Stefano di Giovanni detto (dit) « Il Sassetta » (vers 1400 – 1450)
Ultima Cena (Dernière Cène [1]), 1423-1426.
Tempéra sur bois, 24 x 38 cm.
Inscriptions : /
Provenance : Elément central de la prédelle du Polyptyque de l’Arte della Lana, Capella dell’Arte della Lana (détruite), Sienne.
Sienne, Pinacothèque Nationale.
Les douze apôtres sont réunis autour du Christ pour la Cène au soir qui précède son arrestation au Jardin des oliviers. L’un d’eux, au premier plan, ne porte pas d’auréole. C’est normal : d’ici quelques heures, il (Judas Iscariote) aura trahi le Christ.
Pourtant, ce dîner (c’est le sens littéral du mot cena) semble présenter une anomalie : la vaisselle et la nourriture que l’on devrait voir sur la table ont disparu. Seul le Christ dispose d’un gobelet devant lui, comme si les autres convives devaient se contenter de le regarder boire et manger. A y voir de plus près, ce gobelet a toutes les allures d’un calice, et les nourritures blanches qui l’accompagnent ressemblent elles-mêmes beaucoup à des hosties. Là est le coup de génie de Sassetta pour donner à voir non pas le dernier repas avant la Passion dans son aspect quotidien un peu trivial, mais bien, sous la forme que lui donne le Christ dans le long discours qu’il prononce à l’attention de ses disciples à la fin de ce repas, et avant de se séparer d’eux pour se rendre au Jardin des oliviers, la représentation de l’Institution de l’Eucharistie. En d’autres termes, il leur demande de célébrer le mystère de l’Eucharistie en le reproduisant au cours du rituel des services sacrés. Pour éviter tout malentendu, il serait plus approprié d’utiliser la formule : l’Institution de l’Eucharistie pour intituler ce petit panneau de prédelle.
Le second coup de génie de Sassetta consiste à enfermer la scène dans un espace ouvert mais apte à la délimiter strictement, comme pour insister sur le caractère du Mystère qu’elle incarne sous nos yeux.
Le troisième coup de génie, mais il ne se voit pas ici, a été de placer cette scène au centre de la prédelle afin de marquer son importance particulière au sein du grand polyptyque entièrement dédié au mystère de l’Eucharistie.
La scène “condense avec érudition le récit des synoptiques (Matthieu 26, 26-30 ; Marc 14, 17-26 ; Luc 22, 19-21) et celui de l’Évangile de Jean (13, 12-30). Construite autour de la figure de Jésus, qui occupe le centre de la composition, elle saisit la moment le plus dramatique, souligné par le geste solennel du Christ et le trouble des apôtres : la révélation de la trahison de Judas […]” [2] dont nous avons déjà vu qu’il ne porte pas d’auréole.
[1] Voir « Iconographie chrétienne » : La Cène.
[2] SCALINI, Mario et GUIDUCCI, Anna Maria (sous la direction de), Peinture de Sienne, Ars narrandi dans l’Europe gothique. Catalogue d’exposition, Cinisella Balsamo, Silvana Editoriale, 2014, p. 130.