
Vincenzo Tamagni (San Gimignano, 1492 – 1530)
Naissance de la Vierge, 1523.
Huile sur bois, dimensions : ?
Inscriptions :
- (sur le bas du cadre) : “NATIVITAS TVA GAUDIVM ANNVNZIAVIT VNIVERSO MVNDO” [1]
- (dans l’auréole d’Anne) : « S. ANNA »
- (dans l’auréole de Marie) : « MARIA VIRGO »
- (dans l’auréole de Joachim) : « S. GIOACHINO »
- (sur le bord du coffre du lit) : « VINCE[N]TIVS TAMAGNVS DE GEMINIAN[O] FACIEBAT »
Provenance : In situ.
San Gimignano, église de Sant’Agostino, chapelle de San Guglielmino.

L’autel du XVIe s. a remplacé un autel plus ancien sur lequel se trouvait une œuvre aujourd’hui connue sous le nom de Polyptyque de l’église de Sant’Agostino peint, comme l’ensemble des fresques de la chapelle, par Bartolo di Fredi, probablement avec l’aide de son fils Andrea di Bartolo.
Exécuté en 1523, l’actuel retable a été commandé à Tamagni par Ippolita Saraceni en souvenir de son époux, l’humaniste Lattanzio Cortesi [2]. Dans un anachronisme fréquent, la donatrice a été représentée agenouillée à droite de la scène, contemplant, à plus de 1500 ans de distance, la naissance de la Vierge. L’œuvre est signée sur le cadre doré de style résolument classique, formé d’un entablement reposant sur deux colonnes corinthiennes elles-mêmes posées sur une marche comportant l’inscription : “NATIVITAS TVA GAUDIVM ANNVNZIAVIT VNIVERSO MVNDO.”
La scène est située dans une chambre typique du style de la Renaissance (plafond à caissons, lit à baldaquin orné d’un riche décor). N’étaient quelques signes particuliers ainsi que les tout aussi discrètes auréoles portées par les trois personnages sacrés de la scène (Anne, Joachim et Marie), rien ne distinguerait cette dernière d’une scène de la vie quotidienne dans l’intérieur d’une riche famille du XVIe s.
Le lit est représenté de manière strictement parallèlement à la surface du tableau, ce qui accentue encore la rigueur classique de la pièce où se déroule l’action, ainsi que sa lisibilité. Anne, puisqu’il s’agit d’elle, a, comme il se doit, les traits d’une femme dont l’âge, en d’autres circonstances, n’aurait pas permis d’enfanter. Elle est appuyée contre le traversin installé à la tête de son lit, laquelle est ornée d’un décor en grisaille qui, en écho à la propre fécondité de la sainte, représente Moïse faisant jaillir une source de la montagne. Ses mains jointes disent qu’elle est en prière ou que son geste est aussi une action de grâce pour le miracle dont elle est l’objet. Ou les deux.

Six servantes s’activent autour d’Anne. Deux d’entre elles s’approchent pour lui présenter nourriture et boisson. Une troisième, au pied du lit, ouvre un livre qu’elle tient dans les mains, tandis qu’une autre, à la tête du lit, semble vouloir présenter un châle à l’accouchée. Deux autres, enfin, assises au premier plan devant le lit, se préparent à donner à Marie qui vient de naître son premier bain. L’enfant, assise sur les genoux de l’une des servantes du premier plan, tourne son regard vers Ippolita, commanditaire de l’œuvre qui s’est agenouillée devant elle, et s’apprête à la bénir (il s’agit là d’un privilège fréquent en peinture pour toute personne ayant le pouvoir de financer la réalisation d’une telle œuvre religieuse). Légèrement en retrait, on reconnaît à l’auréole qu’il porte Joachim, l’époux d’Anne. Plus loin encore en arrière, la figure masculine que l’on aperçoit pourrait être celle de Lattanzio, mari décédé d’Ippolita dont le souvenir serait ainsi doublement entretenu grâce à cette œuvre.
Adolfo Venturi, peu enclin aux éloges à l’égard de Tamagni, a estimé que ce retable était l’une des meilleures œuvres de celui-ci à San Gimignano. Ce qui ne l’empêche pas d’écrire [3] : « [cette œuvre] comporte une certaine intensité grâce aux formes nettement dessinées des figures, grâce aux vêtements aux couleurs intenses, grâce aussi au renoncement [de Tamagni] au clair-obscur évanescent. Les figures, qui ne sont plus adoucies par les sfumature à la Brescianino [4] semblent toutes de bois peint, taillé largement et de manière sommaire, incapables de se tourner, de bouger ; toutes ont des visages pesants, de gros yeux noirs inexpressifs, à la gestuelle d’automates. » Avant de préciser que, selon lui, le « pittore legniaiolo [5]» comparé à nombre de ses autres œuvres, réussit à donner à celle-ci une ingénuité et un ton populaire « moins désagréable ». Chacun se fera un jugement.
[1] « Nativitas tua [genitrix virgo] gaudium annunziavit universo mundo” (Ta naissance, O Vierge et Mère de Dieu, apporte la joie à l’univers).
[2] Lattanzio Cortesi (Rome, après 1460 – San Gimignano ?, avant 1516) : humaniste originaire de San Gimignano par ses parents, dont le palais existe toujours sur la Piazza della Cisterna de cette ville.
[3] VENTURI 1932, vol. IX, 4e partie, p. 420.
[4] Andrea Piccinelli, dit Andrea del Brescianino (vers 1486 – Florence, vers 1525) : peintre italien.
[5] Littéralement : « peintre charpentier », ce qui ne ressemble pas à un compliment.
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