‘Il Sodoma’, « Benedetto risalda lo capistero che era roto »

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Giovanni Antonio Bazzi, dit ‘Il Sodoma’ (Vercelli, 1477 – Sienne, 1549)

Benedetto risalda lo capistero che era roto (Benoît ressoude le capistero brisé), 1505-1598.

Fresque

Inscriptions :

  • (sous la fresque) : « COME BENEDETTO RISALDA LO CAPISTERO CH’ERA ROTO »  [1]« Comment Benoît répare le capistero brisé. » Saint Grégoire relate ainsi l’épisode dans le Livre II des Dialogues (chap. 2) : « 1. Ayant donc abandonné l’étude des lettres, il avait décidé de gagner le désert, et sa nourrice qui l’aimait passionnément fut seule à le suivre. Comme ils étaient arrivés à un endroit qu’on appelle Effide et que plusieurs personnages fort … Poursuivre

Provenance : In situ

Chiusdino (Asciano), Abbazia di Monte Oliveto Maggiore, Cloître principal.

Benoît vient de quitter Rome pour s’installer à Effide, près de Subiaco, toujours accompagné de sa fidèle nourrice, Cyrilla. C’est là qu’il obtient la réparation miraculeuse d’un capistero [2]Le capistero était un ustensile de cuisine, sorte de plat de bois de forme rectangulaire utilisé pour recueillir les épluchures, les coquilles de fruits secs ou d’œufs, … lors de la préparation d’un repas. Le texte de référence évoque un « vase » ou « crible » permettant de « purifier le grain ». maladroitement brisé par cette dernière. Le plat qu’elle vient de faire tomber gît au sol. On peut le voir simultanément fendu en deux parties et miraculeusement réparé. À droite, Benoît est agenouillé en prières devant la double image de l’ustensile [3]On notera que pour garantir son identification par le spectateur, Benoît n’a pas quitté la tenue vestimentaire dont nous l’avons vu revêtu depuis son départ de la maison maternelle.. Légèrement en retrait sur la gauche du saint, Cyrilla se tient debout, les mains encore jointes en signe de contrition malgré le parfait accomplissement du miracle. Dès larmes coulent sur ses joues. Au premier plan, deux poules parfaitement indifférentes picorent le grain que la nourrice vient de répandre maladroitement sur le sol.

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La partie droite de la scène est séparée de la précédente par un pilastre décoré à l’antique. Nous sommes maintenant en extérieur, et en public. Devant un édifice imposant dont les arcades laissent voir des aperçus champêtres, trois personnages principaux occupent le premier plan : en plein centre de la composition, un jeune homme en pied, et en habit de cour, la tête coiffée d’un large béret gris, les cheveux répandus sur les épaules, nous fixe du regard, un léger sourire de contentement aux lèvres. Sa main gauche gantée de blanc tient la garde d’une longue épée dont la pointe repose sur le sol. De la main droite, également gantée, il désigne le personnage qui lui fait face. Ce jeune homme, c’est Sodoma, qui s’est fièrement représenté, en personne, vêtu d’une tenue de parade dont il vient de faire l’acquisition auprès d’un gentilhomme de Milan ayant lui-même fait le choix de rentrer dans l’Ordre Olivétain. Si, de longue date, il n’est pas rare que les artistes laissent leur image dans l’œuvre, il est très inhabituel qu’ils le fassent de manière aussi évidente, non exempte d’une touche d’exhibitionnisme.

Face à Sodoma, l’homme qu’il désigne est vêtu à la romaine et drapé dans une ample cape de couleur carmin. Il est accompagné d’un tout jeune garçon aux longs cheveux blonds vêtu d’une toge blanche et d’une cape lui-aussi. Derrière eux, trois personnages lèvent les yeux. Que regardent-ils avec autant d’intérêt ? Ils contemplent, accroché au fronton du temple grandiose à la quadruple colonnade (comme le Panthéon), le capistero réparé qui y a été suspendu comme le trophée du miracle.

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Au second plan, un cygne se désaltère dans une flaque, tandis qu’aux pieds du Sodoma, se tiennent deux blaireaux apprivoisés (l’un d’eux portant un collier). Au tout premier plan, deux corbeaux, celui de droite saisissant avec son bec la queue d’un des blaireaux.

On sait qu’à l’époque où il résidait à Monte Oliveto pour y peindre le cloître de l’Abbaye, Sodoma était surnommé par les moines « il Mattaccio » (le fou furieux), en raison de ses sautes d’humeur constantes, que les frères étaient condamnés à subir. Il demeure de cette époque une lettre étrange, et d’une drôlerie particulière, qu’il a adressée à la Gabella de Sienne. Dans cette lettre qui est aussi une déclaration d’impôts, il énumère ce qu’il possède dans une maison où il est « en conflit avec Niccolò de’ Libri au sujet de sa vie à Vallerozzi » : « Huit chevaux ; par nom de famille on les appelle des boucs et je suis un hongre pour les gouverner ; un singe et un corbeau parlant et je le garde apprenant à parler à un âne théologien en cage ; une chouette pour effrayer les fous et une chouette effraie. Je ne vous dis rien sur le lieu du singe à l’étage ; deux paons; deux chiens, deux chats, un terzuolo, un faucon, six poules avec dix-huit poulets. Et deux poules maures et de nombreux oiseaux qui seraient déroutants à décrire. Trouvez-moi trois mauvaises bêtes, qui sont trois femmes. »[4]« Otto cavalli ; per sopranome son chiamati caprette et io sono un castrone a governarli ; una scimmia e un corvo che favella e lo tengo che insegni a parlare a un asino teologo in gabbia ; un gufo per far paura a matti e un barbagianni. Del locco non vi dico niente per la scimmia di sopra ; due pavoni ; due cani, due gatti, un terzuolo, uno sparviero, sei galline con diciotto pollastrine. E due … Poursuivre

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Notes

Notes
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« Comment Benoît répare le capistero brisé. » Saint Grégoire relate ainsi l’épisode dans le Livre II des Dialogues (chap. 2) :

« 1. Ayant donc abandonné l’étude des lettres, il avait décidé de gagner le désert, et sa nourrice qui l’aimait passionnément fut seule à le suivre. Comme ils étaient arrivés à un endroit qu’on appelle Effide et que plusieurs personnages fort honorables les retenaient charitablement, ils séjournèrent dans l’église saint Pierre. La dite nourrice ayant demandé à ses voisines un crible pour purifier le grain, elle le laissa imprudemment sur la table : il vint à tomber, se brisa, et le voilà en deux morceaux ! A son retour, dès qu’elle le vit dans cet état, la nourrice se mit à pleurer à chaudes larmes en voyant que le crible qu’elle avait emprunté était maintenant brisé.

2. C’est alors que Benoît, qui était un jeune homme religieux et dévoué, voyant sa nourrice en larmes, fut ému de compassion : il emporta les morceaux du crible et se mit à prier en pleurant. Sa prière achevée, il se releva et découvrit à ses côtés le vase en bon état au point qu’on ne pouvait y voir aucune trace de l’accident. Alors aussitôt, il consola sa nourrice avec tendresse et lui remit en bon état le crible qu’il avait emporté en morceaux. La chose fut connue de tout le monde dans le pays et elle suscita une telle admiration que les gens du coin accrochèrent l’objet à l’entrée de l’église afin que tous, présents et à venir, apprennent à quel degré de perfection se trouvait le jeune Benoît, à peine avait-il reçu la grâce de conversion.
Pendant bien des années, l’objet demeura là, sous les yeux de tous, suspendu à l’entrée de l’église, et cela jusqu’à l’époque des Lombards.

3. Mais Benoît, plus désireux de souffrir les maux du monde que ses louanges, de se fatiguer dans les travaux de Dieu plus que d’être promu aux faveurs de cette vie, quitta sa nourrice en secret et gagna une retraite située dans un lieu désert appelé Subiaco à quelques 40 milles de Rome : de là émanent des eaux fraîches et transparentes lesquelles, grâce à leur abondance, forment au début un grand lac qui, à la fin, poursuivent leur chemin en rivière. » D’après http://www.abbayes.fr/lectio/Vie_Benoit/Introduction.htmn, consulté le 5 février 2020 et Volgarizzamento del Dialogo di San Gregorio, reproduit dans Enzo Carli, Le storie di San Benedetto a Monte Oliveto Maggiore, Cinisello Balsamo (Milano), Silvana, 1980, pp. 161-180.

2 Le capistero était un ustensile de cuisine, sorte de plat de bois de forme rectangulaire utilisé pour recueillir les épluchures, les coquilles de fruits secs ou d’œufs, … lors de la préparation d’un repas. Le texte de référence évoque un « vase » ou « crible » permettant de « purifier le grain ».
3 On notera que pour garantir son identification par le spectateur, Benoît n’a pas quitté la tenue vestimentaire dont nous l’avons vu revêtu depuis son départ de la maison maternelle.
4 « Otto cavalli ; per sopranome son chiamati caprette et io sono un castrone a governarli ; una scimmia e un corvo che favella e lo tengo che insegni a parlare a un asino teologo in gabbia ; un gufo per far paura a matti e un barbagianni. Del locco non vi dico niente per la scimmia di sopra ; due pavoni ; due cani, due gatti, un terzuolo, uno sparviero, sei galline con diciotto pollastrine. E due galline moresche e molti uccelli che per lo scrivare saria confusione. Trovomi tre bestiacce cattive, che sono tre donne. »