Arma Christi

Dans la religion et dans l’art chrétiens, les Armes du Christ (Arma Christi) sont constituées de symboles des diverses scènes de la Passion de Jésus. Dans ce contexte, ces figures sont considérées comme les attributs de la victoire du Christ sur la croix, dont la Résurrection porterait en soi le témoignage. Elles constituent une très ancienne tradition que l’on fait généralement remonter à Grégoire le Grand. Pour François Boespflug, les arma Christi constituent une « sorte de condensé visuel de la Passion évoquant pour mémoire ses diverses étapes par des têtes, des mains et des objets répartis pêle-mêle sans ordre préétabli ni aucun souci d’espace, et formant une sorte de “rébus labyrinthique” jouant sur “l’effet de réel du détail” et disposé souvent autour de la figure centrale du Christ debout à mi-corps dans le sépulcre. » Il s’agit d’un « type d’image aide-mémoire et aide-dévotion. Celui-ci connaît au XVe siècle un succès considérable dans la peinture, la fresque, l’enluminure et la gravure. Succès éclair, durant un siècle et demi à peu près, pas plus : il disparaît au XVIe siècle, après s’être répandu rapidement à partir du milieu du XIVe siècle. Ce sont approximativement les bornes qui marquent le maximum de diffusion du thème de la Messe de saint Grégoire [1]J. De BORCHGRAVE d’ALTENA, « La Messe de saint Grégoire. Étude iconographique », Bulletin des Musées royaux des beaux-arts, 8, 1959/1-2, p. 3-34., dont l’image des arma Christi s’est pour ainsi dire affranchie, en se rendant indépendante du contexte narratif de la vision du pape. [2]François BOESPFLUG (dir.), La Trinité dans l’art d’Occident (1400-1460). Sept chefs-d’œuvre de la peinture, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2006, pp. 151-170.

Les objets ainsi figurés sont supposés avoir concouru à la défaite de Satan. C’est pourquoi on les considérait comme les emblèmes héraldiques du Christ. Au Moyen Âge, s’ajoutant à la vénération de la Croix, s’est développée une dévotion populaire à l’égard des Instruments de la Passion. Cette dernière a donné lieu à une multiplication des images du type Imago Pietatis, profusion qui s’explique notamment par le fait qu’une indulgence y était toujours attachée. Des représentations en miniature de ces objets étaient fréquemment attachées aux crucifix ou aux rosaires et servaient de support à la méditation des fidèles.

Il existe un nombre très important d’Arma Christi. Parmi les plus fréquentes figurent, outre la croix sur laquelle Jésus fut crucifié :

  • La couronne d’épines placée sur sa tête en signe de dérision
  • Le pilier, ou la colonne, auquel Jésus fut attaché lors de la Flagellation
  • Le fouet avec lequel lui furent infligés trente neuf coups lors de la Flagellation
  • L’éponge, fixée sur une branche d’hysope [3]L’hysope est citée par Jean lors de la Crucifixion (Jn 19-23)., avec laquelle le vinaigre fut offert en guise de réconfort à Jésus
  • Les clous qui causèrent les blessures des mains et des pieds du Christ
  • La lance porté par le centurion Longinus au flanc du Christ, occasionnant la dernière de ses cinq blessures
  • La lune et le soleil

Peuvent également être représentées parmi les arma Christi :

  • Deux anges qui présentent le Saint Graal, coupe légendaire dans laquelle aurait bu le Christ lors de la Cène et qui aurait recueilli son sang lors de sa mise à mort sur la Croix
  • Le voile de Véronique [2] : ce linge est supposé avoir conservé l’image du visage du Christ après qu’une sainte du nom de Véronique l’ait essuyé
  • Le marteau ayant servi à planter les clous
  • Les tenailles qui ont permis d’extraire les clous afin de détacher le Christ de la Croix
  • L’échelle utilisée lors de la Descente de croix
  • Le coq qui a chanté après le troisième reniement de Pierre
  • Les trente pièces d’argent de Judas, prix de la trahison de ce dernier
  • La lanterne et/ou les torches des gardes venus arrêter le Christ le soir de la trahison
  • Les épées des soldats lors de l’arrestation du Christ
  • Le couteau (ou l’épée) avec lequel Pierre aurait coupé l’oreille du Grand Prêtre ; parfois, c’est l’oreille coupée elle-même qui est représentée
  • Le roseau et le fouet (le flagellum ou le flagrum) utilisés lors de la Flagellation du Christ
  • La tunique sans couture, « tissée tout d’une pièce de haut en bas »
  • Le manteau pourpre jeté par dérision sur les épaules de celui qui s’était dit « roi des Juifs »
  • L’un ou plusieurs des dés ayant permis aux centurions de tirer au sort les vêtements du Christ
  • La coupe de boisson amère, et le calice de l’agonie
  • La main du grand-prêtre ayant administré une gifle au Christ
  • Le visage de l’homme en train de cracher à la face du Christ lors de la Dérision
  • Le Titulus Crucis placé au sommet de la croix, portant l’inscription latine « I.N.R.I. » (Iesus Nazarenus Rex Iudaeorum)
  • Le roseau placé dans la main de Jésus pour simuler un sceptre lors de la Dérision
  • Les chaines et les cordes réputées avoir été utilisées pour attacher Jésus lors de la nuit de prison
  • Le Saint Graal, calice utilisé par Jésus lors de la Dernière Cène et qui, selon la tradition, aurait ensuite servi à Joseph d’Arimathie pour recueillir le sang du Christ
  • Le seau contenant le fiel et le vinaigre
  • Le linceul utilisé pour la Déposition, puis pour envelopper le corps du Christ lors de la Mise au tombeau
  • Les visages de certains des participants à la Passion, tels Judas ou Caïphas
  • Les deux mains de Ponce Pilate faisant le geste de se laver
  • Le seau de myrrhe utilisé pour oindre le corps de Jésus

Notes

Notes
1 J. De BORCHGRAVE d’ALTENA, « La Messe de saint Grégoire. Étude iconographique », Bulletin des Musées royaux des beaux-arts, 8, 1959/1-2, p. 3-34.
2 François BOESPFLUG (dir.), La Trinité dans l’art d’Occident (1400-1460). Sept chefs-d’œuvre de la peinture, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2006, pp. 151-170.
3 L’hysope est citée par Jean lors de la Crucifixion (Jn 19-23).