Sano di Pietro, « Assunzione della Vergine »

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Sano di Pietro (Sienne, 1405 – 1481)

Assunzione della Vergine (Assomption de la Vierge), avant 1444.

Tempéra et or sur panneau, 71,7 x 53 cm.

Inscriptions : /

Provenance : ?

Sienne, Pinacoteca Nazionale.

Cette œuvre de format relativement petit, peint avec une extrême finesse, est un véritable bijou précieux et resplendissant, ruisselant d’or et aux couleurs semblables à celles des émaux d’une pièce d’orfèvrerie. La comparaison vaut pour la beauté des matériaux mais aussi pour le méticuleux travail du peintre, celui du dessin réalisé au poinçon selon une méthode qui n’est pas sans rapport avec le travail de l’orfèvre ; et celui de la couleur déposée avec une infinie patience, à la manière du miniaturiste.

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Les anciennes attributions, tantôt à Sassetta, tantôt au ‘Maître de l’Observance’, sont éloquentes quant à la perfection de l’œuvre, tant la réputation de Sassetta, comme celle du mystérieux maître anonyme, authentifient et valident la merveilleuse splendeur de ce panneau destiné à la dévotion privée. Proche, en effet, du style de Sassetta, elle l’est plus encore de celui du ‘Maître de l’Observance’, et constitue sans doute, dans l’interminable querelle qui agite le monde de l’histoire de l’art depuis 1942, un indice de plus, parmi tant d’autres, pour renforcer l’opinion des partisans d’une identification du corpus des œuvres attribuées à ce mystérieux peintre comme étant celui du jeune Sano, exécuté avant 1444, date incontestable de réalisation du Polittico dei Gesuati, premier jalon de sa carrière officielle après sa sortie de l’anonymat. Quant aux responsables de la Pinacoteca Nationale, ils ont franchi le pas de longue date puisque les catalogues datant des années 1970 attribuaient déjà le petit panneau à Sano di Pietro, sans véritablement exprimer de doute.

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La Vierge Marie monte vers les cieux assise dans une mandorle (fig. 1 et 3), selon un modèle ancien mis à jour par Simone Martini dans l’Assomption de l’Antiporto di Camollia, et repris ensuite, pendant au moins un siècle et demi, par nombre de ses successeurs siennois. Autour d’elle, des anges musiciens accompagnent la Vierge plus qu’ils ne l’emportent dans ce mouvement ascensionnel, tant l’élévation semble se faire dans une aérienne légèreté [1]. Ces anges (fig. 2 et 4) sont symétriquement rangés autour de la mandorle sans que cette symétrie ne vienne ralentir leur mouvement ondulant, ni altérer la musicalité qu’ils inspirent tel donnent à voir. Tous ont les joues délicatement teintées de rose qui caractérisent les êtres angéliques lorsqu’ils sortent des mains de l’un des trois seuls peintres auxquels cette œuvre peut raisonnablement être attribuée, et tous possèdent cette merveilleuse carnation aux reflets de nacre que seuls les mêmes furent capable de peindre. L’ensemble se détache sur l’or du fond pareil, à coup sûr, à la couleur du Paradis, dans laquelle le spectateur que nous sommes se laisse aspirer avec ravissement, comme hypnotisé par cette apparition. La netteté des contours est digne de celle qu’offrent les meilleurs outils optiques, donnant par là un avant-goût de la vision parfaite dont on dit qu’elle sera celle de l’homme une fois entré en Paradis [2].

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Demeurés au sol, plusieurs spectateurs (fig. 5) lèvent les yeux vers le ciel pour observer le miracle. Parmi eux se trouve l’incrédule Thomas, au centre, recueillant la ceinture que vient de lui jeter la Vierge en guise de preuve de sa Résurrection et de sa montée au ciel. Autour de lui, les saints

  • Nicolas, modèle de bienveillance et de générosité
  • Barthélémy, l’apôtre qui put endurer sans sourciller le plus atroce des supplices
  • Jean, qui reconnut le Sauveur et le baptisa
  • Pierre, prince des apôtres qui ne se départit pas pour autant de sa profonde humanité
  • Luc, l’apôtre et évangéliste qui eut l’insigne privilège de portraiturer, dit-on, la Vierge
  • et Jérôme, qui fut ermite mais non pas cardinal bien qu’il en fût digne

Tous, agenouillés, ils ont le regard tendu vers celle qui est en train de rejoindre le royaume sur lequel elle est attendue pour inaugurer son règne, et recevoir la couronne. A peine visible, presque noyé dans l’éclat de l’or qui inonde le champ de vision en même temps que la surface picturale, le Christ, au sommet de l’image, s’apprête à l’accueillir.

Tout en bas, conformément aux textes, le tombeau que Marie a quitté est maintenant empli de fleurs.

[1] Ressemblant à des flammes tremblant dans l’air, les formes du cadre, dans sa partie supérieure, contribuent à prolonger hors champs de l’image cet effet ascendant.

[2] C’est du moins le point de vue développé dans un sermon prononcé à Florence par ?? en ??.