Jugement particulier

La pensée chrétienne médiévale considère non pas un mais deux jugements auxquels chaque être humain doit être confronté : le Jugement dernier et le Jugement particulier.

« A la mort de l’être humain, il y a séparation du corps et de l’âme. Cette dernière passe en jugement (c’est ce qu’on appelle le Jugement Particulier ou Jugement de l’âme) ! » [1]Didier Jugan, « La ‘Bonne Mort’, iconographie du Jugement Particulier du XVe au XVIIe siècle, XVe congrès international d’études sur les Danses macabres et l’art macabre en général, 2012. Mis en ligne sur le site : https://www.academia.edu.

Ce premier jugement est individuel (le Jugement dernier est universel) ; il intervient au moment de la mort (le Jugement dernier est prévu à la fin des temps), il concerne le devenir de l’âme (le second porte sur le corps et l’âme à nouveau réunis à la fin des temps), et surtout, il est provisoire car dans l’attente du Jugement dernier qui, lui, vaut pour l’éternité. C’est lors du Jugement particulier que sont sélectionnées aussi bien les âmes appelées immédiatement dans les « demeures paradisiaques » (celles des élus, des purs, des saints), que les âmes à qui serait définitivement refusée la Grâce en raison de la gravité de leurs fautes (pour eux, la destination finale est irrémédiablement l’Enfer), ou celles, enfin, coupables de péchés véniels [2]Les péchés véniels, « qui offensent Dieu à la vérité, mais ne l’irritent pas au point de nous priver de la béatitude. » (Montesquieu, Les Lettres Persanes (1721), Paris, Gallimard (Folio), 1973, page 121.) sont également pardonnables (dans certaines conditions), comme le rappelle l’étymologie. qui devront subir les épreuves du Purgatoire en vue de leur propre restauration [3]La restauration de l’âme est réputée être un processus de purification consistant à lui restituer son état d’avant la faute originelle. Ce travail est destiné à préparer le défunt à approcher la perfection requise pour pouvoir, au Jugement dernier, être admis parmi les élus. De nombreuses forces y contribuent, parmi lesquelles le Verbe (« Il restaure mon âme, Il me conduit … Poursuivre. Avant la « naissance » du Purgatoire au XIIe-XIIIe s., ce lieu d’attente s’appelait encore le Tartare. Jacques Le Goff observe que le Purgatoire, conséquence possible du Jugement particulier, « [dépend] d’un verdict moins solennel, un jugement individuel aussitôt après la mort que l’imagerie médiévale se représente volontiers sous la forme d’une lutte pour l’âme du défunt entre bons et mauvais anges, anges proprement dits et démons. »

Sources textuelles

Le Nouveau Testament évoque à différentes reprises la destinée ultime de l’âme après la mort qui peut être différente pour les unes et pour les autres en fonction d’un examen de la vie terrestre du défunt.

Poursuivre

C’est le cas dans la parabole du pauvre Lazare [4]« Le pauvre mourut, et il fut porté par les anges dans le sein d’Abraham. Le riche mourut aussi, et il fut enseveli. » (Lc 16, 22). ou dans les paroles du Christ sur la croix adressées au bon larron. [5]« Jésus lui répondit : Je te le dis en vérité, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis. » (Lc 23, 43).

D’autres textes du Nouveau Testament évoquent d’une destinée ultime de l’âme [6]« Et que servirait-il à un homme de gagner tout le monde, s’il perdait son âme ? ou, que donnerait un homme en échange de son âme ? » (Mt 16, 26) ; « […] nous sommes pleins de confiance, et nous aimons mieux quitter ce corps et demeurer auprès du Seigneur. » (2 Co 5, 8) ; « Je suis pressé des deux côtés : j’ai le désir de … Poursuivre. (D’après : https://viechretienne.catholique.org/cec/5420-i-le-jugement-particulier, consulté le 31.07.2022.)

Iconographie

Le thème est relativement fréquent au nord des Alpes. Il l’est moins en Italie, particulièrement en Toscane. Plusieurs types d’iconographie accompagnent la séparation du corps et de l’âme [7]Voir Didier Jugan, « La ‘Bonne Mort’ : iconographie du Jugement Particulier du XVe au XVIIe siècle », op.cit. :

  • La montée de l’âme sans jugement. Le thème, fréquemment représenté, concerne des personnages hors du commun dont l’âme est emportée au ciel :
    • la Vierge : Jésus en personne redescend sur terre pour porter lui-même
      l’âme de sa mère au Paradis
    • des saints, Jean en particulier, dont l’âme s’envole seule, ou Paul, et d’autres, dont l’âme est emportée au Paradis par des anges.
  • La dispute de l’âme et le pesage de l’âme :
    • La dispute de l’âme est le combat entre l’ange gardien et le diable (ou bien entre des anges et des diables). La scène se passe au-dessus du lit ou de la tombe où repose le mort. [8]Ce combat pour la possession de l’âme est décrit dans l’une des visions du livre IV des « Dialogues » de Grégoire le Grand. Parfois la dispute se fait autour du (ou des livres) où sont inscrites les bonnes et mauvaises actions du défunt.
  • La pesée de l’âme. Saint Michel tient la balance à un plateau de laquelle
    s’agrippe généralement un démon pour orienter le jugement. [9]On retrouve ce type de scène au centre des Jugements Derniers.
  • Dialogue du mourant avec Dieu.
  • Jugement particulier avec Intercession de la Vierge. La Vierge, en tant qu’avocate du genre humain, intercède pour l’âme du défunt.
  • Jugement Particulier avec double intercession (« Scala Salutis»). « Alors que le diable revendique l’âme pécheresse du mourant face à un ange indulgent, le mourant (son âme) implore la Vierge de le secourir. La Vierge montrant sa poitrine qui a nourri le Christ s’adresse à lui pour l’implorer d’être bienveillant avec le mourant. Le Christ reçoit la demande de sa mère et s’adresse à Dieu le père en montrant les plaies et les souffrances qu’il a endurées pour les hommes. Dieu le père accepte leurs arguments principalement parce qu’il ne peut rien refuser à son fils. »

Notes

Notes
1 Didier Jugan, « La ‘Bonne Mort’, iconographie du Jugement Particulier du XVe au XVIIe siècle, XVe congrès international d’études sur les Danses macabres et l’art macabre en général, 2012. Mis en ligne sur le site : https://www.academia.edu.
2 Les péchés véniels, « qui offensent Dieu à la vérité, mais ne l’irritent pas au point de nous priver de la béatitude. » (Montesquieu, Les Lettres Persanes (1721), Paris, Gallimard (Folio), 1973, page 121.) sont également pardonnables (dans certaines conditions), comme le rappelle l’étymologie.
3 La restauration de l’âme est réputée être un processus de purification consistant à lui restituer son état d’avant la faute originelle. Ce travail est destiné à préparer le défunt à approcher la perfection requise pour pouvoir, au Jugement dernier, être admis parmi les élus. De nombreuses forces y contribuent, parmi lesquelles le Verbe (« Il restaure mon âme, Il me conduit dans les sentiers de la justice, à cause de son nom. » Ps 23, 3) et l’intercession des saints (les suffrages).
4 « Le pauvre mourut, et il fut porté par les anges dans le sein d’Abraham. Le riche mourut aussi, et il fut enseveli. » (Lc 16, 22).
5 « Jésus lui répondit : Je te le dis en vérité, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis. » (Lc 23, 43).
6 « Et que servirait-il à un homme de gagner tout le monde, s’il perdait son âme ? ou, que donnerait un homme en échange de son âme ? » (Mt 16, 26) ; « […] nous sommes pleins de confiance, et nous aimons mieux quitter ce corps et demeurer auprès du Seigneur. » (2 Co 5, 8) ; « Je suis pressé des deux côtés : j’ai le désir de m’en aller et d’être avec Christ, ce qui de beaucoup est le meilleur. » (Ph 1, 23) ; « Et comme il est réservé aux hommes de mourir une seule fois, après quoi vient le jugement […]. » (He 9, 27) ; « […] vous vous êtes approchés de la montagne de Sion, de la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, des myriades qui forment le chœur des anges, (He 12, 22-23).
7 Voir Didier Jugan, « La ‘Bonne Mort’ : iconographie du Jugement Particulier du XVe au XVIIe siècle », op.cit.
8 Ce combat pour la possession de l’âme est décrit dans l’une des visions du livre IV des « Dialogues » de Grégoire le Grand.
9 On retrouve ce type de scène au centre des Jugements Derniers.