Hermès Trismégiste

Hermès Trismégiste [1]Le grec Trismégistos signifie littéralement : « trois fois le plus grand ». En 1476, Marcile Ficin, qui venait de traduire du grec en latin le Corpus Hermeticum (recueil de traités mystico-philosophiques en grec, datant de la période hellénistique attribué depuis l’Antiquité au mythique Hermès Trismégiste) écrit dans l’Argumentum (Argument pour la … Poursuivre : « Hermès grec, mais égyptianisé  ou Thoth égyptien, mais hellénisé » [2]Hermès Trismégiste,  Corpus hermeticum, tome I, Poimandrès, Traités II-XII, texte établi par A. D. NOCK, traduit par A. J. FESTUGIÈRES, Paris, Les Belles Lettres, 2002. prétendu pharaon, inventeur des sciences [3]On connaît de lui une série d’écrits d’alchimie, dont le plus célèbre, le Poimandrès, date sans doute du IVe s. ap. J.-C., c’est l’un des grands sages mythiques de l’Antiquité.

« Au début de notre ère, le rationalisme grec craque de toute part. La science humaine, jugée trop restreinte et sujette à l’erreur, cède la place aux révélations qu’obtient l’art du mage, de l’alchimiste, du nécromancien. Chez l’élite intellectuelle se répand le désir des connaissances immédiates, venues par voie surnaturelle  ; le goût de l’invisible, de l’initiation occulte  ; la curiosité pour l’au-​delà. Les Grecs ont de plus en plus recours à un certain nombre de «  sagesses révélées  », qu’ils attribuent soit à des sages perses (Zoroastre, Ostanès, Hystaspe) ; soit à un dieu égyptien (Thoth-​Hermès) , soit à des oracles de la Chaldée (« Oracles chaldaïques »). Parmi ces «  sagesses révélées  », celle attribuée au dieu Hermès Trismégiste […] est peut-​être la plus importante — et par le grand nombre d’écrits qu’elle a laissés, et par sa postérité qui survit dans les mots «  hermétisme  », «  hermétique  », etc. Mais qui est donc cet Hermès  ? Il est à identifier avec Thoth, le dieu-​scribe qui donna l’écriture aux Égyptiens, lesquels, par l’intermédiaire des Phéniciens, la transmirent ensuite à la Grèce : «  Thoth , raconte Platon, vint trouver le [pharaon], lui montra l’art [des lettres] qu’il avait inventé, et lui dit qu’il fallait en faire part à tous les Égyptiens… ‘Cette science, ô roi, lui dit Thoth, rendra les Égyptiens plus savants et soulagera leur mémoire ; c’est un remède que j’ai trouvé contre la difficulté d’apprendre et de savoir’ [4]Platon, Phèdre , 274d. C’est Socrate qui s’exprime : «  J’ai entendu dire que près de Naucratis, en Égypte, il y eut un dieu, l’un des plus anciennement adorés dans le pays, et celui-là même auquel est consacré l’oiseau que l’on nomme Ibis. Ce dieu s’appelle Theuth [Thoth]. On dit qu’il a inventé le premier les nombres, le calcul, … Poursuivre » [5]HERMÈS TRISMÉGISTE,  op. cit..

Tandis que certains auteurs, comme Pline, ne parlent à son égard que du découvreur des lettres de l’alphabet, Lactance [6]Lucius Caecilius Firmianus, dit Lactantius ou Lactance (Afrique romaine, v. 250 – Gaule, 325) : rhéteur. Il a été surnommé le « Cicéron chrétien » en raison de l’élégance de sa prose latine., à la suite de Cicéron, déclare qu’Hermès donna en même temps aux Égyptiens les lettres et les lois. Le rôle du Trismégiste passa ainsi de celui d’inventeur et diffuseur de l’alphabet à celui, plus glorieux encore, de fondateur de la culture et du savoir.

La Renaissance, à Sienne, découvre les principes de la sagesse occulte d’Hermès Trismégiste à l’époque où le recteur de l’Œuvre de la cathédrale est Alberto Aringhieri. C’est à lui que l’on doit la commande de la figure d’Hermès [7]Giovanni di Stefano, Ermete trismegiste. que l’on peut voir parmi les marqueteries de marbre du pavement où elle figure à proximité de l’entrée principale, en première position.

Comme l’indique l’une des inscriptions de ce premier tableau de marbre placé sur le chemin initiatique que constitue le pavement de la nef de la cathédrale de Sienne, Hermès Trismégiste fut le contemporain de Moïse. Il demeure celui qui, faisant pendant au Patriarche, aura donné les lettres et les lois aux Égyptiens tandis que ce dernier leur aura apporté les lois divines. Tandis que Moïse apparaît comme le législateur divin, Hermès œuvre selon des lois dictées par un savoir qui, bien qu’élevé, n’est pas fondé sur la révélation du vrai Dieu. Ce rôle lui vaut cependant de figurer dans l’immense ensemble de marbres qui couvre le sol de la Cathédrale, mais loin de l’autel, contrairement à Moïse, préfiguration et symbole du Christ, qui s’y trouve, quant à lui, dans une proximité immédiate.

Notes

Notes
1 Le grec Trismégistos signifie littéralement : « trois fois le plus grand ». En 1476, Marcile Ficin, qui venait de traduire du grec en latin le Corpus Hermeticum (recueil de traités mystico-philosophiques en grec, datant de la période hellénistique attribué depuis l’Antiquité au mythique Hermès Trismégiste) écrit dans l’Argumentum (Argument pour la théologie platonicienne, 1476) : « Ils appelèrent Trismégiste trois fois grand parce qu’il était excellent comme le plus grand philosophe, le plus grand prêtre, et le plus grand roi ».
2 Hermès Trismégiste,  Corpus hermeticum, tome I, Poimandrès, Traités II-XII, texte établi par A. D. NOCK, traduit par A. J. FESTUGIÈRES, Paris, Les Belles Lettres, 2002.
3 On connaît de lui une série d’écrits d’alchimie, dont le plus célèbre, le Poimandrès, date sans doute du IVe s. ap. J.-C.
4 Platon, Phèdre , 274d. C’est Socrate qui s’exprime : «  J’ai entendu dire que près de Naucratis, en Égypte, il y eut un dieu, l’un des plus anciennement adorés dans le pays, et celui-là même auquel est consacré l’oiseau que l’on nomme Ibis. Ce dieu s’appelle Theuth [Thoth]. On dit qu’il a inventé le premier les nombres, le calcul, [274d] la géométrie et l’astronomie ; les jeux d’échecs, de dés, et l’écriture. L’Égypte toute entière était alors, sous la domination de Thamus, qui habitait dans la grande ville capitale de la haute Égypte ; les Grecs appellent la ville de Thèbes l’Égyptienne, elle dieu, Ammon. Theuth vint donc trouver le roi, lui montra les arts qu’il avait inventés, et lui dit qu’il fallait en faire part à tous les Égyptiens, Celui-ci lui demanda de quelle utilité serait chacun de ces arts, et se mit à disserter sur tout ce que Theuth disait au sujet de ses inventions, [274e] blâmant ceci, approuvant cela. Ainsi Thamus allégua, dit-on, au dieu Theuth beaucoup de raisons pour et contre chaque art en particulier. Il serait trop long de les parcourir ; mais lorsqu’ils en furent à l’écriture : Cette science, ô roi ! lui dit Theuth, rendra les Égyptiens plus savants et soulagera leur mémoire. C’est un remède que j’ai trouvé contre la difficulté d’apprendre et de savoir. Le roi répondit : Industrieux Theuth, tel homme est capable d’enfanter les arts, tel autre d’apprécier les avantages ou les désavantages qui peuvent résulter de leur emploi ; [275a] et toi, père de l’écriture, par une bienveillance naturelle pour ton ouvrage, tu l’as vu tout autre qu’il n’est : il ne produira que l’oubli dans l’esprit de ceux qui apprennent, en leur faisant négliger la mémoire. En effet, ils laisseront à ces caractères étrangers le soin de leur rappeler ce qu’ils auront confié à l’écriture, et n’en garderont eux-mêmes aucun souvenir. Tu n’as donc point trouvé un moyen pour la mémoire, mais pour la simple réminiscence, et tu n’offres à tes disciples que le nom de la science sans la réalité ; car, lorsqu’ils auront lu beaucoup de choses [275b] sans maîtres, ils se croiront de nombreuses connaissances, tout ignorants qu’ils seront pour la plupart, et la fausse opinion qu’ils auront de, leur science les rendra insupportables dans le commerce de la vie. »
5 HERMÈS TRISMÉGISTE,  op. cit.
6 Lucius Caecilius Firmianus, dit Lactantius ou Lactance (Afrique romaine, v. 250 – Gaule, 325) : rhéteur. Il a été surnommé le « Cicéron chrétien » en raison de l’élégance de sa prose latine.
7 Giovanni di Stefano, Ermete trismegiste.