Lorenzo di Pietro, dit ‘Il Vecchietta’ (Castiglione d’Orcia, 1410 ? – 1480)
- Descendit ad inferos [1] (Il est descendu aux enfers, 1446-1449.
- Discesa di Cristo al Limbo (Descente du Christ aux Limbes)
- Liberazione di Lot [?] (Libération de Loth [?])
Fresques.
Inscriptions :
- (phylactère déployé devant le prophète placé à gauche : « UT APERIRES OCULOS EXCORUM, & EDUCERES DE CONCLUSIONE VINCTU, DE DOMO CARCERIS SEDENTES IN TENEBRIS » (“Tu ouvriras les yeux des aveugles, tu feras sortir les captifs de leur prison, et, de leur cachot, ceux qui habitent les ténèbres). [2]
- (sous le prophète Isaïe) : « YSAIAS »
- (à droite, fig. 2, face à Isaïe, un apôtre difficilement reconnaissable porte un phylactère dans lequel seules quelques bribes sont vaguement lisibles) : “DESCENDIT IN INFEROS”
Provenance : In situ
Sienne, Santa Maria della Scala, Sagrestia Vecchia.
La quatrième section des murs de la Sacristie est consacrée à la Descente aux Limbes, épisode absent du Symbole de Nicée-Constantinople, mais que l’on trouve en tant que cinquième article dans la version du Symbole des Apôtres, ou Credo.
La lunette
- Discesa di Cristo al Limbo (Descente du Christ aux Limbes)
1
C’est l’une des scènes les plus spectaculaires peintes dans cette salle. Elle est, hélas, en partie cachée par le baldaquin de marbre, et il faut reculer de plusieurs mètres pour en distinguer la partie droite (fig. 2). Sans surprise, cette partie de la lunette donne à voir la foule des personnages retenus dans les limbes dans l’attente de la venue de leur Sauveur. Comme il se doit, c’est Adam, devenu un vieillard à la chevelure et à la barbe blanchies, que, le premier, le Christ tire des ténèbres. Parmi les personnages que le Christ libère des limbes, on reconnaît Jean Baptiste au texte (« ECCE AGNUS DEI ») qui l’accompagne de manière habituelle. « Il est naturel qu’il occupe une place privilégiée parmi les occupants des limbes comme étant la personne qui a baptisé le Christ mais fut lui-même, avant que le Christ ne meure pour sauver l’humanité, baptisé du sang des martyrs. » [3]
2
Occupant le centre de la scène et l’axe de la lunette, le Christ, portant la bannière de la Résurrection, vient de vaincre les résistances des démons (l’un d’eux gît à ses pieds, coincé sous la porte qui vient de céder aux assauts). Après avoir passé la porte dont nous découvrons la structure “fantastique aussi bien que décorative – exactement comme c‘est le cas de l’architecture qui se trouve derrière l’archange Gabriel [dans la lunette précédente] -, […] faite de différents motifs dérivés de l’antiquité” [3], il pénètre maintenant dans les limbes pour libérer tous eux qui, sans avoir pu connaître l’œuvre accomplie par lui sur la croix, sont en mesure de réclamer une place dans son royaume.
À l’arrière, une bande de démons s’enfuient ; quelques-uns traînent des enfants nus : ce sont les enfants de Bethléem assassinés lors du massacre ordonné par Hérode après la naissance du Christ, lesquels, sans même connaître l’existence de celui-ci, ont souffert le martyre pour sa cause. Les démons, étrangement, les ont extraits des enfers pour les conduire au purgatoire attendre leur libération. [4]
Il n’est pas difficile de retrouver l’origine de la composition d’ensemble de cette représentation, dont le schéma se retrouve dans les scènes peintes sur le même sujet, dans le cercle des artiste proches de Sassetta. L’entrée des enfers, dont l’allure est féerique, ainsi que la rangée de diables portant, ou non, des enfants nus sur leur dos, sont des motifs dont il n’existe aucun autre exemple dans l’iconographie siennoise avant la première moitié du XVe s.
La paroi
- Liberazione di Lot [?] (Libération de Loth [?])
Située sous la lunette, la scène (fig. 3) préfigurant la Descente aux limbes est d’autant plus difficile à identifier qu’elle n’est accompagnée d’aucun texte. Parmi toutes les histoires considérées comme des préfigurations de la descente du Christ au limbes, seule la libération de Loth semble pouvoir être prise en compte. Ce n’est pas, selon Van Os [5], Loth pêcheur quittant Sodome qui constitue le sujet de la scène représentée, mais, peut-être, celui de sa libération des mains des quatre rois orientaux grâce à la victoire d’Abraham (Genèse 14, 11-18). [6]
3
“[Dieu] a condamné aussi les villes de Sodome et Gomorrhe à la catastrophe en les réduisant en cendres ; il en a fait un exemple pour montrer aux impies ce qui les attend. Mais il a délivré Loth, le juste, accablé par la conduite débauchée de ces gens dévoyés : en effet, avec ce qu’il voyait et entendait, ce juste, en habitant au milieu d’eux, mettait, jour après jour, son âme de juste à la torture, à cause de leurs actions contraires à la loi. Le Seigneur peut donc délivrer de l’épreuve ceux qui pratiquent la piété, mais les injustes, il les garde pour le jour du jugement afin de les punir, ceux-là surtout qui, par convoitise impure, suivent les inclinations de la chair et dédaignent la seigneurie de Dieu. Présomptueux, arrogants, ils outragent sans trembler les anges appelés « Gloires », alors que d’autres anges, supérieurs en force et en puissance, ne portent pas contre ceux-ci un jugement outrageant de la part du Seigneur.” [7]
Voilà pour l’histoire telle qu’elle est rapportée dans la Deuxième Lettre de saint Pierre Apôtre. Cette histoire se termine par la rencontre d’Abraham et Mechisedec, le roi-prêtre. Dans la fresque, on aperçoit au loin une ville assiégée et, au premier plan, un général serrant la main d’un personnage au costume exotique. Ce n’est, cependant, pas assez pour affirmer avec certitude l’identité de la scène dont l’étude du cheval cabré et vu en raccourcis évoque irrésistiblement le même sujet peint par Paolo Uccello.
[1] Ou Descendit ad inferna. Fondée sur quelques passages de l’Écriture (Act. Ap. 2, 24-31; Pier. I Epist. 3, 18-20; 4, 5-6 ; Paul. Rom. 10, 6-7, et d’autres), la formule a été introduite dans le Symbole des Apôtres au IVe s.
[2] Isaïe XVII, 07.
[3] VAN OS 1974, p. 40.
I4] “Dans la liturgie, aussi bien que dans la dévotion populaire, ces enfants étaient les prédécesseurs des enfants morts sans avoir été baptisés et dont le séjour dans le ‘limbus pueorum’ (limbe des enfants) pouvait, selon certains, être rendu moins terrible grâce aux offrandes et aux prières.” VAN OS 1974, p. 40.
[5] VAN OS 1974, p. 40.
[6] « Les vainqueurs enlevèrent toutes les richesses de Sodome et de Gomorrhe, et toutes leurs provisions ; et ils s’en allèrent. Ils enlevèrent aussi, avec ses biens, Lot, fils du frère d’Abram, qui demeurait à Sodome ; et ils s’en allèrent. Un fuyard vint l’annoncer à Abram, l’Hébreu ; celui-ci habitait parmi les chênes de Mamré, l’Amoréen, frère d’Eschcol et frère d’Aner, qui avaient fait alliance avec Abram. Dès qu’Abram eut appris que son frère avait été fait prisonnier, il arma trois cent dix-huit de ses plus braves serviteurs, nés dans sa maison, et il poursuivit les rois jusqu’à Dan. Il divisa sa troupe, pour les attaquer de nuit, lui et ses serviteurs ; il les battit, et les poursuivit jusqu’à Choba, qui est à la gauche de Damas. Il ramena toutes les richesses ; il ramena aussi Lot, son frère, avec ses biens, ainsi que les femmes et le peuple. » Genèse 14, 11-18. Dans ce texte, Abraham est encore nommé Abram car il n’a pas encore reçu la visite de Dieu venu lui proposer une nouvelle alliance.
[7] Deuxième Lettre de saint Pierre Apôtre (Pier 2, 06-10).
Vous devez vous connecter pour laisser un commentaire.