Pietro di Cristoforo Vannucci, dit ‘Il Perugino’ ou Pietro Perugino (Città della Pieve, v. 1448 – Fontignano, 1523)
Cristo Crocifisso tra le Marie e i Santi Monica, Girolamo, Giovanni Evangelista, Giovanni Battista e Agostino. Pala Chigi (Le Christ crucifié entre les Marie et les saints Monique, Jérôme, Jean l’Évangéliste, Jean Baptiste et Augustin. Pala Chigi), v. 1502-1504.
Huile sur panneau, 400 x 289 cm.
Inscriptions :
- (dans le titulus crucis) : « I.N.R.I. »
Provenance : In situ (ancienne chapelle Chigi [1]Également connu sous le nom de Pala Chigi, le retable a été commandé au Pérugin en août 1502 par Mariano Chigi pour la chapelle familiale du même nom dans l’église siennoise de Sant’Agostino.).
Sienne, Église de Sant’Agostino.
Placée au sommet d’une croix démesurément haute, éloignée du petit groupe des témoins rassemblés dans la pénombre d’un jour finissant [2]« Déjà il se faisait tard. » (Mc 15, 42). au pied du stipes enfoncé dans la terre, la figure de Jésus crucifié se détache sur un ciel dont l’horizon demeure d’une limpide fluidité tandis que les nuages l’obscurcissent au premier plan. Le soleil et la lune y apparaissent ensemble, conformément à la narration de la mort du Christ rapportée dans l’Évangile selon Matthieu [3]« De la sixième (midi) jusqu’à la neuvième heure (trois heures de l’après-midi), il y eut des ténèbres sur tout le pays (sur toute la terre) » (Mt 27, 45). L’auteur du texte ajoute quelques détails dramatiques, typiques de la littérature apocalyptique juive, comprenant un tremblement de terre ainsi que la résurrection de plusieurs morts : … Poursuivre. De part et d’autre du Christ mort, deux anges en vol recueillent dans de très fines coupes le sang qui coule de ses mains percées de clous. Autour, quatre angelots disposés symétriquement achèvent d’induire la forme d’une mandorle annonciatrice de l’Ascension prochaine. Au sommet de la croix, le nid du pélican constitue un symbole fréquemment utilisé pour évoquer le sacrifice du Christ : comme le pélican, dont on croyait alors qu’il puisait dans son propre sang pour nourrir ses petits, le Christ se sacrifie pour la rédemption du genre humain.
Dans le registre inférieur, à l’avant d’un paysage doucement vallonné, cependant déserté, où se détachent quelques rares arbres chétifs aux profils linéaires, huit personnages sont disposés selon deux demi-cercles, eux aussi selon une rigoureuse symétrie par rapport à l’axe central de l’image souligné par le montant de la croix. Ici, aucun mouvement ne vient rompre le silence absolu qui semble régner, aucun souffle ne trouble l’air transparent. Aucune foule agitée ne risque de distraire la concentration des témoins : celle-ci est entièrement tournée vers le drame qui vient d’aboutir à son terme au sommet de la croix. Parmi les personnages qui occupent cet espace, au plus près de la croix, la Vierge et Jean l’Évangéliste se tiennent debout de chaque côté, tandis que Marie-Madeleine et Marie Cléophas contemplent agenouillées le corps martyrisé, cette dernière les mains jointes en prière. A l’extrémité gauche, apparaissent Monique, la tête basse, et Augustin, le regard tristement tourné vers le Christ, tandis qu’à droite se trouvent Jean-Baptiste et Jérôme, tous deux habillés en pénitent.
L’œuvre, la seule du maître ombrien conservée à Sienne [4]Vasari, mentionnant rapidement cette œuvre (« un Crocifisso con alcuni santi ») indique que Pietro Perugino fût contraint par son succès à peindre cette dernière, ainsi qu’un grand retable pour l’église de San Francesco, « qui fut particulièrement loué », et dont la trace semble aujourd’hui perdue (« Venne tanto famoso il grido di Pietro, che fu … Poursuivre, appartient à la maturité de l’artiste. Cette véritable ode à la symétrie montre aussi comment le Pérugin, plutôt que de réaliser une composition dynamique qui serait hors de propos dans ce contexte, opte pour un ordonnancement impeccablement construit sur des principes géométriques et proportionnels, favorisant une lisibilité parfaite, et servi par un dessin d’une merveilleuse qualité d’exécution, propre à faire écho à la rigueur géométrique de l’ensemble. Le dessin très précis de chaque détail, véritable éloge de la ligne dans cette ode à la symétrie, est rendu avec un soin infini, visible, en particulier dans les drapés. Le rendu de la matière des vêtements ainsi que le raffinement de certains détails comme la chape de Saint Augustin, qui rappelle les velours de soie façonnée et damassée typiques du temps, vient parfaire l’image.
Reconstitution du retable
Aujourd’hui enchâssée entre les lourdes colonnes d’un autel de marbre néo-classique, l’œuvre possédait à l’origine une prédelle dont les cinq compartiments, tous consacrés à des épisodes de l’histoire du Christ, sont dorénavant répartis dans deux importants musées américains : le Metropolitan Museum of Art de New York et l’Art Institute de Chicago. Les cinq scènes sont construites à l’identique, selon une composition strictement fondée sur la symétrie et se développant à l’avant d’un paysage ouvert sur l’infini entre des collines, d’une manière qui rappelle fortement deux principes également observés dans le panneau principal :
- Pietro Perugino, The Nativity. Chicago, Art Institute.
- Pietro Perugino, . Chicago, Art Institute.
- Pietro Perugino, Christ and the Woman of Samaria. Chicago, Art Institute.
- Pietro Perugino, The Resurrection. New York, The Metropolitan Museum of Art.
- Pietro Perugino, Noli me tangere. Chicago, Art Institute.
Notes
1↑ | Également connu sous le nom de Pala Chigi, le retable a été commandé au Pérugin en août 1502 par Mariano Chigi pour la chapelle familiale du même nom dans l’église siennoise de Sant’Agostino. |
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2↑ | « Déjà il se faisait tard. » (Mc 15, 42). |
3↑ | « De la sixième (midi) jusqu’à la neuvième heure (trois heures de l’après-midi), il y eut des ténèbres sur tout le pays (sur toute la terre) » (Mt 27, 45). L’auteur du texte ajoute quelques détails dramatiques, typiques de la littérature apocalyptique juive, comprenant un tremblement de terre ainsi que la résurrection de plusieurs morts : « les tombeaux s’ouvrirent et les corps de plusieurs saints qui étaient morts ressuscitèrent » (Mt 27, 52). Dans l’Évangile selon Marc, écrit une quinzaine d’années avant celui de Matthieu, l’apôtre précise encore que « le voile du temple se déchira en deux, de haut en bas ». (Mc 15, 38). |
4↑ | Vasari, mentionnant rapidement cette œuvre (« un Crocifisso con alcuni santi ») indique que Pietro Perugino fût contraint par son succès à peindre cette dernière, ainsi qu’un grand retable pour l’église de San Francesco, « qui fut particulièrement loué », et dont la trace semble aujourd’hui perdue (« Venne tanto famoso il grido di Pietro, che fu sforzato di pignere a Siena in San Francesco una tavola grande, che fu tenuta lodatissima, e similmente in quella città in Santo Agostino un’altra, dentrovi un Crocifisso con alcuni santi) ». |