Benvenuto di Giovanni, “Annunciazione”

Benvenuto di Giovanni (Sienne, 13 septembre 1436 – Sienne, entre 1509 et 1518)

Annunciazione, env. 1470.

Tempéra sur bois, 250,5 x 177 cm.

Inscriptions : « HOPUS . BENVENUTI . IOHANNIS . DESENIS . MCCCCLXX[…] »

Provenance : ?

Sinalunga, Chiesa di San Bernardino (Monastero di San Bernardino).

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Inscrite dans un format chantourné, la représentation de l’Annonciation se déroule en deux temps : dans un décor d’une extraordinaire sophistication, l’Archange est représenté une première fois dans les cieux, recevant une branche d’olivier des mains de Dieu le Père lui-même, figuré à mi-corps et flottant dans un cercle formé par les ailes rouges et roses des cinq séraphins qui l’entourent. La source de la figuration de ce dialogue entre Gabriel et Dieu se trouve dans les Meditationes vitae Christi (ou « Méditations sur la vie de Christ ») du Pseudo Bonaventure. [1] On sait que la branche d’olivier est un symbole de paix, et c’est ce même rameau symbolique que Gabriel présente à la Vierge une fois parvenu jusqu’à elle. On sait aussi que les siennois ont longtemps préféré la branche d’olivier à celle du lys qui avait le grave défaut d’être aussi le symbole de l’ennemi héréditaire qu’était Florence pour Sienne. C’est pour éviter toute évocation involontaire de la ville honnie que les siennois optaient de préférence pour le rameau d’olivier, quitte à ce que la portée symbolique de ce dernier soit moindre. [2]

La Vierge a été interrompue dans sa lecture et maintient de la main droite le livre qu’elle a refermé, tandis qu’elle esquisse, en même temps qu’un mouvement de retrait, un geste de surprise à la vue de l’ange venu lui porter la nouvelle.

La scène se passe devant une bâtisse de pierre blanche aux formes classiques, comportant pilastres et fronton arrondi ainsi qu’une loggia ouvrant sur la campagne au premier étage et, semble-t-il, une terrasse à colonnade au second étage, bref, un ensemble très élaboré qu’il nous faut comprendre comme étant la demeure de Marie. Les détails de l’intérieur (visibles grâce à l’absence, ou à la transparence de la paroi qui la sépare du spectateur) sont conformes à l’iconographie traditionnelle : on aperçoit sa chambre et, dans cette chambre, un lit placé dans une alcôve elle-même ornée d’une tapisserie murale au motif floral. [3]

On note, au-dessous de la figure de Dieu le Père, sur l’axe de symétrie même de l’œuvre, la présence dorénavant convenue d’un pilastre, substitut de la colonne qui, depuis le XIIIe siècle, symbolise traditionnellement le Christ [4]. La figure symbolique du Christ se trouve ainsi – littéralement – au centre de l’événement, de la même manière qu’il est le sujet même du dialogue et, à ce titre, placé entre la Vierge et l’Archange. Pour renforcer la portée symbolique de cet axe, la colombe du Saint Esprit, qui émane d’un Dieu que l’on voit situé exactement à l’aplomb, figure la parole venue s’incarner dans le ventre de la Vierge, cette colombe a suspendu son vol précisément au moment où elle s’apprête à passer la frontière invisible qui sépare l’espace gauche de l’œuvre, celui, divin, de l’Archange, de celui de droite, humain, de Marie. Figurant ainsi le temps suspendu du mystère invisible, et irreprésentable par voie de conséquence.

La construction en perspective du splendide pavement de marbres colorés est d’une grande efficacité visuelle. On imagine qu’elle a été réalisée avec la jouissance que suscite la maîtrise d’une difficulté technique d’importance et d’une invention encore révolutionnaire à Sienne un demi siècle après que Masaccio, et Brunelleschi avant lui, ait démontré la capacité d’une image à reproduire de manière réaliste l’illusion de la profondeur de l’espace environnant. Cette perspective conduit le regard dans le lointain, vers le jardin attenant à la maison de Marie, l’hortus conclusus ou jardin clos de la Vierge dont le sens symbolique est si évident qu’il dispense ici d’une explicitation superflue.

[1] Pseudo Bonaventure est le nom donné à l’auteur non identifié (ou aux auteurs non identifiés) d’un certain nombre de textes qui, du fait des précisions détaillées qu’il comporte sur les événements rapportés, sont devenus, en matière d’iconographie, des sources d’inspiration sinon des références pour les peintres.

[2] On sait aussi le poids de ce renoncement au lys qui avait pourtant, grâce au mode spécifique de la reproduction de cette plante, l’incomparable capacité de faire symboliquement allusion au caractère non sexué de la grossesse de la Vierge et, par conséquent, à la conservation de sa virginité.

[3] Le sens symbolique de cette tapisserie de fleurs renvoie ici au nom de Nazareth qui, en grec, signifie “verdoyant, germe, rejeton”, davantage qu’à l’hortus conclusus dont la représentation figure déjà dans l’œuvre.

[4] Sur l’iconographie du thème de l’Annonciation, voir l’article consacré à l’Annonciation.