
Bartolo di Fredi (Sienne, vers 1330-1410) et atelier
Condannazione di Sant’Andrea ou Sant’Andrea condotto al martire ou Sant’Andrea si inginocchia davanti alla croce (Condamnation de saint André ou Saint André conduit au martyre ou encore Saint André s’agenouille devant la croix), vers 1370.
Fresque, 181,4 x 226 cm.
La scène représente dans un même espace deux moments successifs de la légende de Saint André, d’où la difficulté de retenir un titre plutôt qu’un autre tant il est vrai que le sujet est ici multiple. Dans la partie gauche, le proconsul, assis sur une sorte de trône monté sur deux marches, marque du pouvoir qui est le sien, rappelle d’un geste expressif qu’il vient de condamner André à mort (premier titre possible). Selon les textes [1], le supplice infligé au Saint prévoit de l’attacher avec des cordes à une croix, sans l’y clouer de manière à prolonger le supplice tout en garantissant une morte lente. Saint André [2] aurait ainsi agonisé pendant deux jours avant d’expirer, enfin, le troisième. Le Saint est ici représenté alors qu’il est conduit au supplice par deux bourreaux. Ceux-ci l’entraînent vers la croix où ils doivent l’attacher (second titre possible). A l’instant où il parvient devant la croix, on le voit maintenant s’agenouiller en signe de respect (troisième titre) et pour marquer le fait que, selon lui, il n’est pas digne, à l’instar de Saint Pierre, de mourir du même supplice que le Christ. Conformément à l’iconographie de cet épisode de la fin de Saint André, la croix qui figure en arrière se doit d’être une croix latine puisque celui-ci est réputé s’être agenouillé à la vue de l’instrument principal de la passion du Christ. On sait que, pour distinguer la mort de Saint André de celle de Saint Pierre, lequel avait choisi d’être crucifié à l’envers, André sera attaché sur une croix en forme de X. La croix latine visible en arrière plan semble a priori anachronique mais sa présence est parfaitement logique puisque la scène ici représentée précède celle du martyre proprement dite.
A gauche du proconsul, un soldat porte encore l’instrument avec lequel, probablement, il a fouetté le Saint pour le forcer, sans succès, à honorer les idoles païennes. A droite de l’œuvre, un petit groupe composé de deux hommes et deux enfants pointe du doigt la croix en une sorte d’anticipation de l’épisode successif de la passion du Saint, lorsque les citoyens de la ville essaieront de convaincre le proconsul de l’épargner. Demande qui sera nécessairement refusée par Egéas puisque, déjà, André rejetant la clémence du proconsul, s’agenouille devant la croix pour l’honorer, indiquant par là même qu’il préfère mourir comme son Sauveur. Scène riche de complexité, donc, qui démontre une fois encore le goût de Bartolo pour l’accumulation de détails narratifs propres à satisfaire le goût, et sans doute aussi la foi, des fidèles qui viendront s’agenouiller devant elle. Ultime détail qui mérite d’être souligné : Patras, lieu du martyre de Saint André selon les textes, est représentée sous la forme de la ville aux couleurs pittoresques que l’on aperçoit au lointain et dont l’apparence évoque davantage quelque cité siennoise du Trecento.
Les deux fresques semblent avoir été réalisées rapidement, peut-être dans le cadre d’une commande plus importante (?) [3], comme l’indique la présence, plus fréquente que dans les autres fresques de Bartolo, de retouches a secco [4] caractéristiques d’un travail exécuté avec rapidité. Les deux scènes sont peintes dans une gamme colorée assez restreinte, qui privilégie les teintes rosé, turquoise et ocre, alors que l’une des caractéristiques les plus remarquables du travail habituel de Bartolo est, précisément, l’extrême richesse chromatique ainsi que la variété des couleurs employées. Plusieurs des figures peintes dans chacune des deux scènes confirment l’intervention sans doute massive de l’atelier. Quoi qu’il en soit, la composition de chacune de ces deux œuvres, de même qu’un certain nombre de détails narratifs pleins de charme, sont parfaitement dignes d’une conception générale due à Bartolo.
Curieusement, dans chacune des deux fresques, la tête du saint protagoniste de la scène (Saint André d’une part, Saint Nicolas de l’autre) a été détruite. Sur la surface picturale ne demeure à leur emplacement qu’une zone grise témoin du comblement au mortier réalisé à l’occasion d’une restauration. Ici, pourtant, il ne peut s’agir, comme cela est souvent arrivé, de destructions résultant, à une époque plus tardive, de l’installation d’un retable (les cas à l’époque baroque, sont innombrables) ou du percement d’une fenêtre. Selon Patricia Harping, l’hypothèse la plus probable serait la suivante : pour sauvegarder l’image des saints, objets d’une vénération particulière, les fragments des fresques sur lesquels s’inscrivaient les deux visages concernés auraient été détachés [5], probablement au XVIe s., lors du blanchissement des parois de l’église et du recouvrement des fresques qui en est résulté.
[1] Note à rédiger
[2] Voir annexe : “André” (“Iconographie des principaux saints”).
[3] Hypothèse formulée par Patricia Harping. Voir HARPING 1993.
[4] A secco : à sec. Ce type de reprise ou d’ajout par dessus la surface de l’œuvre déjà sèche, permet de préciser un détail, de corriger un contour, etc. Ces ajouts présentent l’énorme défaut de ne pas avoir la même résistance dans le temps que les parties effectivement peintes a fresco, dans le frais. Voir annexes, techniques de la fresque.
[5] La méthode du strappato est connue et utilisée à partir du XVIIIe s. Elle permet, selon une technique complexe, littéralement d’arracher (it. strappare) la surface picturale afin de la séparer du support mural initial. La pellicule peinte est ensuite recollée sur un support plus léger, le plus souvent une toile, ceci à des fins de conservation – l’Italie a beaucoup employé cette technique pour sauvegarder des œuvres insignes qui auraient pu souffrir des bombardements lors du dernier conflit mondial.
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