
Gian Lorenzo Bernini (Naples, 1598 – Rome, 1680)
San Girolamo (Saint Jérôme), v. 1663.
Marbre, H. : 195 cm.
Provenance : In situ
Sienne, Cathédrale, Capella della Madonna del Voto (Chapelle de la Madone du vœu).
Bien avant de réaliser le saint Jérôme de la Cathédrale de Sienne, Le Bernin avait fait part de son souhait de « faire un saint Jérôme » sans en avoir jamais eu l’occasion [1]Bernini avait « […] da gran tempo volontà di fare un San Girolamo, né essergli venuta per avanti l’occasione ». Voir Alessandro Angelini, « La decorazione scultorea della cappella Chigi tra Seicento e Settecento », dans LORENZONI 2009, p. 75.. Il ne serait donc nullement étonnant qu’il ait pu suggérer aux Chigi de lui faire une place dans leur chapelle siennoise, et de l’accompagner, par analogie, d’une autre pénitente en la personne de Marie Madeleine.
Il existe d’ailleurs plusieurs dessins du Bernin témoignant de son intérêt pour un tel type de sujet. L’un se trouve au Louvre (fig. ci-contre). Paul Fréart de Chantelou [2]Paul Fréart de Chantelou (1609-1694) : gentilhomme français chargé d’accompagner le génial sculpteur italien, durant le séjour qu’il fit à Paris en 1665, à l’invitation de Louis XIV. l’évoque dans son célèbre compte-rendu du séjour du Bernin à Paris [3]Paul Fréart de Chantelou écrit, à propos de ce dessin réalisé par le Bernin le mardi 29 septembre 1665, et offert à Colbert le 4 octobre suivant : « Le 30e [septembre 1665], étant allé chez le Cavalier [Bernin], il m’a montré un dessin de saint Jérôme et m’a dit que c’était l’ouvrage de sa soirée du jour d’hier, qu’à moi qui avais la … Poursuivre. Le second à Londres (ci-dessus), le troisième dans les collections de la famille Chigi conservée dans le palais familial d’Arricia.
On notera d’emblée la manière, typiquement baroque, avec laquelle Jérôme, un pied posé sur la tête du lion qui est l’un de ses attributs symboliques, semble s’extraire de la niche architecturale qui peine à le contenir. Représenté sous les traits d’un vieillard barbu, à demi nu, Jérôme, serrant entre ses bras, non sans une grande délicatesse, le crucifix, est saisi dans l’instant où l’adoration à laquelle il est livré semble parvenue à un point confinant à l’extase. Les yeux fermés, la tête penchée sur l’image de son Dieu – on jurerait que le Christ crucifié répond lui-même à ce geste – le saint docteur s’est laissé transporter. Les voiles qui couvre sa maigre silhouette encore musculeuse semblent pris dans un frissonnement qui n’est que l’image ou le reflet visible de la tension qui s’est emparée de tout son être. Le Bernin aura l’occasion de figurer à de nombreuses reprises au cours de sa carrière de sculpteur ce type particulier de situation paroxystique dans laquelle les corps, comme devenus fiévreux, sont apparemment pris d’irrésistibles convulsions, selon un modèle qui, selon toute vraisemblance, semble devoir être, dans son œuvre, un apanage des saints.

La collection Chigi Saracini conserve (figure ci-dessus) une rare esquisse en terre cuite (v. 1663) préparatoire à la sculpture de marbre commandée à Gian Lorenzo Bernini par le Pape Alexandre VII (Fabio Chigi) pour la Cappella della Madonna del Voto.
Notes
1↑ | Bernini avait « […] da gran tempo volontà di fare un San Girolamo, né essergli venuta per avanti l’occasione ». Voir Alessandro Angelini, « La decorazione scultorea della cappella Chigi tra Seicento e Settecento », dans LORENZONI 2009, p. 75. |
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2↑ | Paul Fréart de Chantelou (1609-1694) : gentilhomme français chargé d’accompagner le génial sculpteur italien, durant le séjour qu’il fit à Paris en 1665, à l’invitation de Louis XIV. |
3↑ | Paul Fréart de Chantelou écrit, à propos de ce dessin réalisé par le Bernin le mardi 29 septembre 1665, et offert à Colbert le 4 octobre suivant : « Le 30e [septembre 1665], étant allé chez le Cavalier [Bernin], il m’a montré un dessin de saint Jérôme et m’a dit que c’était l’ouvrage de sa soirée du jour d’hier, qu’à moi qui avais la connaissance, il suffisait de me faire voir sans me parler davantage. Je l’ai trouvé beau et fort bien éclairé, avec les reflets aux lieux nécessaires et un accompagnement de grande expression. Il m’a dit que tous les ans à Rome, il faisait trois dessins, l’un pour le Pape, un pour la reine de Suède et l’autre pour le cardinal Chigi, qu’il leur donnait à pareil jour ». Paul Fréart de Chantelou, Journal de voyage du Cavalier Bernin en France (1665), éd. Milovan Stanić. Paris, Macula, 2001, p. 213. |
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