenzetti.

Les rayures concentriques

La fresque porte comme des stigmates un ensemble d’importantes rayures concentriques très vraisemblablement causées par la rotation de la Mappemonde, ou carte topographique, qui a donné son nom à la salle. Avant que la fresque ne soit redécouverte au début des années 1980, elle était dissimulée derrière une couche de peinture bleue qui cachait également les traces de rotation qui déterminent dorénavant l’emplacement de cet objet étrange, devenu mythique.

[1] Cette identification s’appuie sur des similarités avec la réalité observées tant dans les caractéristiques architecturales de la forteresse que dans celles du paysage peints dans l’image. On verra cependant que le même argument est avancé pour justifier une hypothèse radicalement différente.

[2] Cesare Brandi, « Affreschi inediti di Pietro Lorenzetti », in Pittura a Siena nel Trecento. Torino, Einaudi, 1991, pp. 141-149.

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