‘Maestro di Tressa’, « Le Crucifix est outragé par les Juifs »

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‘Maestro di Tressa’ (actif à Sienne entre 1215 et 1240) 

Le Crucifix est outragé par les Juifs, 1215.

Compartiment latéral du Paliotto del Salvatore (Antependium du Sauveur bénissant), tempéra et or sur panneau.

Inscriptions :

  • (au sommet, de part et d’autre de la croix) : « Dei excolenda passione » [1]« Ceci est la Passion vénérée de Dieu. »
  • (à la hauteur de l’auréole du Christ, à gauche de la croix) : « Hic est [rex judeorum] » [2]« Celui-ci est le Roi des Juifs. »

Provenance : Église de San Salvatore e Alessandro, Fontebuona della Badia Bardenga (Castelnuovo), près de Sienne.

Sienne, Pinacoteca Nazionale.

La scène représente le second épisode de la légende du Crucifix de Beyrouth conformément au récit rapporté par saint Athanase d’Alexandrie. Comme nous l’apprend ce récit, l’invité perfide, qui a repéré la présence de la croix peinte au domicile de son hôte, ne croit pas les explications maladroitement données par celui-ci [3]Cet hôte, un moment plus tôt, lui a indiqué d’une manière peu convaincante la raison de cette présence. Nous avons vu que ce manque de conviction et le silence qui a fait office de conclusion sont liés à un dessein divin, selon Athanase, l’auteur présumé de la narration.. Après le dîner, il court l’accuser de blasphème devant le prêtre et les Anciens. Le Sanhédrin décide de s’emparer de l’image. « Le matin étant venu, les principaux sacrificateurs, les chefs et les anciens du peuple des Juifs, emmenant avec eux celui qui avait porté la dénonciation, se hâtèrent vers sa maison. Lorsqu’ils virent que les choses qui avaient été dites étaient vraies, ils se précipitèrent sur celui qui avait été et, avec beaucoup d’insultes et diverses violences, le chassèrent de la synagogue, à moitié mort […]. Alors ils se mirent à cracher sur le visage de l’image de notre Seigneur et Sauveur, et la frappèrent avec la main, et de là, ils se dirent : ‘Comme firent nos pères de Jésus de Galilée, faisons de même avec cette image de lui.’ Ils savaient que dans sa Passion, il était écrit que ses pieds et ses mains avaient été attachés à la croix ; alors ils crucifièrent l’icône du Seigneur et enfoncèrent des clous pointus sur les mains et les pieds de son corps figuré. Après cela, de plus en plus emplis d’amertume, ils se mirent à crier : ‘Nous avons entendu dire que nos pères avaient donné à Jésus de Galilée un mélange de vinaigre et de fiel à boire sur une éponge. Faisons de même.’ Et ils firent de même en projetant du vinaigre et du fiel mêlés sur la bouche de la sainte icône du Rédempteur. Alors, ils ne retiennent plus la méchanceté de leur cœur : ‘On dit que nos ancêtres ont placé une couronne hérissée d’épines sur la tête du crucifié, et qu’ils l’ont ensuite frappé avec un roseau, en se moquant de lui.’ Et dès qu’ils eurent placé une couronne d’épines sur sa tête, prenant un roseau, ils frappèrent sur l’image, à l’endroit de la tête de celui qui est à la tête de tous les saints. Enfin, laissant libre cours à la folie de leur esprit, d’autres voix se firent entendre : « Comme nous l’avons appris, en vérité nos pères ont percé le côté de Jésus avec une lance, et nous, de peur d’avoir l’air de faire moins, ne devons-nous pas faire la même chose ?’ Dès ce moment, sans tarder, ils ordonnèrent d’apporter une lance, et demandèrent à l’un d’eux de lever le fer et de percer la droite de cette icône d’un grand coup. Et quand une si grande action fut enfin commise, une chose merveilleuse, extrêmement étonnante, et dont personne n’avait jamais entendu parler à travers le monde, fut soudainement accomplie. Car l’eau et le sang commencèrent immédiatement à couler à l’endroit de la blessure. » [4]« Mane vero facto, summi sacerdotes, principes et majores natu plebis Judaeorum, assumentes secum illum, qui eum acusaverat, ad domum ipsius velocius festinaverunt. Videntes autem vera esse quae dicta fuerant, facto impeto cum o qui haec testificaverat irruerunt in eum multisque contumelis ac variis cruciatibus affectum extra synagogam semivivum projecerunt […]. Tunc coeperunt spuere in … Poursuivre

Comme on le voit, l’essentiel des tourments infligés à l’image du Christ en croix selon le récit que l’on vient de lire sont représentés dans la scène : en présence de quelques membres du Sanhédrin, la croix peinte érigée au centre géométrique du format de l’image est clouée par un personnage à genoux sur la droite, tandis qu’un autre soulève l’éponge et qu’un troisième homme (presque effacé) frappe la tête du Christ avec un roseau. Sur la gauche, un homme barbu transperce son flanc avec une lance.

Les inscriptions qui se réfèrent à la Passion du Christ sont dorénavant presque effacées mais, comme nous l’avons vu dans l’introduction, elle ont été transcrites par Cesare Brandi : « Hic est [rex judeorum] » [5]Voir note 1. et « Dei excolenda passione » [6]Voir note 2.. Ces inscriptions ont pour objectif de signifier que l’épisode légendaire, qui va se révéler une seconde fois miraculeux dans la scène suivante, est la réitération à l’identique de la Passion du Christ à travers son image.

Notes

Notes
1 « Ceci est la Passion vénérée de Dieu. »
2 « Celui-ci est le Roi des Juifs. »
3 Cet hôte, un moment plus tôt, lui a indiqué d’une manière peu convaincante la raison de cette présence. Nous avons vu que ce manque de conviction et le silence qui a fait office de conclusion sont liés à un dessein divin, selon Athanase, l’auteur présumé de la narration.
4 « Mane vero facto, summi sacerdotes, principes et majores natu plebis Judaeorum, assumentes secum illum, qui eum acusaverat, ad domum ipsius velocius festinaverunt. Videntes autem vera esse quae dicta fuerant, facto impeto cum o qui haec testificaverat irruerunt in eum multisque contumelis ac variis cruciatibus affectum extra synagogam semivivum projecerunt […]. Tunc coeperunt spuere in faciem imaginis Domini Salvatoris nostri et percutiebant eum alapis, et inde dicentes: quanta Jesu Galilaeo nostri genitores fecerunt, eadem et nos huic ejus imagini faciamus innumerabilis itaque illusionibus Dominicam illuserunt iconam. Irerum dicunt: in ejus passione scriptum esse agnoscimus, quod jus pedes et manus in cruce confixae sunt: nos vero quamvis moderniores tempore nil praetermittentes addamus et haec. Tunc crucifigentes iconam Dominicam clavos acutissimos adhibuerunt in manibus et pedibus illius imaginisPost haec permoti magis ac magis tellis amaritudine, dicunt inter se: audivimus quod patres nostri Jesu Galilaeo acetum et felle imbuta spongia praebuerunt, hoc et huic faciamus. Quod et sic fecerunt apponentes ad os sanctae iconae nostri Redemptoris acetum cum selle mistum. Nec sic itaque cordis suis malitiam refrenantes iterum dicunt: didicimus quod nostri majores coronam contextam de spinis capiti illius crucifixi circumposuerunt postmodum arundine percusserunt insultantes ei et nos igitur nequaquam postponentes idipsum faciamus. Cumque coronam spineam capiti illius circumposuissent, accipientes arundinem percutiebant caput imaginis illius qui caput est omnium sanctorum. Ad extremum vero, cum insaniam suae mentis tolerare non possent dixerunt: sicut veraciter didicimus patres nostri latus Jesu lancea aperuerunt, nos vero ne aliquid minus fecisse videamur et hoc ipsum adjiciamus. Nullam ad haec moram mediam fecerunt et afferri lanceam jusserunt et praeceperunt cuidam hebraeo tollere cam et valido ictu lato dextrum iconae illius transfodere. Cumque tam maximum facinus fuisset perpetratum res mira vehementer stupenda nulloque unquam saeculo audita ibi repente est effecta. Nam ipsius vulneri locus aqua et sanguine illico coepit decurrere. » Texte édité dans G. D. Mansi, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, XIII, col. 24-32, Florence-Venise, 1559 puis 1598 ; repris dans Jacques-Paul Migne, Patrologiae Cursus Completus, Series Graeca, vol. 28, Paris, J.-P. Migne, 1839, col. 814.
5 Voir note 1.
6 Voir note 2.