
Cenni di Francesco (Florence, documenté à partir de 1369 – v. 1415)
San Lorenzo, insieme a papa Sisto II, nel Purgatorio (Saint Laurent accompagné du pape Sixte II au Purgatoire), v. 1413.
Fresque
Inscription : /
Provenance : In situ.
San Gimignano, église de San Lorenzo in Ponte.
Au centre de la paroi où figurent les Enfers mais, dans la représentation qui en est faite ici-même, aux confins de ces derniers, tant est proche l’ouverture circulaire permettant d’y accéder comme de s’en échapper, le peintre a inséré un tout petit Purgatoire qui prend lui aussi la forme d’une grotte. Deux personnages auréolés, descendus du ciel sur une sorte de nuage, se sont frayé un chemin dans la caverne infernale pour parvenir jusque là. Ces deux messagers célestes, que l’on voit fréquemment associés, sont Laurent, jeune diacre vêtu d’une dalmatique rose orangé, et le pape Sixte II coiffé d’une énorme tiare pontificale parfaitement utile ici pour l’identifier. Tous deux se sont arrêtés devant la grotte d’où l’on voit encore surgir des flammes mais où l’on observe aussi l’absence de démons. Après avoir saisi deux individus par les poignets, un homme portant une couronne et une femme, ils s’apprêtent à libérer du feu éternel du Purgatoire leurs âmes dorénavant purifiées. Une cohorte d’anges, en arrière, les accompagnent, prêts à recevoir les âmes des élus sur un voile blanc afin de les conduire jusqu’au paradis.
Selon une légende répandue au Moyen Âge [1], et légitimée par Dante dans le Purgatoire (X, 73-93) [2], les deux personnages que nous voyons ici seraient l’empereur Trajan et une femme à laquelle l’empereur païen aurait rendu justice, par un effet de sa compassion et de son humilité. Saurait-on s’étonner du fait qu’un acte de nature miséricordieuse puisse valoir à Trajan d’être sauvé du Purgatoire.
[1] Une autre légende racontait que le pape Grégoire le Grand (590-604), « se rappelant l’acte de justice de Trajan, fut saisi d’une profonde douleur à la pensée qu’un homme si vertueux était damné » et qu’il « pleura et pria longtemps pour lui ». Une voix « venue d’en haut » finit par lui annoncer que « Dieu avait exaucé sa prière », non sans lui préciser qu’il devrait désormais « se garder de prier pour d’autres que pour des chrétiens ». Cette légende, aujourd’hui perdue, « a été d’abord utilisée par Bède [3], qui a inséré dans son Historia ecclesiastica Anglorum (735) une véritable biographie de saint Grégoire ; l’ouvrage de Bède a fourni le fond de la Vie rédigée vers 760 par Paul, fils de Warnefrid, connu sous le nom de Paul Diacre. Enfin, vers l’an 80, un diacre romain, nommé Jean et surnommmé Hymonide, composa une Vie beaucoup plus étendue [du pape Grégoire], à la prière du pape Jean VIII ». Gaston Paris, La Légende de Trajan. Extrait des mélanges publiés par l’École des Hautes Études, Paris, 1878, pp. 277-288.
[2] Dans le Chant X du Purgatoire, Dante écrit : « Ici était figurée la grande gloire / du prince romain, dont la valeur / conduisit Grégoire à sa grande victoire ; / je parle de Trajan empereur ; / et d’une pauvre veuve qui était au frein de son cheval, / désolée et en pleurs. / Autour de lui, l’espace était empli / de cavaliers, et les aigles sur champ d’or / au dessus d’eux semblaient bouger avec le vent. / La pauvrette au milieu de tous ceux-ci / semblait dire : ‘Seigneur, fais vengeance / de mon fils qui a été tué, ce qui m’afflige’ ; / et lui de répondre : ‘Attends / que je revienne’ ; et elle : ‘Mon seigneur’, / comme une personne que la douleur presse, / ‘si tu ne reviens pas ?’ ; et lui : ‘Qui sera où je suis, / le fera’ ; et elle : ‘Que te vaudra le bien / fait par un autre, si tu oublies le tien ?’ ; / alors lui : ‘Sois consolée ; car il convient / que je remplisse mon devoir avant que je parte : / volonté de justice et miséricorde me retiennent’ » (« Quiv’era storiata l’alta gloria / del roman principato, il cui valore / mosse Gregorio a la sua gran vittoria; / i’ dico di Traiano imperadore; / e una vedovella li era al freno, / di lagrime atteggiata e di dolore. / Intorno a lui parea calcato e pieno / di cavalieri, e l’aguglie ne l’oro / sovr’essi in vista al vento si muovieno. / La miserella intra tutti costoro / pareva dir: ‘Segnor, fammi vendetta / di mio figliuol ch’è morto, ond’io m’accorò’ ; /ed elli a lei rispondere: ‘Or aspetta / tanto ch’i’ torni’; e quella: ‘Segnor mio’, / come persona in cui dolor s’affretta, / ‘se tu non torni?’; ed ei: ‘Chi fia dov’io, / la ti farà’; ed ella: ‘L’altrui bene / a te che fia, se ‘l tuo metti in oblio?’; / ond’elli: ‘Or ti conforta; ch’ei convene / ch’i’ solva il mio dovere anzi ch’i’ mova: / giustizia vuole e pietà mi ritene’ »). Purgatoire (X, 73-93).
[2] Sur le point de partir en expédition, Trajan aurait écouté la prière d’une veuve en pleurs dont le fils avait été tué, et qui lui demandait réparation par un acte de justice impériale.
[3] Bède, ou Bède le Vénérable (672 ou 673 – 735) : moine et lettré anglo-saxon. Son œuvre la plus célèbre, l’Histoire ecclésiastique du peuple anglais, lui a valu le surnom de « Père de l’histoire anglaise ». Ses traductions des œuvres grecques et latines des premiers pères de l’Église ont joué un rôle important dans le développement du christianisme en Angleterre et luI on valu, en 1899, d’être proclamé docteur de l’Église par le pape Léon XIII.
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