
Scultore umbro del sec. XIII (Sculpteur ombrien du XIIIe s.)
Madonna col Bambino. Madonna di Sant’Antimo (Vierge à l’Enfant. Madone de Sant’Antimo), v. 1260.
Bois polychrome, h. : 153 cm.
Provenance : In situ.
Castiglione dell’Abate (Montalcino), église abbatiale de Sant’Antimo.
A propos de cette sculpture, Alessandro Bagnoli écrit : “L’importance de cette exceptionnelle image est inversement proportionnelle à sa médiocre fortune critique [1]« L’importanza di questa eccezionale immagine è inversamente proporzionale alla sua scarsa fortuna critica ». Alessandro Bagnoli, Scultura dipinta. Maestri del legname e pittori a Siena 1250-1450 (cat. exposition, Sienne, Pinacoteca Nazionale, 16 juillet-31 décembre 1987). Firenze, Centro Di, 1987, p. 16. ». L’historien de l’art siennois ajoute que les rares études la concernant ont fait apparaître, par comparaison avec d’autres œuvres, son origine ombrienne (au sens large [2]Giovanni Previtali (PREVITALI 1982b) précise que la zone dite “ombrienne” dans un sens extensif recouvre les contours d’une large part de l’Italie centrale comprenant elle-même les Marches, l’Ombrie proprement dite, les Abruzzes et le Latium.) ainsi que le fait qu’avec le temps, l’œuvre a sans doute perdu quelques-unes de ses parties complémentaires : le repose-pieds, le dossier du siège et également le tabernacle dans lequel elle était logée.
Ce que l’œuvre, en revanche, n’a pas perdu, c’est l’admirable étrangeté de sa silhouette élongée verticalement. La figure de Marie est sculptée dans un seul tronc de peuplier évidé jusqu’à la hauteur des épaules, selon une pratique courante de l’époque. Seules ses mains, qui devaient être mobiles à l’origine, ont été ajoutées à la hauteur des pouces (aujourd’hui, il ne demeure de sa main gauche d’origine que le pouce, précisément, tous les autres doigts ayant été restitués lors de la dernière restauration, réalisée en 1984). L’effet de resserrement des épaules et de toute la silhouette qui en résulte est saisissant, tout comme la fixité de son regard, que le spectateur perçoit à la fois rivé sur lui, comme s’il était pris à témoin, et figé dans le lointain d’un horizon inaccessible. L’impressionnante immobilité de l’ensemble est encore renforcée par une forme de « cubisme » avant la lettre, caractéristique des sculptures du premier Moyen-Âge, dans lesquelles n’est offert qu’un nombre restreint de points de vue. Pour regarder le groupe de la Mère à l’Enfant, il faut privilégier le face-à-face, s’immobiliser devant les deux figures, avant de prendre le temps de les contempler. C’est alors que se révèle sa splendeur, la délicatesse des carnations nacrées des deux visages dont l’expression presque sévère se révèle étonnante, de la beauté des couleurs dont les tonalités sont suffisamment fortes pour simuler « les effets de matériaux somptueux : la laque rouge carmin – translucide comme une pierre précieuse – du vêtement [de la Vierge] et la couleur, qui fut un temps plus claire et éblouissante, du manteau et de l’habit de Jésus […] [3]Alessandro Bagnoli, Op. cit., p. 18). ».

La Vierge à la silhouette étroite comme un i porte l’enfant sur ses deux genoux quelle maintient étroitement serrés. Il a fallu tout le talent du sculpteur pour parvenir à rendre crédible la position relative des deux personnages sur un support aussi privé d’épaisseur que pourrait l’être un bas-relief. Il suffit d’observer la statue de profil pour prendre la mesure aussi bien de la difficulté à résoudre (rendre l’effet de raccourci des jambes de la Vierge) que de la crédibilité du résultat obtenu.
La figure de l’Enfant aux allures de jeune homme en miniature peut déconcerter au premier regard tant il est éloigné des critères actuels d’un spectateur désireux de retrouver une scène de maternité insouciante, ce que l’œuvre n’est pas. Cet enfant, dont l’attitude, les deux bras écartés du corps évoque la position qu’il sera contraint d’adopter pour mourir sur la croix, et le geste de bénédiction qu’il adresse à qui le regarde, ne peut, dans l’esprit médiéval, être semblable à tous les autres enfants. Fils d’un Dieu et lui-même Dieu incarné, son allure, littéralement a-normale, le désigne ici comme tel. On comprend, dès lors, ce défaut volontaire de ressemblance. Il faudra attendre encore pour voir apparaître le type de bébé joufflu qui prendra place au fil du temps dans les bras de Marie.
Marie et Jésus, tous deux figés dans un hiératisme qui doit beaucoup à la forme du tronc dont les a extraits le ciseau du sculpteur, semblent installés dans un espace où n’existent plus ni le caractère épisodique de la durée, ni celui, anecdotique, du mouvement. Leurs contours, leurs formes et leurs gestes, inscrits dans une géométrie immobile, en les plaçant hors du temps, leur confère une inscription dans l’éternité, comme une promesse pour le fidèle agenouillé devant l’œuvre.
Notes
1↑ | « L’importanza di questa eccezionale immagine è inversamente proporzionale alla sua scarsa fortuna critica ». Alessandro Bagnoli, Scultura dipinta. Maestri del legname e pittori a Siena 1250-1450 (cat. exposition, Sienne, Pinacoteca Nazionale, 16 juillet-31 décembre 1987). Firenze, Centro Di, 1987, p. 16. |
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2↑ | Giovanni Previtali (PREVITALI 1982b) précise que la zone dite “ombrienne” dans un sens extensif recouvre les contours d’une large part de l’Italie centrale comprenant elle-même les Marches, l’Ombrie proprement dite, les Abruzzes et le Latium. |
3↑ | Alessandro Bagnoli, Op. cit., p. 18). |
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