Ambrogio Lorenzetti (documenté de 1319 à 1348)
San Michele arcangelo che sconfigge il drago, San Bartolomeo, San Benedetto, Madonna col Bambino, San Giovanni Evangelista, San Ludovico di Tolosa (L’Archange saint Michel vainqueur du dragon, Saint Benoît, Vierge à l’Enfant, Saint Jean l’Évangéliste, saint Louis de Toulouse), vers 1337.
Tempéra et or sur panneau, 123,1 x 102,5 cm. (panneau central), 88,5 x 91,8 cm. (cuspide centrale), 103, 8 x 45 cm. (chacun des deux compartiments latéraux), 43 x 35 cm. environ (chacune des deux cuspides latérales)
Inscriptions :
- (sous la figure de l’apôtre Barthélemy) : « [SANCTUS] BARTALOMEVS »
- (sous la figure du saint Benoît) : « [SANCTUS] BENEDICTUS »
Provenance : Badia a Rofeno (Asciano) et à l’origine, monastère de Monteoliveto Maggiore (Asciano).
Asciano, Museo Civico Archeologico e d’Arte Sacra – Palazzo Corboli.
Depuis la dernière restauration importante exécutée sur ce retable en 2011, celui-ci a été définitivement séparé de son cadre datant du XVIe s. afin de rendre à l’ensemble sa pleine lisibilité. C’est pourquoi le précieux encadrement d’ébénisterie est dorénavant exposé à proximité, dans la même salle.
L’œuvre, un triptyque, a été commandée à Ambrogio pour remercier l’archange saint Michel d’être venu en aide à Bernardo Tolomei, fondateur du monastère de Monteoliveto, lors de la construction des bâtiments conventuels. Inventorié, apparemment incomplet [1], en 1810 (après la suppression des couvents décrétée sous l’ère napoléonienne) dans la collection de la future Galerie de Sienne, l’œuvre semble avoir été ensuite restituée aux moines olivétains, puis installée dans l’église de Badia a Rofeno, alors placée dans la juridiction du monastère.
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Le thème central a joui d’une certaine fortune dans la peinture toscane de la première moitié du XIVe s., et l’on peut en voir plusieurs exemples, notamment à Sienne même. Dans un tourbillon, l’archange Michel lutte avec le dragon et ne tardera visiblement pas à frapper celui-ci d’un coup fatal à l’aide de l’épée qu’il soulève au-dessus de sa tête. La violence de la lutte est rendue visible grâce au mouvement général, en spirale, qui détermine toute la composition. Dans un ensemble de formes circulaires et en torsion, d’où la ligne droite a été bannie, le schéma d’organisation a été conçu de manière à rendre effectivement perceptible le mouvement de la lutte ; la gamme chromatique elle-même, fondée sur le contraste des trois couleurs primaires (jaune, rouge, bleu), le plus puissant des contrastes de couleurs, et le plus vif et violent aussi, vient renforcer cet effet. Les courbes et contre courbes s’enchaînent les unes aux autres dans un mouvement circulaire et fluide qui annonce le mouvement ultime de l’épée : en s’abattant bientôt, celle-ci mettra un terme à tout mouvement et marquera la victoire de l’archange.
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Les figures verticales et hiératiques des saints représentés debout dans les panneaux latéraux viennent, par contraste, renforcer l’efficacité du dispositif visuel. Barthélémy se tient, dans un léger déhanché, sur sa jambe gauche. Vêtu du costume à l’antique qui caractérise les apôtres, il porte ses principaux signes distinctifs que sont sa longue barbe brune et le coutelas qui est aussi l’instrument de son martyre.
Si Barthélémy donne à voir un corps non exempt de souplesse, la figure de Benoît, enfermée dans sa bure marquée de plis verticaux semblables à des cannelures, apparaît à la manière d’une colonne à laquelle il s’apparente aussi par la couleur de son habit.
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La cuspide centrale (fig. 5) est réservée à l’image de la Madone à l’Enfant. Si le format du panneau de bois est bien triangulaire, le contour trilobé de la surface où est peinte la scène laisse nettement paraître la trace du premier cadre gothique qui ornait l’œuvre initialement. La tradition iconographique propre au sujet de la Mère à l’Enfant [2] est pleinement assumée, et l’on voit Jésus, les yeux grands ouverts, l’air inquiet et le regard rivé dans celui de sa mère, empoigner le voile de celle-ci, comme dans un appel à l’aide, plein d’une interrogation (« pourquoi ?”) parfaitement lisible et qui finira, plus tard, par être explicitée par le Christ agonisant sur la croix. Dans ce petit format de peinture où perce une humanité bouleversante, la Mère penche vers l’Enfant un visage plein de tendresse et de retenue, et dans un geste qui ressemble à s’y méprendre à une situation observée sur nature, pose sa main bien à plat sur le petit ventre du garçonnet, à l’endroit même où la douleur de l’angoisse est la plus sensible.
À gauche (fig. 4), se trouve la figure magnifique de l’Évangéliste Jean, tout concentré non pas vers la scène agitée qui se déroule à ses pieds, mais vers le drame silencieux qui se joue dans la scène que nous venons de quitter. Regardez comme sa silhouette que nous voyons de profil pivote bien dans le format triangulaire et comment ce profil vient se placer parallèlement au côté droit du triangle qui le contient sans risquer de bousculer l’équilibre d’ensemble. Et ce beau visage déjà marqué par l’âge, au regard intelligent et las, et dont la barbe soigneusement peinte s’égaye en petites mèches éparses. Et encore de quel poids ce profil aux épaules basses pèse dans l’image, exprimant ainsi l’usure d’un corps vraiment fait de chair.
Il reste peu à voir de la figure du saint Louis de Toulouse dont une importante lacune, comblée pour en atténuer l’effet dévastateur, vient barrer le visage.
[1] BAGNOLI – BARTALINI – SEIDEL 2017, p. 285.
[2] Voir annexe : “Les représentations de la « Vierge à l’Enfant » : sens et évolution d’un thème“.
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