Bernardino di Betto, dit ‘Il Pintoricchio’ (Perugia, vers 1452 – Siena, 1513)
Enea Silvio tiene un’orazione alla corte del re di Scozia (Enea Silvio prononce un discours à la cour du roi d’Écosse)
Fresque
Inscriptions : “AENEAS SILVIUS A BASILIENSIS CONCILIO IN ULTERIOREM BRITANIAM ORATOR AC SCOTIAM AD REGEM CALEXIUM MISSUS A TEMPESTATE NORVEGIAM PULSUS ET PER BRITANNIAM REGIOS SPECULATORES ELUDENS BASILEAM REVERTITUR” [1]
Sienne, Duomo, Libreria Piccolomini.
Giovanni Antonio Campano écrit qu’Enea Silvio : “arrivé à Bâle, commença à être apprécié et à être repéré pour son ingénuité” ; il fut, peu à peu, chargé de “toutes les fonctions à la Curie”. Secrétaire de cardinaux, d’empereurs, des papes du concile et même de l’antipape Félix V, Enea Silvio finit par acquérir une grande notoriété avant d’être finalement employé comme légat, fonction qui lui permit de parcourir toute l’Europe.
Dans cette seconde scène, comme l’indique l’inscription, Enea est représenté en train de prononcer un discours devant le roi d’Écosse. Pourtant, cette inscription introduit un commentaire dont aucune trace n’est visible dans l’image. La référence à une tempête ayant poussé le navigateur jusque vers les côtes de Norvège, crée un rappel de l’épisode précédent tandis que son heureuse conclusion permet d’insister sur l’“astuce” avec laquelle le héros de l’histoire parvient à éviter les embuches créées par ses poursuivants. Les péripéties de son voyage au nord de l’Europe sont racontées par Pie II, longtemps après, à Pietro di Noceto, son ami intime : “Je fus envoyé dans la Bretagne supérieure qui, aujourd’hui, s’appelle Écosse ; je dus faire face au cours du voyage à de nombreuses adversités car je naviguai pendant douze jours sur le profond océan, sans qu’apparaisse de terres d’aucune sorte et je fus jeté vers la Norvège par une violente tempête au point que ce n’est que de justesse que la bonté de Dieu me permit de demeurer sauf.”
Loin de toute tempête et de toute sauvegarde miraculeuse, Pintoriccio met l’accent sur le génie rhétorique d’Enea [2] qui, selon une gestuelle caractéristique des orateurs, s’adresse au roi d’Ecosse juché sur une tribune d’une hauteur qui paraît excessive sinon vertigineuse, à laquelle le souverain a visiblement dû accéder en foulant, seul autorisé à le faire, un somptueux tapis d’orient. La cour du souverain manifeste une attention toute particulière à l’orateur. Pour augmenter encore la caractère prestigieux de la scène, Pintoricchio invente un grandiose et irréaliste décor architectural de marbres polychromes que les plus grands rois n’auraient osé rêver, constitué d’une immense loggia ouvrant elle-même sur un paysage vallonné et source probable de tous les délices offerts par la nature.
[1] “Enea Silvio envoyé en qualité d’orateur du concile de Bâle en Angleterre et en Écosse auprès du roi Calessio (pour Giacomo ?), poussé par une tempête vers la Norvège, retourna à Bâle à travers l’Angleterre en échappant à ses poursuivants.”
[2] Cette capacité particulière est aussi une qualité qui sera reconnue à Enea tout au long de sa carrière, y compris une fois devenu pape, et qui contribua pour une large part à lui donner l’accès au trône de Saint Pierre.
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