Les deux textes souvent cités comme référence nous disent qu’après la reconnaissance de Joseph comme époux de Marie choisi par Dieu, chacun d’eux s’en est retourné chez soi, Joseph pour préparer la cérémonie du mariage, Marie pour attendre le jour du mariage dans la maison des ses parents.
C’est cette scène qui est représentée dans la quatrième fresque du cycle de l’Ospedale di Santa Maria della Scala, probablement par Ambrogio (Andrea De Marchi l’attribue à Martini). Cette composition constituait très certainement une première et elle a été tellement peu suivie qu’on a vu comment Ghiberti et Vasari l’ont mal interprétée et n’ont pas su l’identifier.
Je n’ai trouvé que quatre compositions mettant en scène cet épisode, toutes siennoises et toutes intégrées dans le même cycle de quatre scènes de l’enfance de Marie : Bartolo di Fredi en 1388 dans le polyptyque du Couronnement de la Vierge de Montalcino, Benedetto di Bindo Zoppo en 1412 dans la sacristie de la cathédrale de Sienne (malheureusement son mauvais état de conservation ne permet pas d’en dire beaucoup), un peintre appelé le ‘pseudo Pellegrino di Mariano’ (dont on ne sait presque rien) vers 1430 dans une prédelle conservée au Vatican, enfin Sano di Pietro en 1450 dans une prédelle conservée dans divers musées dont celui d’Altenburg pour l’élément qui nous intéresse ici.

Toutes quatre présentent le même schéma. Au centre, Marie est accueillie par Anne et Joachim (dont on a vu l’importance et le rôle spécifique dans les quatre scènes du cycle). Les femmes mariées portant un voile, le fait que Marie n’en porte pas prouve que cette scène est antérieure à celle du mariage (contrairement à ce que disent de nombreux commentateurs, en raison sans doute de sa place dans le cycle, située après la scène du mariage). Elle rencontre ses parents sur le seuil de la maison paternelle et ils se tendent les mains. Marie est suivie à gauche de quelques vierges, les bras croisés, qui l’ont accompagnée durant sa vie au Temple. Les textes parlent de sept vierges, mais seules deux, trois ou six sont ici visibles. A l’extrême gauche, une femme voilée, donc mariée, assiste à la scène. On a pu reconnaître en elle Elisabeth, cousine de Marie et future mère de Saint Jean-Baptiste. A droite, quelques familiers de la maison parentale (principalement des femmes) suivent la scène des yeux.
Les personnages composant la scène sont identiques dans les quatre représentations, mis à part le nombre de vierges accompagnant Marie et le nombre de familiers de la maison parentale. Dès lors, les divergences portent exclusivement sur les éléments de décor et d’architecture, sensiblement différents d’un peintre à l’autre. Chez Bartolo, un palais crénelé de style Trecento occupe tout le fond de la composition. Chez Bindo Zoppo, on devine une architecture élaborée avec de nombreuses voûtes en ogive. A l’inverse, chez le ‘pseudo Pellegrino di Mariano’, les éléments décoratifs sont pratiquement inexistants. Enfin, chez Sano di Pietro, on retrouve presqu’à l’identique le palais crénelé de Bartolo, mais Sano a remplacé le fond doré par une coupole et un campanile à l’image de ceux de la Cathédrale de Sienne située face à Santa Maria della Scala.



Pourtant, Bartolo est sans doute le plus proche de ce qui pouvait avoir été peint à fresque sur la façade de Santa Maria della Scala. Pourquoi, en effet, aurait-il fait l’impasse sur un élément aussi spectaculaire que la coupole peinte par Sano s’il l’avait vue représentée par Lorenzetti ?
COMPLÉMENT DU 23 DÉCEMBRE 2018
Matteo di Giovanni a peint un retable en 1455 pour l’église San Pietro a Ovile de Sienne. Il comprenait une prédelle de cinq éléments dans laquelle figurait l’épisode du Retour de Marie chez ses Parents qui mérite quelques commentaires. Il est très proche de la prédelle de Sano di Pietro d’Altenburg, notamment par l’architecture (mur du fond, loggia à droite), mais un détail en fait son originalité : Marie est coiffée d’un voile (elle serait donc mariée), comme Sainte Anne et Sainte Elisabeth qui tient un enfant par la main à gauche. Ce détail renforce la confusion autour du thème de cette scène, ambiguïté qu’on perçoit depuis Ghiberti. Tant et si bien qu’elle a été parfois qualifiée improprement de Visitation (la visite de Marie, enceinte du Christ, à sa cousine Elisabeth, enceinte de Jean-Baptiste). Le fait que Joachim soit en retrait d’Anne et que seules la mère et la fille se serrent les mains accentue la ressemblance avec une scène de Visitation. Pourtant, la présence des vierges accompagnant Marie ainsi que les proximités avec les autresu représentations du Retour de Marie chez ses Parents contredisent cette attribution. Malgré cela, le Louvre, dans le cartel accompagnant la Naissance de Marie, fait référence aux éléments de la prédelle de Philadelphie en confondant le Retour de la Vierge avec une Visitation…

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