Francesco di Giorgio (Sienne, 1439 – 1501) et atelier
Il ratto di Elena (Le rapt d’Hélène), v. 1464.
Fragments d’une spalliera, tempéra et or sur panneau, 42,1 x 47,1 cm (Stibbert) et 41,6 x 53 cm (I Tatti). [1]Selon les calculs de F. Bisogni, la longueur totale du panneau devait être de 118 cm. Voir Fabio Bisogni, « Risarcimento del ‘Ratto di Elena’ di Francesco di Giorgio », Prospettiva No. 7 (Octobre 1976), p. 44.
Provenance :
Florence Musée Stibbert et Settignano, Villa I Tatti, Collection Berenson.
En 1976, Fabio Bisogni [2]Fabio Bisogni, « Risarcimento del ‘Ratto di Elena’ di Francesco di Giorgio », Prospettiva No. 7 (Octobre 1976), pp. 44-46. a rapproché deux panneaux conservés, pour l’un, dans la collection Berenson (Villa I Tatti) [3]« Le fameux fragment de la collection de Bernard Berenson à Settignano est bien connu dans la littérature et n’a pas besoin d’être longuement discuté ici. […] Il existe sous sa forme actuelle après avoir servi de support à un tableau du XVIIe siècle ; par la suite, il a été nettoyé, révélant les couleurs pastel variées de l’une des plus belles œuvres de … Poursuivre, pour l’autre, de Francesco di Giorgio et son atelier, au Musée Stibbert de Florence, et démontré que les deux panneaux étaient les deux fragments d’une même œuvre. Diverses observations et analyses techniques des deux panneaux réalisées à l’Opificio delle Pietre Dure ont confirmé la thèse de Bisogni : dans le panneau Stibbert, plusieurs des éléments figurés se prolongent dans le panneau Berenson, en premier lieu le temple central ainsi que la végétation au sol et les collines traversées par des rivières à l’arrière-plan. Plusieurs personnages portent des vêtements similaires et le mouvement de fuite qui s’opère vers la droite trouve dorénavant sa cause dans le panneau de gauche.
L’identification de la scène représentée dans le panneau Berenson a fait l’objet de débats. Fabio Bisogni, non sans mentionner les principales étapes qui ont abouties à en identifier l’iconographie [4]« Afin de ne pas faire un récit inutile de l’interprétation iconographique du panneau Berenson, je citerai ci-dessous les auteurs qui les premiers en ont proposé une. Paul Schubring, Cassoni, Leipzig, 1915, p. 135 : peut-être le Rapt d’Hélène. C’est l’interprétation qui a eu plus de succès, même si elle était basée sur le seul fragment [alors] connu. F. Perkins, … Poursuivre, a soutenu que, mis bout à bout, les deux panneaux représentaient l’Enlèvement d’Hélène dont la source iconographique se trouve dans des textes racontant l’histoire d’Hélène (Boccace [5]« Pâris, ayant pillé la plupart des trésors de Ménélas et, de complot fait, ravit Hélène de nuit, pendant qu’elle veillait à faire quelque sacrifice suivant la coutume du lieu, en un temple proche du rivage de la mer Laconique ou de l’île de Cythère, ainsi que disent quelques autres, et l’embarqua dans une nef par lui appostée à cet effet. » Boccace, De claris … Poursuivre) ou celle de Troie qui ont circulé au début de la Renaissance à Sienne. [6]Le siennois Domenico da Monticchiello (né dans le premier quart du XIVe siècle) est l’auteur du Troiano. Un codex du XVe siècle, copie de ce texte réalisée en 1438 par Gherardo da Castel del Piano, témoigne que le texte du Trecento était encore apprécié à l’époque des humanistes. Le poème décrit comment au printemps, lorsque les arbres produisent des fleurs et des fruits, … Poursuivre

Il apparaît que les panneaux ont été découpés à différentes hauteurs à partir d’un seul panneau de spalliera composé de deux planches de bois au grain horizontal. En utilisant la jointure entre les planches de chaque fragment comme guide, les deux sections de la composition s’alignent parfaitement. La différence d’échelle entre les personnages des deux scènes s’explique par l’emplacement original des fragments au sein de la spallière : le fragment Stibbert comprend les protagonistes qui dominaient le premier plan sur le côté gauche, et le panneau Berenson représente les acteurs situés plus en arrière sur la partie droite.
En 1322, le noble siennois Andrea di Deo degli Ugurgieri copia la Storia di Troia de Binduccio dello Scelto, autre source de l’iconographie de la spalliera Stibbert-Berenson. Cela n’est pas sans importance du fait que les armoiries Ugurgieri apparaissent sur un cassone représentant l’histoire d’Œnone, dorénavant conservée à Los Angeles, et décorée par l’atelier de Francesco di Giorgio. Il est possible que ce cassone et la spalliera aient fait partie de la décoration d’une même chambre ou même d’un même meuble. Le schéma décoratif des panneaux Stibbert, Berenson et Getty aurait alors constitué une célébration des amours de Pâris. [7]D’après Francesco di Giorgio’s Abduction of Helen Reconstructed, op. cit.
Notes
1↑ | Selon les calculs de F. Bisogni, la longueur totale du panneau devait être de 118 cm. Voir Fabio Bisogni, « Risarcimento del ‘Ratto di Elena’ di Francesco di Giorgio », Prospettiva No. 7 (Octobre 1976), p. 44. |
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2↑ | Fabio Bisogni, « Risarcimento del ‘Ratto di Elena’ di Francesco di Giorgio », Prospettiva No. 7 (Octobre 1976), pp. 44-46. |
3↑ | « Le fameux fragment de la collection de Bernard Berenson à Settignano est bien connu dans la littérature et n’a pas besoin d’être longuement discuté ici. […] Il existe sous sa forme actuelle après avoir servi de support à un tableau du XVIIe siècle ; par la suite, il a été nettoyé, révélant les couleurs pastel variées de l’une des plus belles œuvres de Francesco, mais considérablement réduite. Le bord supérieur est peut-être l’original, mais les trois autres ne le sont certainement pas. Les arbres suivent de près ceux du groupe de Sienne et du cassone de Milan. L’architecture est à nouveau raffinée, stable et raisonnablement plausible, faisant apparaître les bâtiments du cassone milanais comme des aberrations préfabriquées et temporaires. L’échelle des figures est plus sûre, et une sensation de drame et de mouvement se fait sentir. L’ensemble de la peinture est merveilleusement délicat et, à bien des égards constitue une étape […] logique de la peinture siennoise […]. Pour de nombreuses raisons, le fragment de Berenson peut être qualifié de plus belle peinture de cassone de Francesco. S’il s’agit en effet d’un cassone, sa hauteur, considérant qu’il a été coupé au moins en bas, le rend inhabituellement grand pour un panneau de cassone. Plus de soin et de science y ont été mis que dans tout autre que nous connaissons. » Burton B. Fredericksen, The cassone paintings of Francesco di Giorgio, Los Angeles, J. Paul Getty Museum, 1969, p. 17. |
4↑ | « Afin de ne pas faire un récit inutile de l’interprétation iconographique du panneau Berenson, je citerai ci-dessous les auteurs qui les premiers en ont proposé une. Paul Schubring, Cassoni, Leipzig, 1915, p. 135 : peut-être le Rapt d’Hélène. C’est l’interprétation qui a eu plus de succès, même si elle était basée sur le seul fragment [alors] connu. F. Perkins, « Peintures siennoises peu connues », dans La Diana, VI, 1931, p. 31, a suggéré soit Le rapt d’Hélène soit Ulysse tuant les prétendants. Berenson lui-même était plus prudent en désignant le tableau, dans les listes de 1932, comme Scène près d’un temple, interprétation répétée dans le catalogue Russoli. Une autre conclusion équilibrée est celle de A.S., Weller, Francesco di Giorgio, Chicago, 1943, p. 113, qui reconnaît que sans la partie manquante il ne peut y avoir de sécurité interprétative. Plus récemment, L. Certova, « I Tatti », dans Antichità viva, VIII, 2969, n. 6, p. 60-70, a déclaré que le sujet du fragment Berenson était tiré de la fable de Cupidon et Psyché. Le même sujet de l’Enlèvement d’Hélène est traité de manière complètement différente par l’artiste sur le devant du coffre de la Collection Wheelwright de Boston ; ici, en effet, Pâris à cheval kidnappe Gélène en pleine campagne mais Sparte est visible au-dessus. Dans d’autres représentations rapportées par Schubring (op. cit., pl. 33, 34, 64. 111) le navire est toujours visible, ainsi que dans la dernière d’entre elles, celle de la Collection Campana, aujourd’hui à Avignon et attribué à Liberale, la scène a un aspect très similaire à la nôtre (cf. Carlo Del Bravo, Liberale da Verona, Florence, Il Fiorino, 1967, p. CV). » Fabio Bisogni, op. cit., p. 46, note 4. |
5↑ | « Pâris, ayant pillé la plupart des trésors de Ménélas et, de complot fait, ravit Hélène de nuit, pendant qu’elle veillait à faire quelque sacrifice suivant la coutume du lieu, en un temple proche du rivage de la mer Laconique ou de l’île de Cythère, ainsi que disent quelques autres, et l’embarqua dans une nef par lui appostée à cet effet. » Boccace, De claris mulieribus / Des Dames de renom (1361-1362). |
6↑ | Le siennois Domenico da Monticchiello (né dans le premier quart du XIVe siècle) est l’auteur du Troiano. Un codex du XVe siècle, copie de ce texte réalisée en 1438 par Gherardo da Castel del Piano, témoigne que le texte du Trecento était encore apprécié à l’époque des humanistes. Le poème décrit comment au printemps, lorsque les arbres produisent des fleurs et des fruits, le beau Pâris parvient à Cythère, île sacrée de Vénus et terre de Ménélas, époux d’Hélène. Alors Pâris accoste ses navires, il aperçoit un temple construit, comme celui des deux tableaux, à l’aide de matériaux précieux, dont l’or et l’argent, et orné de nombreux vases, lampes et candélabres, où se déroule une fête en l’honneur de la déesse. Quand Hélène apprend que Pâris, le plus bel homme du monde, est présent à cette fête, elle aussi veut sacrifier au temple. L’enlèvement devient possible : c’est précisément la scène représentée dans la spalliera. Les soldats troyens laissant quelques hommes pour garder les navires, entrent dans le temple et tentent également d’enlever les servantes d’Hélène, que l’on voit s’échapper en poussant des cris. D’après Francesco di Giorgio’s Abduction of Helen Reconstructed, 7 Janvier 2014, mise en ligne : http://itatti.harvard.edu/news/francesco-di-giorgios-abduction-helen-reconstructed. |
7↑ | D’après Francesco di Giorgio’s Abduction of Helen Reconstructed, op. cit. |