
Bartolo di Fredi (Sienne, 1330 – Massa, 1410)
Naissance de la vierge
Détail des Storie della Vita della Vergine (Épisodes de la Vie de la Vierge), 1374-1375.
Fresque
Provenance : in situ
San Gimignano, église de Sant’Agostino, chapelle de San Guglielmino.
Si la scène de la Naissance de la Vierge s’inscrit dans un cadre architectural dont la représentation spatiale est crédible, si le décor est moins envahi d’éléments décoratifs que dans d’autres scènes analogues (il est vrai que de nombreux détails peint a secco n’existent plus que par l’effet de négatif encore parfois visible laissé sur la surface de l’œuvre), Bartolo n’a pas pour autant perdu le génie particulier du narrateur qui fait le charme merveilleux de ses compositions. Il le rend seulement ici plus lisible encore, peut-être, que dans d’autres compositions.
Les deux espaces contigus, celui de la chambre proprement dite, et celui de l’antichambre où Joachim attend la fin de l’événement, sont plus différenciés que dans la même scène figurant, à une tout autre échelle, sur la prédelle du Couronnement de Montalcino, dans laquelle un même espace, rythmée par des colonnes, unifiait la scène. Ici, une cloison opaque délimite les deux espaces : celui où se trouve Joachim semble être un prolongement architectural de celui, plus vaste, où a eu lieu l’accouchement. Dans ce second lieu, nous pouvons voir Anne alitée, à qui une servante verse de l’eau afin qu’elle puisse se laver les mains. Une seconde femme pénètre dans la pièce. Sa position devant l’ouverture sombre semble la magnifier. Dans un geste d’une grande vérité, elle a négligemment jeté sur son épaule le torchon qu’elle va sans doute manipulé en quittant le fourneau. Selon un usage ancestral, elle apporte, dans main gauche le poulet destiné à réconforter l’accouchée et de la droite, le bouillon dans lequel a cuit la volaille. Au centre de la pièce se joue aussi une saynète née de d’observations de la réalité quotidiennes toute simple, et dont les souvenirs mêlés viennent magnifier l’événement en lui conférant une humanité convaincante : l’enfant à peine né semble déjà plein de force ; il se tient debout sur ses jambes – le léger ploiement des genoux marque l’effort que cela représente -, les mains arrimées à l’épaule de la nourrice et le corps seulement maintenu à l’arrière par celle-ci, comme s’il était né depuis plusieurs semaines déjà.

Ce jeune enfant, qui n’a pas plus tout-à-fait l’apparence d’un nourrisson, n’est pas non plus emmailloté comme il conviendrait à un nouveau-né mais vêtu d’une tenue blanche, véritable vêtement laissant voir les jambes d’une culotte longue que recouvre un large tablier, à moins que ce ne soit une serviette de la même couleur. Et il observe. Il observe, sur sa gauche, avec une acuité remarquable, quelque chose. Cet enfant, dont nous venons d’apercevoir l’auréole autour de la tête, observe attentivement une seconde nourrice qui s’est accroupie pour se mettre à sa hauteur et l’interpelle, tend ses deux bras (et son regard) vers elle et lui fait des petits signes en agitant rapidement les doigts d’une manière qui nous laisserait presque entendre les gazouillis sortis de sa bouche entrouverte pour accompagner le geste. [16]
A hauteur des yeux, en plein milieu de la composition, le charme et la poésie qui se dégage la scène [17] ne peuvent échapper à celui qui vient d’entrer dans la chapelle.

Sur la gauche, l’attente de Joachim est en train de prendre fin à l’annonce que lui fait le jeune serviteur. Dans une attitude pleine de déférence à l’égard de Joachim et de son compagnon, le messager vient d’annoncer la nouvelle de la naissance. Face à lui, l’attitude des deux vénérables vieillards, peut-être mêlée d’incrédulité, demeure encore figée, comme après une longue attente. Leurs mains seules sont animées : dans une gestuelle significative, qui accompagne visuellement leurs sentiments du moment, ils semblent interroger à leur tour le jeune garçon.