Domenico Beccafumi, « Mutua benevolenza »

Domenico Beccafumi (Valdibiena [Montaperti], entre 1484 et 1486 – Sienne, 1551)

Mutua benevolenza (Bienveillance mutuelle), entre 1529 et 1535.

Fresque de la voûte de la salle du Consistoire.

Inscriptions :

  • (sur un phylactère tenu par un putto, en arrière de la figure allégorique, et repris par un second putto plus bas à droite : « MUTUA BENIVOLENTIA (sic) / NU[N]Q D[E]BET SENESCERE »
  • (derrière les jambes de la figure allégorique) : « RUMORES / MITIGAT » [1]

Provenance : In situ

Sienne, Palazzo Pubblico, Sala del Concistoro.

Cette représentation de la Bienveillance mutuelle est moins celle d’une figure allégorique isolée que celle d’une scène ayant la même portée.

La devise qui court dans un phylactère présente des spécificités visuelles et sémantiques qui méritent que l’on s’y arrête. Sa présence envahissante emplit une part importante de la surface disponible tout en faisant d’elle une composante deux fragments de phylactère forment un tout qui peut être lu de la manière suivante : « Mutua benevolentia num quam debet senescere […] rumores mitigat » (La bienveillance mutuelle ne vieillit jamais [afin de] freiner la rumeur).

Pour Mariana Jenkins, il est « évident et acceptable » que les caractéristiques iconographiques de la Bienveillance mutuelle (Mutua benevolentia) soient, dans le contexte présent, équivalentes à celles de l’Amour du prochain (Amor proximi), comme si, une fois encore, Beccafumi se plaisait à complexifier l’image en jouant sur les équivalences pour en augmenter les hypothèses d’interprétation ainsi que la densité du sens signifié. Nous avons vu précédemment que le même type de procédé était observable entre Amour de la patrie et Amour divin. Ce qui conduit à faire de chacune deux figures le pendant l’une de l’autre.

On notera en premier lieu qu’à une époque où les rivalités entre factions était un mal endémique auquel Sienne n’a pas échappé, notamment dans la décennie qui a précédé l’exécution du grand décor de la salle du Consistoire, un rappel des bienfaits de la bienveillance entre citoyens au sein de la cité ne manquait pas d’à-propos. La formule inscrite dans l’image, si elle ne possède pas la splendide concision de la précédente (idem nolle…), vient cependant compléter efficacement le programme politique énoncé jusqu’ici. Il n’a pas échappé que la vertu de bienveillance mutuelle s’articule avec beaucoup de cohérence à celle qui lui fait pendant, de l’autre côté de la Justice, et dont nous avons vu qu’elle illustrait les bienfaits de l’amour pour la patrie, lui-même articulé, sur les plans iconographique et sémantique, au sentiment de l’amitié.

La Bienveillance mutuelle ferait, de ce point de vue, parfaitement le pendant avec l’Amour de la Patrie lui-même pensé comme alternative à l’Amour divin (Amor dei). Bienveillance mutuelle et Amour de la Patrie seraient donc, en quelque sorte, les substituts de deux composantes d’une même vertu, en l’espèce, celle de la Charité. Voilà qui expliquerait également la présence des nombreux enfants que l’on voit environner joyeusement la figure allégorique qui nous intéresse ici.

1
2
3
4
  1. Militaire ayant déposé les armes
  2. Vieillard avec une corne d’abondance emplie de pièces
  3. Militaire ayant déposé les armes
  4. Jeune fille versant l’eau d’une urne

Associées à la Bienveillance Mutuelle, que Vasari interprétait comme la Concorde, ces quatre figures en illustrent les bienfaits : la Paix et l’Abondance.

[1] Selon Marina Jenkins (op. cit., p. 439), les deux fragments de phylactère forment un tout qui peut être lu de la manière suivante : « Mutua benevolentia num quam debet senescere […] rumores mitigat » (La bienveillance mutuelle ne vieillit jamais [afin de] freiner la rumeur).