Robert Campin, « La Nativité »

Robert Campin (Valenciennes, v. 1378 – Tournai, 1444)

La Nativité, v. 1420-1425.

Huile sur panneau, 84,1 x 69,9 cm.

Inscriptions :

  • (sur le phylactère des trois anges en haut à gauche) : « GLORIA IN ECELSIS DEO ET IN TERR(A / PAX HOMINI)BUS BONE VOL(UNTATIS) » [1]Gloria in excelsis deo et in terra pax homínibus bonae voluntatis (« Gloire à Dieu, au plus haut des cieux et paix sur la Terre aux hommes hommes de bonne volonté »). Lc 2, 15.
  • (sur le phylactère de l’ange en blanc) : « TANGE / PUERUM ET SANAVERIS » [2]Tange puerum et sanaveris (« Touche l’Enfant et tu seras guérie »). Évangile du Pseudo-Matthieu.
  • (sur le phylactère de la sage femme vue de dos en bas à droite) : « AZEL. / VIRGO PERPERIT FILIUM » [3]Azel. Virgo perperit filium (« Azel [nom de la sage-femme]. Une vierge a enfanté un fils »). Évangile du Pseudo-Matthieu, d’après la prophétie d’Isaïe : ecce virgo concipiet et pariet filium » (Es 7, 14 ). Sur le phylactère, l’inscription donne le nom de la sage-femme qui s’exprime et le contenu de ce qu’elle dit.
  • (sur le phylactère de la sage femme vue de face à droite) : « SALOME. / (NULLUM) CREDAM QUIN PROBAVERO » [4]Salome. Nullum credam quin probauero (« Salomé [nom de la sage femme]. Je ne croirais rien tant que je n’aurai pas vérifié »). Évangile du Pseudo-Matthieu.
  • (sur la bordure du manteau de la Vierge) : « SALVE REGIN(A) / (MATER MISERICOR)DIE V(I)TA DULCEDO ET SPES NOSTRA SALVE AD TE CLA(MAMU)S EXULES FILLI EVE AD TE SUSPIRAMUS GEMENTES ET FLENTES IN HAC LACRIMARUM VALLE » [5]Salve, Regina, Mater misericordiæ, vita dulcedo et spes nostra, salve. Ad te clamamus, exsules filii Evæ. Ad te suspiramus, gementes et flentes in hac lacrymarum valle. Eia ergo, advocata nostra, illos tuos misericordes oculos ad nos converte. Et Jesum benedictum fructum ventris tui, nobis, post hoc exsilium, ostende. O clemens, o pia, o dulcis Virgo Maria ! (« Salut, ô Reine, Mère … Poursuivre

Provenance : peut-être Chartreuse de Champmol, Dijon [6]La présence sur le manteau de la Vierge de l’antienne Salve Regina, chère à Philippe le Bon, est un argument qui plaide en faveur de l’hypothèse d’un don du duc à la Chartreuse. Cependant, aucun document n’est venu jusqu’ici étayer cette hypothèse. (?).

Dijon. Musée des Beaux-arts.

Chef-d’œuvre de raffinement, aussi bien par sa minutieuse et savante technique picturale que par sa complexité et sa richesse sur le plan de l’iconographie, le panneau, attribué à Robert Campin, fait habilement la synthèse de plusieurs récits articulés à celui de la Nativité du Christ. Ces récits sont eux-mêmes puisés dans diverses traditions narratives : celui de la mise au monde dans la crèche, comme celui de l’adoration des bergers, est tiré des Évangiles, plus particulièrement celui de Luc [7]Lc 2, 1-7. ; l’histoire des deux sages-femmes, l’une croyante, l’autre incrédule, provient des Évangiles apocryphes ; enfin, plusieurs détails iconographiques sont empruntés à la vision de Brigitte de Suède lorsqu’elle eut l’occasion de visiter la grotte de la Nativité à Bethléem au cours d’un voyage qu’elle effectua à cette fin : la Vierge est vêtue de blanc et laisse flotter ses cheveux sur ses épaules ; une lumière surnaturelle irradie autour de l’Enfant [8]Cette lumière est exprimée par un réseau de ligne concentriques visibles autour du fragile petit corps de l’Enfant. et éclipse toute autre lumière, celle de la bougie de Joseph comme celle du soleil dans le ciel. Joseph n’est pas, contrairement à nombre d’autres œuvres plus anciennes, un personnage secondaire. Le vénérable vieillard occupe ici une place centrale, aussi bien dans la composition de l’image que pour contribuer à en donner le sens général. Il apparaît pour la première fois tenant d’une main une bougie qu’il protège du vent à l’aide de l’autre. Cette figure de Joseph est une illustration directe de la vision de Bethléem dans laquelle Brigitte de Suède (Les Révélations, 1372) fait apparaître le symbole du cierge pour la première fois. La sainte mystique y reprend le motif, « présent depuis les évangiles apocryphes, du rayonnement lumineux exceptionnel de Jésus, qu’elle a préparé au premier paragraphe, où elle décrit Joseph apportant une bougie pour illuminer la grotte (cum intrassent speluncam senex ille portavit ad virginem candelam accensam fixitque eam in muro). Cette lumière, allumée de main d’homme se voit annihilée – c’est le verbe employé dans la Révélation – par la lumière surnaturelle émanant de Jésus (a quo tanta lux ineffabilis et splendor exibat, quod sol non esset ei comparabilis, neque candela illa quam posuerat senex quoquo modo lumen reddebat, quia splendor ille diuinus splendorem materialem candele totaliter annichilauerat) » [9]Giulia Puma, Les Nativités italiennes (1250-1450). Une histoire d’adoration, Rome, Publications de l’École française de Rome (Collection de l’École française de Rome 562), 2019, « La Nativité selon les visions de Sainte Brigitte de Suède », pp. 117-156..

[10]Erwin PANOFSKY, Early Netherlandish Painting. Its Origins and Character. Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1953 (Les primitifs flamands, trad. de l’anglais par D. Le Bourg, Paris, Hazan, 1992).

[11]Albert Châtelet, Robert Campin. Le Maître de Flémalle. La fascination du quotidien, Anvers, Fonds Mercator-Paribas, 1997 (reprod. p. 130, détail pp. 131-133, 135).

Notes

Notes
1 Gloria in excelsis deo et in terra pax homínibus bonae voluntatis (« Gloire à Dieu, au plus haut des cieux et paix sur la Terre aux hommes hommes de bonne volonté »). Lc 2, 15.
2 Tange puerum et sanaveris (« Touche l’Enfant et tu seras guérie »). Évangile du Pseudo-Matthieu.
3 Azel. Virgo perperit filium (« Azel [nom de la sage-femme]. Une vierge a enfanté un fils »). Évangile du Pseudo-Matthieu, d’après la prophétie d’Isaïe : ecce virgo concipiet et pariet filium » (Es 7, 14 ). Sur le phylactère, l’inscription donne le nom de la sage-femme qui s’exprime et le contenu de ce qu’elle dit.
4 Salome. Nullum credam quin probauero (« Salomé [nom de la sage femme]. Je ne croirais rien tant que je n’aurai pas vérifié »). Évangile du Pseudo-Matthieu.
5 Salve, Regina, Mater misericordiæ, vita dulcedo et spes nostra, salve. Ad te clamamus, exsules filii Evæ. Ad te suspiramus, gementes et flentes in hac lacrymarum valle. Eia ergo, advocata nostra, illos tuos misericordes oculos ad nos converte. Et Jesum benedictum fructum ventris tui, nobis, post hoc exsilium, ostende. O clemens, o pia, o dulcis Virgo Maria ! (« Salut, ô Reine, Mère de miséricorde, notre vie, notre douceur, notre espérance, salut ! Nous crions vers toi, enfants d’Ève exilés. Vers toi nous soupirons, gémissant et pleurant dans cette vallée de larmes. Ô toi, notre avocate tourne vers nous ton regard miséricordieux. Et, après cet exil, montre-nous Jésus, le fruit béni de tes entrailles. Ô clémente, ô miséricordieuse, ô douce Vierge Marie. » Paroles de l’Antienne mariale Salve Regina (fin du XIe siècle ou début du XIIe siècle).
6 La présence sur le manteau de la Vierge de l’antienne Salve Regina, chère à Philippe le Bon, est un argument qui plaide en faveur de l’hypothèse d’un don du duc à la Chartreuse. Cependant, aucun document n’est venu jusqu’ici étayer cette hypothèse.
7 Lc 2, 1-7.
8 Cette lumière est exprimée par un réseau de ligne concentriques visibles autour du fragile petit corps de l’Enfant.
9 Giulia Puma, Les Nativités italiennes (1250-1450). Une histoire d’adoration, Rome, Publications de l’École française de Rome (Collection de l’École française de Rome 562), 2019, « La Nativité selon les visions de Sainte Brigitte de Suède », pp. 117-156.
10 Erwin PANOFSKY, Early Netherlandish Painting. Its Origins and Character. Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1953 (Les primitifs flamands, trad. de l’anglais par D. Le Bourg, Paris, Hazan, 1992).
11 Albert Châtelet, Robert Campin. Le Maître de Flémalle. La fascination du quotidien, Anvers, Fonds Mercator-Paribas, 1997 (reprod. p. 130, détail pp. 131-133, 135).

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