
François-Xavier Favre (Montpellier, 1766 – 1837)
Ritratto di Francesco Carletti (Portrait de Francesco Carletti), 1798 (daté et signé).
Huile sur toile. 130 x 97 cm.
Inscriptions :
- (au bas de l’œuvre, imitant une épigraphe inscrite dans la pierre) : « FRANCISCUS CARLETTUS POLITIANUS COMES REGIUSQUE CUBICULARUS, QUI POSTQUAM DIFFICILLIMUS TEMPORIBUS LEGATUS CUM SUMMA POTESTATE IN GALLIAM MISSUS PACEM INTER FERDINANDUM III MAGNUM ETRURIAE DUCEM, / ET GALLORUM REMPUBLICAM FELICISSIME CONCILIAVIT, OTIO CUM DIGNITATE [1]L‘otium est une valeur romaine qui désigne les “loisirs de l’esprit”, moment considéré comme l’un des plus désirables de l’existence, au point que Cicéron (Pro Sestio) a pu forger une locution (otium cum dignitate [le repos dans l’honneur]) devenue proverbiale, et reprise à l’identique ici-même. FRULET VALETUDINI CONSULERE UNICE OPTABAT UT MONUMENTUM EXTARET EIUS IN ETRURIAM UNIVERSAM MERITORUM AB IPSO FERDINANDO III HONORIFICENTISSIMIS LITTERIS / GRATI ANIMI TESTIBUS IN AMPLISSIMUM COLLEGIUM FLORENTINORUM SENATORUM LECTUS, ET STEPHANIANAE MILITIAE, PRIORATU CUM IURE HUNC IN FAMILIAM TRANSFERENDI CONDECORATUS FUIT, TANTI BENEFICII EXEMPLO / COMMONEFACTA PATRIA AD PRODENDAM POSTERIS GLORIOSISSIMI CIVIS MEMORIAM, PUBLICO DECRETO EIUS, DUM AETATIS ANNUM AGEBAT LVIII IMAGINEM A(NNO) D(OMINI) MDCCLXXXXVIII PACIS CONFECTAE IV PINGENDAM CURAVIT » [2]Cette longue inscription latine rappelle que “le comte Carletti, natif de Montepulciano et âgé de cinquante-huit ans, a, après des temps difficiles, rétabli la paix entre Ferdinand III et les Français, énumère les marques de reconnaissance du grand-duc et confirme que c’est le modèle qui a commandé le portrait” (Laure Pellicer, “Portrait du ministre Francesco … Poursuivre.
- (sur la nappe rouge, accompagnant les armes de la famille Carletti [3]Un écu sommé d’une couronne à treize pointes, accompagné d’un ruban frappé de la devise nobiliaire (“Nec spe, nec metu”).) : « NEC SPE / NEC METU » [4]« Sans espérance ni sans crainte ». On ignore les sources exactes de cette locution latine. Fréquemment utilisée en tant que devise, elle exprime une invitation à une forme de stoïcisme face aux événements heureux comme dans l’adversité, ne suscitant ni espoir ni crainte.
- (signature en bas à droite) « F(ranciscus) Xaverius Monpeliensis faciebat / Florentia 1798 » [5]« Œuvre de François-Xavier de Montpellier, Florence, 1798 ». François-Xavier Fabre (Montpellier, 1766 – Montpellier, 1837) : peintre formé à l’école de David, grand collectionneur, portraitiste fameux des poètes Vittorio Alfieri et Ugo Foscolo, ainsi que du sculpteur Antonio Canova et de la comtesse d’Albany (voir … Poursuivre
- Le texte du traité de paix en quatre articles ainsi que les noms des signataires sont eux aussi déchiffrables …
Provenance : Leg Crociani.
Montepulciano, Museo Civico e Pinacoteca Crociani.
Ce portrait de Francesco Saverio Carletti, ministre plénipotentiaire du Grand-duc de Toscane auprès de la République Française, est l’œuvre du Français François-Xavier Fabre. Il possède un triple intérêt : si sa valeur est avant tout artistique, elle est aussi historique du fait du lien étroit qu’elle entretient avec l’histoire des relations franco-italiennes [6]Il serait plus exact de parler de relations franco-toscanes, l’Italie de la fin du XVIIIe s. n’étant pas encore la nation unifiée issue du Risorgimento.. Du point de vue de la petite histoire, son intérêt est étroitement lié, enfin, à la cité de Montepulciano : Carletti, né ici-même, était l’enfant du pays ; la gloire acquise par le personnage ne pouvait manquer de rejaillir sur la réputation de la ville.
Le document sur lequel le ministre Carletti prend appui, d’un geste noble et plein de retenue qui le désigne comme le personnage grâce auquel cet acte, qui n’est rien moins qu’un traité de paix, a heureusement abouti. Signé le 21 pluviôse 1795 (9 février 1795), ce document officialise la reconnaissance de la jeune République Française par le Grand-duc de Toscane et s’inscrit dans la normalisation des relations de la France avec ses voisins européens [7]« La bataille de Fleurus, puis l’entrée des Français à Bruxelles le 20 messidor an II (8 juillet 1794), marquent l’échec militaire de la coalition. L’avancée des troupes en Espagne et dans les Alpes achève de desserrer l’étau qui enserrait la jeune République. L’offensive est victorieuse sur tous les fronts : la Hollande est conquise en janvier 1795, la Rhénanie … Poursuivre et “donne à la patrie de Fabre quelques années de répit” [8]Laure Pellicer, Op. cit., p. 212..
En 1798, année même où il est fait sénateur, décoré de l’ordre de Saint-Etienne et décide de se faire représenter en situation avantageuse, Carletti “semble, selon Laure Pellicer [9]Laure Pellicer, Op. cit., p. 212., assez lié avec Madame d’Albany [10]Louise Maximilienne Caroline Emmanuelle de Stolberg-Gedern, comtesse d’Albany, née le 20 septembre 1752 à Mons et morte le 29 janvier 1824, est membre de la Maison de Stolberg. Elle épouse en 1772, à l’âge de dix-huit ans, le prétendant au trône de Grande-Bretagne, Charles Édouard Stuart, qui en avait cinquante-deux, … Poursuivre qui fait même son portrait et en parle à plusieurs reprises à ses correspondants siennois”, raillant volontiers ses ridicules et “le désordre de sa vie privée”. On conviendra cependant que rien de cela ne transparaît dans l’impeccable dignité de l’effigie ministérielle. Le 16 octobre 1798, elle annonce que “Fabre fait le portrait de Carletti pour la commune de Montepulciano, pour mettre dans la même chambre [entendre : “salon”] avec Poliziano [11]Angelo Ambrogini dit Agnolo Poliziano ou Ange Politien (Montepulciano, 1454 -Florence, 1494) : humaniste italien, ami de Laurent le Magnifique, l’une des grandes figures de la Renaissance., Bellarmino [12]Roberto Francesco Romolo Bellarmino (Montepulciano, 1542 – Rome, 1621) : théologien jésuite, écrivain et cardinal, proclamé saint et docteur de l’Église. et Cervino [13]Marcel II, né Marcello Cervini degli Spannoccchi (Montefano, 1501 – Rome, 1555) : pape. etc., les grands hommes de sa patrie dont il est l’associé par sa paix. Fabre le peint en pied jusqu’aux genoux, devant une table où est ce fameux traité de paix et des papiers, avec des distiques faits pour et contre lui par un dénommé Cagnoni. Fabre lui donne un air noble et ministeriale qu’il n’a jamais eu, mais n’importe, pourvu qu’il soit ressemblant : et il l’est en beau”. [14]Léon Gabriel Pelissier, Lettre inédites de la comtesse d’Albany à ses amis de Sienne. Première série (1797- 1802). Paris, Fontemoing, 1904 (cité par Laure Pellicer).
Sur le plan artistique,
Notes
1↑ | L‘otium est une valeur romaine qui désigne les “loisirs de l’esprit”, moment considéré comme l’un des plus désirables de l’existence, au point que Cicéron (Pro Sestio) a pu forger une locution (otium cum dignitate [le repos dans l’honneur]) devenue proverbiale, et reprise à l’identique ici-même. |
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2↑ | Cette longue inscription latine rappelle que “le comte Carletti, natif de Montepulciano et âgé de cinquante-huit ans, a, après des temps difficiles, rétabli la paix entre Ferdinand III et les Français, énumère les marques de reconnaissance du grand-duc et confirme que c’est le modèle qui a commandé le portrait” (Laure Pellicer, “Portrait du ministre Francesco Carletti [1740 ? – 1803]”, François-Xavier Fabre, de Florence à Montpellier (1766 – 1837), cat. d’exp., sous la direction de Michel Hilaire et Laure Pellicer. Montpellier, Musée Fabre. Paris, Somogy, 2008, p. 212). Dans le détail, le texte proclame ceci : « Francesco Carletti, politien, comte et chambellan royal, qui après des temps très difficiles, … |
3↑ | Un écu sommé d’une couronne à treize pointes, accompagné d’un ruban frappé de la devise nobiliaire (“Nec spe, nec metu”). |
4↑ | « Sans espérance ni sans crainte ». On ignore les sources exactes de cette locution latine. Fréquemment utilisée en tant que devise, elle exprime une invitation à une forme de stoïcisme face aux événements heureux comme dans l’adversité, ne suscitant ni espoir ni crainte. |
5↑ | « Œuvre de François-Xavier de Montpellier, Florence, 1798 ». François-Xavier Fabre (Montpellier, 1766 – Montpellier, 1837) : peintre formé à l’école de David, grand collectionneur, portraitiste fameux des poètes Vittorio Alfieri et Ugo Foscolo, ainsi que du sculpteur Antonio Canova et de la comtesse d’Albany (voir ci-dessous, note 9). |
6↑ | Il serait plus exact de parler de relations franco-toscanes, l’Italie de la fin du XVIIIe s. n’étant pas encore la nation unifiée issue du Risorgimento. |
7↑ | « La bataille de Fleurus, puis l’entrée des Français à Bruxelles le 20 messidor an II (8 juillet 1794), marquent l’échec militaire de la coalition. L’avancée des troupes en Espagne et dans les Alpes achève de desserrer l’étau qui enserrait la jeune République. L’offensive est victorieuse sur tous les fronts : la Hollande est conquise en janvier 1795, la Rhénanie partiellement réoccupée. Les conséquences diplomatiques de ces victoires ne se font pas attendre : le 2 frimaire an III (22 novembre 1794), un émissaire prussien arrive à Bâle et entre en contact avec l’envoyé français Barthélemy. Le 21 pluviôse (9 février 1795) le Grand-duc de Toscane signe la paix et reconnaît la République. Le traité franco-prussien signé à Bâle le 16 germinal (5 avril 1795) rétablit la paix et, surtout, entérine le principe de la cession de la rive gauche du Rhin. La Hesse suit la Prusse. Le Nord de l’Allemagne est démilitarisé permettant de couvrir la Hollande avec laquelle a été conclu le traité de La Haye du 27 floréal (3 février 1795). Enfin, le 4 thermidor (22 juillet 1795), l’Espagne paraphe à son tour un traité de paix avec la France. En un an, la République a disloqué la coalition qui menaçait son existence et s’est imposée aux puissances » (Marc Belissa, Repenser l’ordre européen (1795-1802). De la société des nations aux droits des nations. Paris, Kimé, 2006). |
8↑ | Laure Pellicer, Op. cit., p. 212. |
9↑ | Laure Pellicer, Op. cit., p. 212. |
10↑ | Louise Maximilienne Caroline Emmanuelle de Stolberg-Gedern, comtesse d’Albany, née le 20 septembre 1752 à Mons et morte le 29 janvier 1824, est membre de la Maison de Stolberg. Elle épouse en 1772, à l’âge de dix-huit ans, le prétendant au trône de Grande-Bretagne, Charles Édouard Stuart, qui en avait cinquante-deux, désirait engendrer un héritier, et vivait en exil où il était connu sous le titre de comte d’Albany. Madame d’Albany le quitta en 1780, après huit années de vie commune. Elle vécut ensuite avec le poète Vittorio Alfieri qu’elle épousa, dit-on, secrètement après la mort du comte survenue en 1788. Mandée à Paris par l’Empereur, Madame d’Albany fut forcée d’y résider de 1809 à 1810. On lui permit alors de retourner à Florence, où elle reprit sa vie brillante et douce, jusqu’à ce qu’elle s’éteigne de langueur en 1824. Elle institua son légataire universel François-Xavier Fabre, qui partageait depuis de longues années son intimité. “Je suis à la fenêtre et je regarde passer les événements”, écrit la comtesse d’Albany “qui fut adorée par le poète Vittorio Alfieri, admirée par le peintre François-Xavier Fabre, et dont Marc Fumaroli considère le salon qu’elle tint pendant vingt-quatre ans à Florence comme le “centre nerveux délocalisé de l’Europe” (Anne de Lacretelle, La Comtesse d’Albany. Une égérie européenne. Paris, Les éditions du Rocher, 2008). |
11↑ | Angelo Ambrogini dit Agnolo Poliziano ou Ange Politien (Montepulciano, 1454 -Florence, 1494) : humaniste italien, ami de Laurent le Magnifique, l’une des grandes figures de la Renaissance. |
12↑ | Roberto Francesco Romolo Bellarmino (Montepulciano, 1542 – Rome, 1621) : théologien jésuite, écrivain et cardinal, proclamé saint et docteur de l’Église. |
13↑ | Marcel II, né Marcello Cervini degli Spannoccchi (Montefano, 1501 – Rome, 1555) : pape. |
14↑ | Léon Gabriel Pelissier, Lettre inédites de la comtesse d’Albany à ses amis de Sienne. Première série (1797- 1802). Paris, Fontemoing, 1904 (cité par Laure Pellicer). |
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