‘Il Pintoricchio’, « Voûte de la Libreria Piccolomini »

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Bernardino di Betto, dit ‘Il Pintoricchio’ (Perugia, vers 1452 – Siena, 1513)

Voûte de la Libreria Piccolomini

Fresque

Inscriptions :

  • (à l’extrémité nord) : « PIO II PONT EX PIETATE PIVS III PONT MAX »
  • (à l’extrémité sud) : « PIVS III PONT MAX HAEC PERITIS MONIMENTA »

Sienne, Duomo, Libreria Piccolomini.

D’un point de vue architectural, la couverture de la salle est structurée par le long rectangle central de la voûte d’arêtes réduites, surbaissée et soutenue par une alternance de lunettes et de pendentifs.

Le décor extrêmement complexe de cette voûte s’inspire de celui de la Domus Aurea [1]La Domus aurea (la Maison dorée) est un palais digne des Mille et une Nuits que l’empereur Néron a fait construire pour son propre usage sur une immense étendue située dans l’enceinte des murs de Rome, proche du Colisée, à un emplacement où l’incendie de la ville avait libéré la surface nécessaire à sa construction. Ce palais, dont il subsiste une partie importante … Poursuivre de Néron, qui venait, à l’époque, d’être redécouverte et qui fut, pour les artistes, une véritable source d’inspiration.

Les longs côtés du rectangle central possèdent quatre lunettes dont la couleur dominante est le jaune d’or, et trois pendentifs à fond bleu. Quant aux petits côtés, ils sont accompagnés d’un seul pendentif jaune d’or et de deux lunettes à dominante rouge, solution qui a le mérite de préserver l’alternance du jaune avec une autre couleur malgré le nombre impair des structures porteuses des petit côtés. Les fonds de couleurs vives et flamboyantes sont couverts d’un réseau dense de grotesques à l’antique.

Le rectangle central est subdivisé en différents compartiments de format géométrique par des frises de style grec, le tout étant directement inspiré par la Voûte dorée et la Voûte aux stucs de l’immense palais impérial.

Schéma de la voûte. D’après
  • a. Girolamo del Pacchia, Ratto di Proserpina (Rapt de Proserpine)
  • b. Stemma Piccolomini (Blason Piccolomini)
  • c. Girolamo del Pacchia, Diana e Endimione (Diane et Endymion)
  • d. Girolamo del Pacchia, Caritas (La Charité)
  • e. Girolamo del Pacchia, Pax (La Paix)
  • f. Girolamo del Pacchia, Sapientia (La Sagesse)
  • g. Girolamo del Pacchia, Veritas (La Vérité)

L’iconographie de la voûte est entièrement consacrée à une célébration dynastique des Piccolomini. Au centre, le grand haut-relief de marbre représentant le blason de la famille ne laisse planer aucun doute sur la signification générale de l’ornementation qui s’organise autour de lui.

Dans les compartiments, dont l’exécution est attribuée principalement à Girolamo del Pacchia, sont figurés des Vertus et des Mythes païens inspirées des bas-reliefs observés sur des sarcophages. Peut-être le miniaturiste Littifredi Corbizi, présent à Sienne à cette époque et qui avait probablement déjà collaboré avec Pinturicchio sur le chantier de l’appartement Borgia au Vatican [2]Cristina ACIDINI, « Pinturicchio », dans I protagonisti dell’arte italiana. Pittori del Rinascimento. Florence, Scala, 2004, p. 217., est-il l’auteur de quatre de ces Vertus ?

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Placées symétriquement de part et d’autre du blason central, deux scènes, plus grandes que les autres, donnent à voir, au-dessus de la porte d’entrée, le Rapt de Proserpine (fig. 1) [3]Chez Ovide, le mythe, d’origine grecque, est revisité. Pluton, dieu des enfers, a été touché par une flèche lancée par Cupidon sur ordre de Vénus, sa mère. Il aperçoit alors la vierge Proserpine cueillant des fleurs, s’enflamme d’amour pour elle, l’enlève et s’enfuit à travers les étangs des Paliques. La nymphe Cyané tente de lui barrer la route, … Poursuivre et, en correspondance avec celle-ci, Diane et Endymion [4]Dans la mythologie grecque, on apprend qu’Endymion, le plus beau des mortels, a offensé Junon. En représailles, la déesse a plongé le jeune homme dans un sommeil de trente ans. Cependant, Endymion n’est pas soumis au vieillissement et conservé intacte sa beauté. Diane apparaît alors que le jeune homme dort : la déesse vierge succombe à sa beauté incomparable..

Parmi plusieurs petites scènes portant sur des sujets païens, celle figurant le rapt de Proserpine provient directement d’un dessin d’Amico Aspertini [5]Amico Aspertini (Bologne, 1474 – 1552) : peintre, fresquiste et enlumineur dont le style complexe, excentrique et éclectique pose les principes du maniérisme. réalisé à partir d’un sarcophage romain (aujourd’hui conservé au Musée du Louvre) auquel l’artiste ajouta une figure masculine sur un char trainé par deux serpents à l’endroit où le modèle antique est cassé et où, en réalité, devait se trouver Céres, la mère de Proserpine. Pluton, debout sur le char, porte Proserpine dans ses bras. Il est poursuivi par un jeune homme qui ne parviendra pas à le rattraper. Les serpents qui tirent le char constituent une curiosité qui provient sans doute du fait que l’auteur de la copie du dessin original (Pinturicchio ou l’un des garçons de l’atelier), interpréta le personnage comme étant Saturne et non Pluton ; ce qui eut pour effet de renvoyer dans les limbes les habituels chevaux noirs indiqués par les sources.

«  Les peintures murales de la Bibliothèque Piccolomini […] représentant des épisodes de la vie du pape Pie II sont généralement étudiés comme étant distinctement séparées de l’imagerie de la voûte essentiellement constituée de scènes de la mythologie all’antica. Celle-ci, combinée avec les statues des Trois Grâces placées au centre de la salle, ont conduit certains auteurs à commenter ces contenus ouvertement païens comme inadaptés de manière choquante dans le contexte de l’enceinte sacrée du Duomo. On a attaché peu d’attention au bas-relief de stuc (Adam et Ève chassés du Paradis) placé au dessus de l’entrée [6]Susan J. MAY, « The Piccolomini library in Siena cathedral: a new reading with particular reference to two compartments of the vault decoration », dans Renaissance Studies 19 (3), June 2005, pp. 287-324. ».

« Le relief en stuc de L’Expulsion du paradis marque ainsi le moment où l’homme franchit pour la première fois le seuil de l’expérience temporelle, le tout début de l’histoire humaine, la scène signalant de manière inhérente son événement causal – la chute de l’homme – qui gâcherait l’existence humaine et qui nécessitait l’œuvre de rédemption menée par le Christ et poursuivie par les vicaires de son Église, dont le Pape Pie II.

« Dans la bibliothèque Piccolomini, les conditions préalables à l’expérience humaine – la création de l’environnement physique, de la temporalité et des facteurs qui régulent le comportement humain – sont évoquées par les allégories de l’imagerie de la voûte, dans laquelle le symbolisme lunaire est mis en évidence pour servir la propagande familiale des Piccolomini. Le retour à l’ordre de Dieu qui avait régné au Paradis ne pouvait, dans la théologie d’Augustin, être atteint qu’en établissant sur terre l’harmonie perdue par le péché originel. Ce moment déterminant où l’existence paradisiaque et sans péché a été remplacée par une durée de vie limitée de labeur, de chagrin et de douleur est marqué dans la décoration de la bibliothèque Piccolomini par le point nodal de l’Expulsion du paradis. Celle-ci représente aussi le début de l’histoire humaine. Une période spécifique de l’histoire humaine récente, à savoir la vie adulte d’Enea Silvio Piccolomini, se joue dans les dix épisodes des récits muraux, illustrant les ramifications du péché originel dans l’expérience vécue, y compris la fragilité morale de l’homme et ses loyautés mal dirigées. Dans ce contexte, le pape Pie II est commémoré comme l’humble parangon, par la grâce divine, des principes augustins, dont le juste exemple sera, à terme, vu inaugurer un retour à l’âge d’or de l’Eglise ».

Notes

Notes
1 La Domus aurea (la Maison dorée) est un palais digne des Mille et une Nuits que l’empereur Néron a fait construire pour son propre usage sur une immense étendue située dans l’enceinte des murs de Rome, proche du Colisée, à un emplacement où l’incendie de la ville avait libéré la surface nécessaire à sa construction. Ce palais, dont il subsiste une partie importante (aujourd’hui souterraine) allait du mont Palatin au mont Cælius, partie avancée de l’Esquilin.
2 Cristina ACIDINI, « Pinturicchio », dans I protagonisti dell’arte italiana. Pittori del Rinascimento. Florence, Scala, 2004, p. 217.
3 Chez Ovide, le mythe, d’origine grecque, est revisité. Pluton, dieu des enfers, a été touché par une flèche lancée par Cupidon sur ordre de Vénus, sa mère. Il aperçoit alors la vierge Proserpine cueillant des fleurs, s’enflamme d’amour pour elle, l’enlève et s’enfuit à travers les étangs des Paliques. La nymphe Cyané tente de lui barrer la route, mais celui-ci laisse la terre l’engloutir et il s’enfonce dans les Enfers avec son char et celle qu’il a enlevée. Cyané est si inconsolable qu’elle fond littéralement en larmes pour devenir la source Cyané.
4 Dans la mythologie grecque, on apprend qu’Endymion, le plus beau des mortels, a offensé Junon. En représailles, la déesse a plongé le jeune homme dans un sommeil de trente ans. Cependant, Endymion n’est pas soumis au vieillissement et conservé intacte sa beauté. Diane apparaît alors que le jeune homme dort : la déesse vierge succombe à sa beauté incomparable.
5 Amico Aspertini (Bologne, 1474 – 1552) : peintre, fresquiste et enlumineur dont le style complexe, excentrique et éclectique pose les principes du maniérisme.
6 Susan J. MAY, « The Piccolomini library in Siena cathedral: a new reading with particular reference to two compartments of the vault decoration », dans Renaissance Studies 19 (3), June 2005, pp. 287-324.

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