Piero del Minella, « Morte di Assalonne »

Absalon.png

Pietro di Tommaso del Minella (Sienne, 1391 –1458)

Morte di Assalone (Mort d’Absalom),1447.

Marqueterie de marbres polychromes.

Inscriptions : David

  • (au bas de la scène) : « ABSALON . VIDI . PENDER . PE CHAPELLI . POI . CHE . FEDO . LA CHAMERA . PATERNA * E TVCTO ERA FILCATO DI QVADRELLI » [1]« Absalon vidi pender pe’ chapelle / Poi che fedò la camera paterna, E tucto era ‘nfilçato di quadrelli. » (« Absalon pendu par les cheveux / alors qu’il fuyait la demeure paternelle, / et il était tout percé de pieux. » Cette inscription, qui explicite le sujet représenté, est extraite du Triumphus contra Amorem (vv. 130-2) de Domenico da Monticchiello … Poursuivre.

Provenance : In situ.

Sienne, Cathédrale de Santa Maria Assunta.

Cette étrange scène représente fidèlement un épisode de l’Ancien Testament survenu au cours du combat opposant les troupes du roi David à celles de son fils Absalom dans la forêt d’Ephraïm. Absalom est tué contre l’avis de David dont il était le fils préféré en raison de sa beauté [2]Le récit se trouve dans le Deuxième Livre de Samuel : « Absalom se retrouva par hasard en face des serviteurs de David. Il montait un mulet, et le mulet s’engagea sous la ramure d’un grand térébinthe. La tête d’Absalom se prit dans les branches, et il resta entre ciel et terre, tandis que le mulet qui était sous lui continuait d’avancer. Quelqu’un l’aperçut et avertit … Poursuivre.

La figure du fils de David suspendu à la branche du térébinthe est parfois présentée comme l’annonce d’un autre Fils, cloué sur la croix et béni par son Père. De manière plus convaincante, Marilena Caciorgna éclaire le sens symbolique de la marqueterie par le biais de quelques commentaires d’auteurs chrétiens issus de l’exégèse du texte biblique [3]Marilena Caciorgna se fonde sur trois exégèses portant sur les Psaumes : « Titulum psalmi tertii hac una sententia explanamus. Persecutus est Absalon patrem, fronde a collo ligatur. Judas tradidit Dominum, et laqueo coarctatur: sicut historia passionem David praeteritam indicat, ita mysterium passionem Domini futuram annuntiat […] », Arnobius Iunior (Arnobe le … Poursuivre, qui suggèrent que, dans l’espace sacré de la Cathédrale, à peu de distance du maître-autel, et dans une logique de lecture de l’Ancien Testament comme préfiguration du Nouveau, qui est une des préoccupations constantes de l’Église, il faut entendre la figure du Christ dans celle de David, lui-même absent de l’image, et voir la figure de Judas à travers celle d’Absalom. « De même qu’Absalom trahit son père, Judas trahit Jésus qui considérait les disciples comme ses fils. Absalom demeura pendu aux branches du térébinthe où il trouva la mort : de la même manière, Judas, pris de remord, se pendit. » [4]Marilena CACIORGNA, Un libro di marmo. Il pavimento del Duomo di Siena, Livourne, Sillabe, 2023, p. 176..

Notes

Notes
1 « Absalon vidi pender pe’ chapelle / Poi che fedò la camera paterna, E tucto era ‘nfilçato di quadrelli. » (« Absalon pendu par les cheveux / alors qu’il fuyait la demeure paternelle, / et il était tout percé de pieux. » Cette inscription, qui explicite le sujet représenté, est extraite du Triumphus contra Amorem (vv. 130-2) de Domenico da Monticchiello (voir Maria Monica DONATO, Immagini e iscrizioni nell’arte ’politica’ fra tre e Quattrocento, dans C. CIOCOLA (dir.), « Visibile parlare. » Le scritture esposte nei volgari italiani da Medioevo al Rinascimento (actes du colloque international d’étude [Cassino-Montecassino, 26-28 octobre 1992), Naples, Edizioni Scientifiche Italiane, 1997, pp. 375-376).
2 Le récit se trouve dans le Deuxième Livre de Samuel : « Absalom se retrouva par hasard en face des serviteurs de David. Il montait un mulet, et le mulet s’engagea sous la ramure d’un grand térébinthe. La tête d’Absalom se prit dans les branches, et il resta entre ciel et terre, tandis que le mulet qui était sous lui continuait d’avancer. Quelqu’un l’aperçut et avertit Joab : ‘Je viens de voir Absalom suspendu dans un térébinthe.’ Joab dit à l’homme qui l’avait averti : ‘Tu l’as vu ! Pourquoi donc ne l’as-tu pas frappé et abattu sur place ? J’aurais dû alors te donner dix pièces d’argent et une ceinture.’ L’homme répondit à Joab : ‘Même si je soupesais maintenant, dans la paume de mes mains, mille pièces d’argent, je ne porterais pas la main sur le fils du roi, car nous avons entendu de nos oreilles l’ordre que le roi vous a donné à toi, à Abishaï et à Ittaï : ‘Par égard pour moi, veillez sur le jeune Absalom !’ Et si j’avais commis cette trahison au péril de ma vie, comme rien n’échappe au roi, tu te serais toi-même tenu à l’écart.’ Joab lui dit : ‘Je ne vais pas perdre mon temps avec toi !’ Et il se saisit de trois épieux qu’il planta dans le cœur d’Absalom, encore vivant au milieu du térébinthe. Alors, dix jeunes écuyers au service de Joab entourèrent Absalom pour le frapper à mort. » (2S 18, 9-15).
3 Marilena Caciorgna se fonde sur trois exégèses portant sur les Psaumes :

« Titulum psalmi tertii hac una sententia explanamus. Persecutus est Absalon patrem, fronde a collo ligatur. Judas tradidit Dominum, et laqueo coarctatur: sicut historia passionem David praeteritam indicat, ita mysterium passionem Domini futuram annuntiat […] », Arnobius Iunior (Arnobe le Jeune), Commentarii in Psalmos, PL 53, 329D.

« David manu fortis interpretatur. Significat autem Christum, cuius manus adeo semper fortis fuit, ut diabolum vinceret, infirmitates repelleret solo tactu, caecos illumi-naret, tetigit denique loculum et mortuum suscitavit. Absalon, qui patris pax dicitur, ludam significat: hic autem arboris ramis suspensus interiit; ludas vero laqueo se su-spendit. Illo mortuo pacem habuit David; mortuo Iuda, pacem habet Christus […], Odo Astensis (Odon d’Asti), Expositio in Psalmos, PL 165, 1142C.

« [David] per filii vero Iudae nequitiam praemonstravit. Per David namque Christus significatur, cum in hoc psalmo patientia demonstratur: per Absalon vero Judas intelligitur, qui filius Christi, quia discipulus eius, dicitur. Absalon quippe pax patris interpretatur: non quia cum patre pacem haberet, sed quia cum eo pacem habuit pater. Sic et ludas pacem cum Christo non habuit, quamvis Christus et cum omnibus alis et cum eo pacem teneret. Sicut autem Absalon per seipsum suspensus est, ita est Iudas […] », Haymo Halberstatensis (Haymon d’Halberstadt, dit aussi Haymon de Fulda), Commentaria in Psalmos, PL 116, 204B-204C.

« Expliquons le titre du troisième psaume à l’aide de cette seule phrase : Absalom fut poursuivi par son père, fut lié aux branches par les cheveux. Judas a trahi le Seigneur et s’est laissé prendre au piège : de même que l’histoire révèle la passion de David, de même le mystère annonce la passion future du Seigneur. »

« David est interprété comme une main forte. Et cela signifie que le Christ, dont la main a toujours été forte, a vaincu le diable, chassé les infirmités d’un seul contact, éclairé les aveugles, et finalement touché les cercueils pour ressusciter les morts. Absalom, qui signifie « la paix du père », annonce Judas : ce dernier périt pendu aux branches d’un arbre ; le premier y fut pris au piège. Avec cette mort, David trouva la paix ; après la mort de Judas, le Christ trouve la paix. »

« [David] par son fils préfigura l’iniquité de Judas. Par David, dont ce psaume montre la patience, est signifié Christ ; mais par Absalom, on entend Judas, qui est appelé fils du Christ parce qu’il est son disciple. Car Absalom est interprété comme la paix de son père, non pas parce qu’il était en paix avec son père, mais parce que son père était en paix avec lui. De même, Judas ne fut pas en paix avec le Christ, bien que Christ soit resté en paix avec tous et avec lui. Mais comme Absalom fut pendu, Judas fit de même. »

4 Marilena CACIORGNA, Un libro di marmo. Il pavimento del Duomo di Siena, Livourne, Sillabe, 2023, p. 176.

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