
Ambrogio Lorenzetti (Sienne, vers 1290 – Sienne, 1348)
Veduta della città di Roma, 1334-1336.
Sinopia de la partie gauche de la Veduta della città di Roma, aujourd’hui détruite.
Provenance : In situ.
Montesiepi (Chiusdino), Rotonde de San Galgano, Chapelle auxiliaire.
Ce fragment justifie un commentaire à part pour deux raisons. La première tient à la structure de la vue de Rome, qui a la particularité de se développer sur deux surfaces séparées et reliées par une mince bande historiée franchissant le sommet de la fenêtre centrale percée dans le mur.
La seconde raison est moins prosaïque. Dans la partie gauche de la sinopia apparaît un édifice de plan hexagonal, construit sur deux nivaux d’ampleur inégale. Le second niveau, percé d’une rosace, est ceinturé par une série d’arcs-boutant prévus pour soutenir les fragiles parois qui portent une toiture pyramidale. Sous cette rosace s’ouvre une fenêtre ogivale permettant à la lumière de parvenir à l’intérieur de l’édifice.

Cette description correspond point pour point à celle du temple de Jérusalem représenté par Pietro Lorenzetti parmi les édifices qui émergent au dessus de la muraille de la cité figurée dans l’Entrée du Christ à Jérusalem peinte de la basilique inférieure de Saint-François, à Assise. À l’aplomb de la figure du Christ, cet étrange édifice tout blanc, sorti d’un rêve de Pietro en même temps que la cité de Jérusalem tout entière, Ambrogio l’a emprunté à son frère pour le faire apparaître dans une autre cité presque autant rêvée. “Ambrogio a inséré l’architecture du temple de Jérusalem peinte par son frère dans la vue de la cité de Rome, en adaptant les volumes de l’édifice et son campanile aux exigences de la composition imposées par le contexte de la chapelle. [1]” Grâce à ce subterfuge, Rome se trouve ainsi assimilée à la ville idéale, au miroir des cieux que constitue la Jérusalem céleste.

Il existe une troisième raison d’évoquer à part ce dessin sauvé après une disparition qui aura duré plus de sept siècles. À travers ce croquis en grandeur réelle, il est possible d’imaginer ce qu’était la splendeur de cette vue de la ville de Rome peinte à hauteur des yeux dans la chapelle de San Galgano, dans le prolongement du château Saint-Ange, du pont du même nom et de l’ancienne basilique Saint-Pierre, avec une puissance d’évocation qui n’a pas d’équivalent à la même période, et un style qui évoque malgré lui ce que feront un jour d’autres peintres appelés cubistes.
[1] Max Seidel, Serena Calamai, « Il ciclo di affreschi di San Galgano a Montesiepi », Ambrogio Lorenzetti (cat. d’exp. sous la direction d’Alessandro Bagnoli, Roberto Bartalini, Max Seidel). Cinisello Balsamo, Silvana Editoriale, 2017, p. 216.
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