Alessandro Franchi, « L’allegoria dell’Italia libera »

Alessandro Franchi (Prato, 1838 – Sienne, 1914)

L’allégorie de l’Italie libre, 1886-1888.

Fresque du plafond de la salle du Risorgimento.

Inscriptions :

  • (autour du compartiment central) : « LIBERI NON SAREM SE NON SIAMO UNI / AI MEN FORTI DI NOI / NON GREGE DISPETTO FIN CHE NON SORGA / UN UOM CHE CI RADUNI » [1]
  • (dans seize cartouches) : « FERT » [2]
  • {dans deux paires de cartouches de plus grandes dimensions) : « LIBERA » et « INDIPENDENTE » [3] ; « UNITA » et « FORTE »

Provenance : In situ

Sienne, Palazzo Pubblico, Sala del Risorgimento.

Dans l’oculus central, l’Allégorie de l’Italie, personnifiée par une guerrière ayant déposé son casque, et entourée de figures féminines représentant les différentes régions unifiées, est couronnée par la victoire. Élaborée pour être vue d’en bas, elle est construite suivant une perspective plafonnante, selon une formule qui s’inspire de celles développées par Tiepolo à Venise, mais ne brille pas du même éclat que les grands décors du maître vénitien ni ne déclenche une quelconque émotion. Figuration allégorique et idéale d’une Italie libre et indépendante, qui est l’aboutissement vers lequel tendent l’ensemble des actions figurées, et qu’invoquent l’ensemble des phrases lisibles sur les surfaces murales, cette image, dans son contexte, joue parfaitement le rôle qui lui est dévolu au centre d’un système iconographique dont elle constitue le point de focalisation.

Tout autour du plafond courent trois vers de Manzoni que l’Italie entière connaît vraisemblablement par cœur. Trois vers dont le découpage permet d’occuper les quatre côtés du rectangle central du plafond. La séquence elle-même est réalisée de manière signifiante. C’est ainsi que la fin du troisième vers (« un uom che ci raduni ») longe celui des deux petits côtés du rectangle central situé parallèlement à la paroi sur laquelle est peint le Transfert de la dépouille de Victor-Emmanuel II au Panthéon. Sans aucun doute, il faut voir là une manière de désigner symboliquement l’identité de celui qui restera finalement dans l’histoire de l’unité italienne comme l’homme de la situation.

L’organisation tout entière du décor du plafond vise à signifier, commenter, parfois, paraphraser (c’est souvent le cas dans les grands décors peints) la réalisation de l’idéal du Risorgimento, qui figure en son centre, ainsi que l’évocation, sous diverses formes symboliques, de l’homme désormais légendaire par qui cet idéal longtemps rêvé a pu finalement advenir. C’est le sens que revêt la présence des différents cartouches et autres blasons qui font référence à la maison de Savoie, et à travers elle, au roi Victor-Emmanuel II comme « Père de la Nation. »

[1] « […] Liberi non sarem se non siam uni:
Ai men forti di noi gregge dispetto,
Fin che non sorga un uom che ci raduni » (« […] Nous ne serons pas libres si nous ne sommes pas unis ; troupeau méprisé par de plus faibles que nous, tant que ne se lèvera pas l’homme qui nous unira ». Alessandro Manzoni, Ode per il Proclama di Rimini , Avril 1815. L’ode de Manzoni devait devenir le manifeste de la guerre nationale annoncée (Proclamation de Rimini) par Joachim Murat, alors roi de Naples, pour chasser d’Italie les autrichiens et leurs éventuels alliés, anglais compris. Manzoni, plus tard, dira regretter d’avoir pu être l’auteur du vers « Liberi non sarem se non siam uni » qu’il estima alors comme le plus mauvais qu’il ait jamais écrit. Dans l’une des voussures de la salle du Risorgimento, à côté du médaillon représentant Murat, on peut lire un extrait de la Proclamation de Rimini, dont celui-ci demeure l’auteur présumé, texte qui avait enflammé le jeune poète.

[2] « FERT » : devise de la maison de Savoie attestée depuis 1382, dont le sens pourrait être « Fortitudo Eius Rhodum Tenuit », c’est-à-dire « Par son courage il conquit Rhodes », en référence à un épisode légendaire selon lequel Amédée IV (ou Amédée V) de Savoie se serait rendu à Rhodes afin de la libérer d’un siège opéré par les Turcs, et en aurait été le vainqueur. Cette interprétation est décrite comme étant la plus courante, y compris par l’Enciclopedia Italiana, bien que le récit ne soit pas historique et qu’il ne s’agisse que d’élever en dignité la maison de Savoie ; elle est également reprise comme étant la seule explication de la devise dans l’encyclopédie linguistique Garzanti.

[3] Référence (?) à l’intitulé du Progetto di Costituzione per l’Italia fatta libera ed indipendente all’anno 1835 (Projet de Constitution pour l’Italie créée libre en l’année 1835), publié en 1832. D’une manière générale, les deux finalités : Libertà , Indipendenza, ainsi que leur condition nécessaire : Unità constituaient, dans l’Italie post napoléonienne, le socle et le repaire de tous les combats qui ont conduit à l’unité italienne. Pour les besoins de la cause (un rectangle possède … quatre côtés), l’adjonction du qualificatif forte devenait inéluctable.