
Collaboratore di Bartolo di Fredi (Jusafa olim Filippi Mei ?)
Madonna col cardellino ou Madonna col Bambino tra Sant’Antonio Abate e San Cristoforo (Madone au chardonneret ou Vierge à l’Enfant entre les saints Antoine Abbé et Christophe), vers 1370.
Fresque
Inscriptions :
- (sur le livre ouvert tenu par le Christ) : « EGO SUM »
Provenance : In situ.
Poggibonsi, église de San Lucchese.
Cette fresque dont l’attribution est encore discutée [1]L’œuvre est parfois considérée comme étant de la main d’un certain ‘Jusafa olim Filipi Mei’, collaborateur de Bartolo di Fredi autour des années 1380., simule un polyptyque de structure gothique, avec colonnettes et pinacles. L’image est peinte à l’intérieur d’une niche très élevée en hauteur, ce qui en rend la perception et, a fortiori, une observation attentive assez difficiles [2]C’est précisément ce qui justifie le recours, dans la suite du présent texte, à plusieurs photographies de détails pour accompagner l’examen de l’œuvre. malgré l’éclairage efficace dont elle bénéficie. Le fait que la niche ornée de cette fresque soit située en hauteur au milieu de la nef, au niveau des monophores « peut s’expliquer en supposant à cet endroit la présence d’une cloison avec une chaire placée en hauteur afin que le lecteur soit visible des deux côtés. Cette cloison aurait été équipée d’escaliers d’accès à la chaire, ce qui aurait également rendu les parties supérieures des murs d’enceinte accessibles et utilisables pour le culte. [3]Une cloison avec des autels à plusieurs niveaux est documentée à Trévise (église de San Francesco), où deux niches peintes subsistent à une hauteur considérable. Sur ce point et sur le fait que, dans les églises des Franciscains et des Dominicains, les espaces destinés aux laïcs et aux religieux étaient particulièrement bien séparés ; voir Andrea DE MARCHI, La pala d’altare. Dal … Poursuivre » [4]Elisa CAMPOREALE, « Polittici murali del Trecento e Quattrocento : un percorso dall’Umbria alla Toscana », Atti e Memorie dell’Accademia Toscana di Scienze e Lettere La Colombaria, vol. LXXVI, Nuova serie LXII, Florence, Olschki, 2011, p. 39.
L’intrados de la niche est couvert d’un fond azuré sur lequel se détachent trois figures dans des encadrements cosmatesques peints à fresque : au sommet de l’arc, le visage de Dieu le Père est accompagné, plus bas à gauche, de saint Etienne [5]Saint Etienne : proto-martyr, c’est-à-dire le premier des martyrs chrétiens (les martyrs se distinguent des saints en ce qu’ils ont donné leur vie pour témoigner de leur foi). Saint Etienne est identifiable grâce à ses attributs iconographiques traditionnels : la palme (au titre du martyre), l’Evangile qu’il porte avec lui, ainsi que des pierres au-dessus de sa tête (rappel de sa … Poursuivre et, à droite, de saint Barthélémy [6]Saint Barthélemy : l’un des douze apôtres. L’attribut iconographique qui permet de l’identifier est le couteau, porté dans la main droite, qui rappelle sa mort écorché vif..
Le polyptyque mural se détache sur le même fond azuré, délimité par une bordure aux motifs géométriques colorés qui épouse le contour de la lunette. Il est lui-même constitué de trois volets surmontés de trois pinacles, le tout dans un encadrement caractéristique du style gothique avec ses fines flèches délicatement sculptées qui hérissent la structure et donnent à l’ensemble une allure s’étirant en hauteur.

Dans le panneau central de cette structure (fig. 1), peinte en demi-figure, on reconnaît la Vierge portant l’Enfant-Jésus sur son bras gauche, sa main droite posée sur les genoux de son fils dans un geste de tendresse et de protection. L’enfant tend la main vers un point que la distance séparant le spectateur de l’œuvre rend difficilement identifiable. Ce point correspond au chardonneret [7]En iconographie chrétienne, le chardonneret symbolise principalement la Passion du Christ. Son nom latin, carduelis, dérive de cardus « chardon », plante dont il se nourrit et dont les épines évoquent celles de la couronne de Jésus. C’est également avec cette signification symbolique que le chardonneret figure dans certaines natures mortes des siècles ultérieurs.. que l’on parvient à percevoir au-dessus de l’épaule de la Vierge, dans le premier des cinq lobes constitué par l’encadrement du retable figuré. Dans les représentations de la Vierge et de l’Enfant où il figure, le chardonneret se trouve le plus souvent entre les mains de l’Enfant, lequel semble tantôt jouer avec lui ou le caresser (Raphaël), tantôt le maltraiter (Ambrogio Lorenzetti). Ici, de manière plus inhabituelle – et plus discrète – il volète au-dessus de l’épaule de la Vierge. Sa relation particulière avec l’enfant Jésus est néanmoins très directe en raison de l’attitude du Christ tendant la main vers lui, dans un geste qui prend un sens particulier dans ce contexte. On aura peut-être également remarqué la présence de l’étoile [8]Probable référence à Maris Stella, la Vierge Marie telle qu’elle est invoquée dans un hymne catholique du XIe s., l’Ave Maris Stella, qui appartient au répertoire grégorien et dont le titre latin signifie : « Salut, étoile de la mer ». Voir : Maris Stella. qui apparaît sur l’épaule de la Vierge, exactement à la verticale du chardonneret. Dans le contexte présent, l’étoile réfère à la personne de la Vierge, elle fonctionne également comme un signal qui permet d’attirer l’attention sur le petit animal, dans une triangulation créée par le bras de l’Enfant et la verticale repérée à l’instant : Jésus regarde vers la gauche, son bras se tend vers l’étoile et celle-ci flotte dans l’espace immédiatement sous l’oiseau.

Sur le volet gauche du polyptyque feint, est représenté saint Antoine Abbé, identifiable grâce à son aspect de vieillard barbu vêtu de la robe de bure de l’Ordre franciscain et au bâton qu’il tient de la main droite.
A droite, on reconnaît la figure de saint Christophe (fig. 2) portant l’Enfant Jésus sur son épaule (celui porte à son tour l’« Univers » sous la forme d’un globe). Cette scène est empreinte d’une extraordinaire douceur que la distance rend, hélas, difficilement perceptible. Pourtant, quelle intensité dans le regard grave que porte le saint à l’enfant qui l’observe attentivement à son tour, quelle confiance et quelle tendresse dans le regard et le geste de l’Enfant qui caresse affectueusement le menton barbu du saint.

Au-dessus du registre principal qui vient d’être décrit, apparaissent trois pinacles qui complétent la représentation du polyptyque figuré. Au centre, selon un agencement relativement habituel dans ce type de polyptyque, on reconnaît la figure du Christ bénissant encadré par l’Ange Annonciateur, à gauche, et par la Vierge de l’Annonciation à droite. Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer la valeur symbolique forte de cette disposition, que l’on retrouve dans de nombreux retables de cette époque [9]Voir, par exemple, Le Couronnement de la Vierge de Bartolo di Fredi, au Museo civico e diocesiano de Montalcino., appelé à persister au XVe s. et au-delà.
Avec sa structure un peu complexe d’image dans l’image, cette fresque constitue en quelque sorte une mise en abîme, laquelle, par un jeu visuel, réunit quelques-unes des figures majeures de l’hagiographie chrétienne.
Notes
1↑ | L’œuvre est parfois considérée comme étant de la main d’un certain ‘Jusafa olim Filipi Mei’, collaborateur de Bartolo di Fredi autour des années 1380. |
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2↑ | C’est précisément ce qui justifie le recours, dans la suite du présent texte, à plusieurs photographies de détails pour accompagner l’examen de l’œuvre. |
3↑ | Une cloison avec des autels à plusieurs niveaux est documentée à Trévise (église de San Francesco), où deux niches peintes subsistent à une hauteur considérable. Sur ce point et sur le fait que, dans les églises des Franciscains et des Dominicains, les espaces destinés aux laïcs et aux religieux étaient particulièrement bien séparés ; voir Andrea DE MARCHI, La pala d’altare. Dal paliotto al polittico gotico, Florence, Art & Libri, 2009, pp. 13-15. |
4↑ | Elisa CAMPOREALE, « Polittici murali del Trecento e Quattrocento : un percorso dall’Umbria alla Toscana », Atti e Memorie dell’Accademia Toscana di Scienze e Lettere La Colombaria, vol. LXXVI, Nuova serie LXII, Florence, Olschki, 2011, p. 39. |
5↑ | Saint Etienne : proto-martyr, c’est-à-dire le premier des martyrs chrétiens (les martyrs se distinguent des saints en ce qu’ils ont donné leur vie pour témoigner de leur foi). Saint Etienne est identifiable grâce à ses attributs iconographiques traditionnels : la palme (au titre du martyre), l’Evangile qu’il porte avec lui, ainsi que des pierres au-dessus de sa tête (rappel de sa lapidation). |
6↑ | Saint Barthélemy : l’un des douze apôtres. L’attribut iconographique qui permet de l’identifier est le couteau, porté dans la main droite, qui rappelle sa mort écorché vif. |
7↑ | En iconographie chrétienne, le chardonneret symbolise principalement la Passion du Christ. Son nom latin, carduelis, dérive de cardus « chardon », plante dont il se nourrit et dont les épines évoquent celles de la couronne de Jésus. C’est également avec cette signification symbolique que le chardonneret figure dans certaines natures mortes des siècles ultérieurs.. |
8↑ | Probable référence à Maris Stella, la Vierge Marie telle qu’elle est invoquée dans un hymne catholique du XIe s., l’Ave Maris Stella, qui appartient au répertoire grégorien et dont le titre latin signifie : « Salut, étoile de la mer ». Voir : Maris Stella. |
9↑ | Voir, par exemple, Le Couronnement de la Vierge de Bartolo di Fredi, au Museo civico e diocesiano de Montalcino. |
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