Lorenzo Vecchietta (Sienne [1]On a longtemps pensé que Lorenzo Vecchietta était né à Castiglione d’Orcia, avant que les découvertes effectuées dans les archives par l’historien de l’art florentin Carlo del Bravo, en 1970 (voir : Carlo Del Bravo, Scultura senese del Quattrocento, Florence, Edam, 1970), ne viennent corriger l’information., 1410 – 1480).
Il papa Pio II benedicente, tra il vescovo Antonio Piccolomini e il canonico Bartolomeo Benvoglienti (Le pape Pie II bénissant, entre l’archevêque Antonio Piccolomini et le chanoine Bartolomeo Benvoglienti), 1459.
Enluminure en pleine page du manuscrit des Costituzioni ed ordinamenti relativi al Capitolo dei Canonici della Cattedrale di Siena (Statuts et règlements relatifs au Chapitre des Chanoines de la cathédrale de Sienne), établis par ordonnance du Pape Pie II. [2]Il codice pergamenaceo contiene il testo delle Costituzioni capitolari, redatte, per volontà del Papa, dal prelato romano Agapito Rustici, Canonico vaticano.Il testo originale è conservato nell’ArchivioArcivescovile di Siena, sezione Archivio Capitolare. Le codex de parchemin contient le texte des Constitutions capitulaires, rédigées, par la volonté du Pape Pie II, par le prélat … Poursuivre
Provenance :
Sienne, Palazzo Arcivescovile, Archivio Capitolare.
La composition, parfaitement frontale compte tenu de la solennité du sujet, est cependant discrètement animée par les ombres portées des volumes rencontrés par les rayons de la lumière. Revêtu de l’habit pontifical, et représenté assis sur un trône placé sur une estrade, à l’avant d’un imposant drap d’honneur, le pape Pie II effectue un signe de bénédiction à l’adresse du spectateur qui le regarde. Sur les côtés, se tiennent agenouillés le premier archevêque de l’histoire de Sienne, Antonio Piccolomini de’ Signori di Modanella [3]Antonio Piccolomini (Sienne, v. 1425 – 1460) : fils d’Andrea Piccolomini de’ Signori di Modanella, membre d’une branche de la famille Piccolomini à laquelle appartenait également le pape Pie II. Moine camaldule, il fut élu évêque de Sienne par Pie II en 1459, et déclaré premier archevêque la même année. Le blason d’argent, à la croix d’azur chargée de cinq … Poursuivre, et, face au précédant, le doyen (proposto [4]Le doyen (proposto) est le premier dignitaire parmi les chanoines.) l’humaniste Bartolomeo Benvoglienti [5]Bartolomeo Benvoglienti (Sienne, ? – 1486) : issu d’une famille de la noblesse siennoise, théologien et philosophe, chanoine puis doyen (1462) de l’église métropolitaine de Sienne. En septembre 1458, il est chargé par les prieurs de rédiger l’oraison par laquelle le gouvernement de la République de Sienne souhaite célébrer publiquement l’élection d’Enea … Poursuivre, parfois confondu avec un proche du pape, le chanoine romain Agapito Rustici [6]Agapito Rustici ou de’ Rustici (Rome (?), v. 1415 – Rome, 1464) : généralement apprécié comme poète, Rustici, après des études de droit canon effectuées à Parme, est de retour à Rome où, après avoir accédé au sacerdoce, il devient d’abord auditeur de la Rote par décision du pape Nicolas V. Il entre dans la « famiglia » d’Enea Silvio Piccolomini (on appelait … Poursuivre. Bien que très abrasé, le blason de la noble famille des Benvoglienti [7]De rouge, au lévrier rampant, tronqué d’argent et de noir, collier dans le champ (di rosso, al levriere rampante troncato d’argento e di nero, collarinato nel campo., situé sous la figure agenouillée de Bartolomeo ne laisse subsister aucun doute sur l’identité du personnage.
Bien que le 23 avril 1459 soit considéré comme la date officielle de l’élévation de l’évêché de Sienne au rang d’archidiocèse métropolitain, certains historiens des siècles suivants anticipent cet événement en le plaçant à la date du 19 avril. Ainsi, Girolamo Gigli (1660-1722) écrit-il dans son Diario Sanese [8]Girolamo Gigli, Diario sanese in cui si veggono alla giornata tutte le cose importanti sì allo Spirituale, come al Temporale della Città, e però continente Feste, Stazioni, Signorie, Residenze di Maestrati, Fiere dello Stato, Ferie, Giorni della Posta, e Notizie per la partenza delle Lettere. E finalmente cose notabili accadute in Siena in quella giornata, coll’Indice in ultimo di … Poursuivre, à la date du 19 avril : « Se trouvant à Sienne, Pie II en l’an 1459 a érigé l’évêché de Sienne au rang d’archevêché, donnant le premier pallium à Antonio Piccolomini de’ Signori di Modanella ; voulant que les deux autres de ce domaine, à savoir sa chère Pienza et Montalcino, ne soient assujettis qu’au seul Saint-Siège [9]« Ritrovandosi in Siena Pio II nell’anno 1459 eresse il Vescovado senese in Arcivescovado, dando il primo pallio ad Antonio Piccolomini de’ Signori di Modanella Vescovo […] di questa Patria […] ; volendo che gli altri due di questo dominio, cioè Pienza sua, e di Montalcino, non avessero altra soggezione che alla S. Sede. » ». Pie II, qui a été élu au trône pontifical le 19 août de l’année précédente, fait de l’évêché de Sienne un archidiocèse auquel il assigne les diocèses suffragants [10]Le substantif suffragant s’emploie, notamment, pour nommer l’évêque d’un diosèse placé sous l’autorité du Métropolitain dont il dépend. de Chiusi, Grosseto et Sovana, qui appartenaient jusque-là à la Province romaine, ainsi que celui de Massa Marittima qui appartenait, quant à lui, à l’Église métropolitaine de Pise. Le Chapitre de la cathédrale devient ainsi Chapitre métropolitain, et c’est Pie II lui-même qui ordonne la réécriture des Statuts dont la rédaction est confiée à Benvoglienti évoqué plus haut. C’est pour orner la première page du précieux volume de parchemins contenant les nouveaux Statuts que Lorenzo Vecchietta peint l’image commémorative de cet événement l’année même de sa survenue.
Ce qui étonne dans cette œuvre très délicate, ce n’est pas tant la gamme chromatique, pourtant remarquable avec ses tons acidulés mêlant les couleurs rosées, les vermillons orangés, les verts tendres et une déclinaison de violets aux teintes de lavande, que l’extraordinaire acuité du regard porté par le peintre sur ses modèles, la singularité des caractéristiques physiques qu’il trace de chacun d’eux, laissant paraître qu’une observation attentive d’après nature a précédé l’exécution du travail et, par-dessus tout, pour la capacité d’un peintre génial à traduire sur un format proche de la miniature, les plus petits détails de la psychologie de chacun des trois protagonistes de la scène. Une scène, pourtant, où il ne se passe rien, et où le silence ambiant n’est rien d’autre que la forme la plus propice à la manifestation de pensées qui n’ont nul besoin de la parole pour s’exprimer.
Le premier archevêque historique de Sienne, fraîchement nommé, observe du coin de l’œil le souverain pontife en même temps qu’il le désigne de l’index comme l’auteur du texte contenu dans le manuscrit. Sa physionomie, son attitude, son visage, son regard surtout, tout en lui manifeste l’humble respect, visiblement sincère, qu’il appartient à celui qui vient d’être favorisé de manifester à l’endroit de son protecteur. Au centre, le pape, la tête penchée sous le poids de la tiare, les épaules affaissées trahissant une indicible lassitude, paraît souffrir, déjà, d’un mal qui ne le quittera guère (on sait, notamment par ses Commentarii [11]Enea Silvio Piccolomini, Commentarii rerum memorabilium quae temporibus suis contigerunt, 1462-1464 (trad. abrégée en fr. : Les Commentarii de Pie II, présentés et annotés par Ivan Cloulas et Vito Castiglione Minischetti. Paris, Tallandier, 2001.). , qu’à cette époque de son court règne, il est déjà gravement malade et effectue de nombreux séjours dans les centres thermaux proches du Mont Amiata tant aimé). La figure du doyen Benvoglienti est la plus belle des trois, tant elle manifeste la délicate singularité d’un personnage surpris dans sa dimension la plus véritablement humaine et, d’une certaine manière, la plus banale. Ce visage a un air si familier que l’on croirait reconnaître une personne déjà rencontrée. Avec ses pommettes pleines et lisses, une carnation rosée sur laquelle on devine les ombres bleutées d’une pilosité soigneusement entretenue, ce visage possède encore des traces de jeunesse malgré ses paupières lourdes et une calvitie déjà avancée. Cet homme semble contenir des émotions intériorisées, et cependant parfaitement visibles.
En dépit de leur haut rang et de la solennité de l’instant, ces trois prélats frappés d’une commune mélancolie suscitent l’empathie de celui qui observe l’image. Le peintre qui est l’auteur de cette dernière n’y est certainement pas pour rien. Nous sommes dorénavant familiarisés avec les figures soigneusement tracées par les petites touches d’un pinceau léger, qui dessinent plus qu’elles ne peignent, où la ligne omniprésente traduit les volumes par le biais de fines hachures. Les figures du Vecchietta, artiste raffiné dont l’histoire conserve la mémoire à travers son surnom, le « petit vieux », ces figures sont généralement empreintes d’une tristesse qui constituent peut-être l’un des signes distinctifs de son art, et qui toutes sont les représentantes et les témoins d’une humanité fragile, apparaissant écrasée sous le fardeau de sa propre condition.
Ces différentes considérations n’auront en rien perturbé les deux angelots virevoltant dans l’air, et portant haut les armes du pape Piccolomini. Pourtant, à bien y regarder, ces enfants potelés ne parviennent pas eux non plus à dissimuler l’étrange langueur qui accompagne chacune des figures peintes dans l’image.
Notes
1↑ | On a longtemps pensé que Lorenzo Vecchietta était né à Castiglione d’Orcia, avant que les découvertes effectuées dans les archives par l’historien de l’art florentin Carlo del Bravo, en 1970 (voir : Carlo Del Bravo, Scultura senese del Quattrocento, Florence, Edam, 1970), ne viennent corriger l’information. |
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2↑ | Il codice pergamenaceo contiene il testo delle Costituzioni capitolari, redatte, per volontà del Papa, dal prelato romano Agapito Rustici, Canonico vaticano. Il testo originale è conservato nell’Archivio Arcivescovile di Siena, sezione Archivio Capitolare. Le codex de parchemin contient le texte des Constitutions capitulaires, rédigées, par la volonté du Pape Pie II, par le prélat romain Agapito Rustici, chanoine du Vatican. Le texte original est conservé dans les Archives de l’Archevêché de Sienne, Section des Archives du Chapitre. |
3↑ | Antonio Piccolomini (Sienne, v. 1425 – 1460) : fils d’Andrea Piccolomini de’ Signori di Modanella, membre d’une branche de la famille Piccolomini à laquelle appartenait également le pape Pie II. Moine camaldule, il fut élu évêque de Sienne par Pie II en 1459, et déclaré premier archevêque la même année. Le blason d’argent, à la croix d’azur chargée de cinq croissants d’or, surmonté d’une mitre archiépiscopale, situé dans la marge inférieure, à l’aplomb du personnage, confirme son identité. |
4↑ | Le doyen (proposto) est le premier dignitaire parmi les chanoines. |
5↑ | Bartolomeo Benvoglienti (Sienne, ? – 1486) : issu d’une famille de la noblesse siennoise, théologien et philosophe, chanoine puis doyen (1462) de l’église métropolitaine de Sienne. En septembre 1458, il est chargé par les prieurs de rédiger l’oraison par laquelle le gouvernement de la République de Sienne souhaite célébrer publiquement l’élection d’Enea Silvio Piccolomini au trône de Saint Pierre. |
6↑ | Agapito Rustici ou de’ Rustici (Rome (?), v. 1415 – Rome, 1464) : généralement apprécié comme poète, Rustici, après des études de droit canon effectuées à Parme, est de retour à Rome où, après avoir accédé au sacerdoce, il devient d’abord auditeur de la Rote par décision du pape Nicolas V. Il entre dans la « famiglia » d’Enea Silvio Piccolomini (on appelait famiglia pontificia le cercle des proches du pontife, actuelle casa pontificia) alors que celui-ci est encore cardinal (1456 – août 1458). Durant le pontificat de Pie II, Rustici a toujours été présent dans le cercle étroit des intimes du pape, où il bénéficie d’une considération particulière : le pape l’investit de charges importantes, le tient en grande estime en tant que juriste, poète et orateur, et apprécie également beaucoup sa compagnie. C’est à lui que Pie II confie la rédaction des nouveaux statuts du chapitre de Sienne devenu métropolitain. |
7↑ | De rouge, au lévrier rampant, tronqué d’argent et de noir, collier dans le champ (di rosso, al levriere rampante troncato d’argento e di nero, collarinato nel campo. |
8↑ | Girolamo Gigli, Diario sanese in cui si veggono alla giornata tutte le cose importanti sì allo Spirituale, come al Temporale della Città, e però continente Feste, Stazioni, Signorie, Residenze di Maestrati, Fiere dello Stato, Ferie, Giorni della Posta, e Notizie per la partenza delle Lettere. E finalmente cose notabili accadute in Siena in quella giornata, coll’Indice in ultimo di tutt’i Santi Sanesi, e Famiglie Nobili della Città. Sienne, Nella Stamp. dell’A.R. della Sereniss. Gran Principessa Gov. presso Francesco Quinza, 1722. |
9↑ | « Ritrovandosi in Siena Pio II nell’anno 1459 eresse il Vescovado senese in Arcivescovado, dando il primo pallio ad Antonio Piccolomini de’ Signori di Modanella Vescovo […] di questa Patria […] ; volendo che gli altri due di questo dominio, cioè Pienza sua, e di Montalcino, non avessero altra soggezione che alla S. Sede. » |
10↑ | Le substantif suffragant s’emploie, notamment, pour nommer l’évêque d’un diosèse placé sous l’autorité du Métropolitain dont il dépend. |
11↑ | Enea Silvio Piccolomini, Commentarii rerum memorabilium quae temporibus suis contigerunt, 1462-1464 (trad. abrégée en fr. : Les Commentarii de Pie II, présentés et annotés par Ivan Cloulas et Vito Castiglione Minischetti. Paris, Tallandier, 2001.). |
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