Grotesques

Le terme, directement emprunté à l’italien grottesca (plur. : grottesche) [1]André Chastel optait pour l’orthographe grottesques, insistant ainsi sur l’origine italienne du mot (André CHASTEL, La Grottesque, Paris, Gallimard, 1988)., fait référence aux motifs ornementaux antiques découverts dans les « grottes » [2]Les salles découvertes furent appelées « grottes » du fait qu’elles étaient enterrées. Les décorations qu’elles contenaient en ont pris le nom., c’est-à-dire dans les ruines de la Domus Aurea [3]La Maison dorée : palais de l’empereur Néron. de Néron, lesquelles furent visitées et explorées par certains artistes autour de 1490-1495. En 1550, date de la première édition des Vite, Giorgio Vasari attribue le mérite de la découverte des grotesques antiques à deux artistes : le florentin Filippino Lippi [4]Filippino Lippi (Prato, 1457 – Florence, 1504) : peintre florentin, fils du peintre Filippo Lippi et d’une ancienne carmélite Lucrezia Buti qui lui servait de modèle. Filippino reprend le style linéaire de Sandro Botticelli, son maître, mais crée des œuvres dans lesquelles le caractère irréel de la scène est plus marqué, avec des figures allongées et une profusion … Poursuivre et le vénitien Morto da Feltre [5]Morto da Feltre, de son vrai nom Pietro Luzzo, Pietro Luci ou Lorenzo Luzzo (Feltre, v. 1480 – Venise, 1527) : peintre de l’école vénitienne entre le XVe et le XVIe siècle. Il est aussi connu sous le nom de Zarato ou Zarotto, en référence au lieu de sa mort ou peut-être parce que son père, un chirurgien, a travaillé à Zara. Vasari le connaissait déjà par son … Poursuivre. En réalité, nous savons aujourd’hui que le premier peintre moderne à descendre clandestinement visiter les salles oubliées de la Domus Aurea, copier les décorations anciennes et s’en inspirer dans ses œuvres fut, selon toute probabilité, l’artiste ombrien Bernardo Pintoricchio. La décoration picturale de la chapelle Della Rovere, dans l’église romane de Santa Maria del Popolo, créée par le peintre avant 1478-1479, révèle en effet, dans les candélabres polychromes, une reprise ponctuelle de motifs présents dans certaines pièces du mythique palais de Néron. Ces motifs commencent à être relevés, diffusés et exploités par des peintres tels que Pinturicchio, Filippino Lippi, Sodoma ou Luca Signorelli, quelques-uns des artistes de la fin du Quattrocento à s’être aventurés en de véritables expéditions souterraines dans la Domus Aurea. Par la suite, ces motifs ont été purement et simplement assimilés dans le décor classique : Raphaël [6]Jusqu’en 1514-1515, Raphaël ne semble pas avoir particulièrement aimé les grotesques antiques redécouverts par ses « maîtres ». En 1516, cependant, il invente le décor d’une Stufetta et d’une Loggetta, dans l’appartement privé du Cardinal Bernardo Dovizi da Bibbiena, à l’intérieur du Palais apostolique, deux ensembles qui témoignent d’un brusque … Poursuivre et Giovanni da Udine [7]Giovanni Nanni, ou Giovanni de’ Ricamatori, plus connu sous le nom de Giovanni da Udine, en français Jean d’Udine (Udine, 1487 – Rome, 1564) : élève de Raphaël, peintre et architecte. Il est l’auteur du décor à grotesques peint dans la loge située au troisième étage du palais du Vatican. au Vatican.

Le décor dit « à grotesques » se compose d’architectures illusionnistes, de scènes à personnages, de paysages, d’enroulements de feuillages qui remplacent les colonnes, de candélabres formés de tempietti, de baldaquins composés d’enroulements de feuilles et de fleurs, de figures fantastiques, mi-humaines, mi-animales, qui naissent des feuillages.

Notes

Notes
1 André Chastel optait pour l’orthographe grottesques, insistant ainsi sur l’origine italienne du mot (André CHASTEL, La Grottesque, Paris, Gallimard, 1988).
2 Les salles découvertes furent appelées « grottes » du fait qu’elles étaient enterrées. Les décorations qu’elles contenaient en ont pris le nom.
3 La Maison dorée : palais de l’empereur Néron.
4 Filippino Lippi (Prato, 1457 – Florence, 1504) : peintre florentin, fils du peintre Filippo Lippi et d’une ancienne carmélite Lucrezia Buti qui lui servait de modèle. Filippino reprend le style linéaire de Sandro Botticelli, son maître, mais crée des œuvres dans lesquelles le caractère irréel de la scène est plus marqué, avec des figures allongées et une profusion de détails plus ou moins imaginaires. Après un voyage à Rome entre 1488 et 1492, où il étudie à la fois les monuments antiques et les fresques de Melozzo da Forlì (Forlì, 1338 – 1494) et de Pinturicchio, il ramène à Florence le goût de la décoration grotesque, qui devient dans ses peintures une décoration « animée », mystérieuse, fantastique et inquiétante, en analogie avec le climat de crise politique et culturelle de la Florence de Jérôme Savonarole.
5 Morto da Feltre, de son vrai nom Pietro Luzzo, Pietro Luci ou Lorenzo Luzzo (Feltre, v. 1480 – Venise, 1527) : peintre de l’école vénitienne entre le XVe et le XVIe siècle. Il est aussi connu sous le nom de Zarato ou Zarotto, en référence au lieu de sa mort ou peut-être parce que son père, un chirurgien, a travaillé à Zara. Vasari le connaissait déjà par son surnom, Morto, peut-être lié à son habitude d’explorer les ruines antiques souterraines telles que la Domus Aurea à Rome et la Villa Adriana à Tivoli. « Il n’est plus connu que par des œuvres de sa maturité (1511-1522). Mentionné d’abord comme peintre de grotesques auprès du Pinturicchio à Rome en 1492-1494, puis à Florence en 1505, où il copie des cartons de Léonard de Vinci et de Michel-Ange, il aurait travaillé, selon Vasari, aux côtés de Giorgione au Fondaco dei Tedeschi (Venise). À partir de 1511, à Feltre, sa ville natale, il crée des œuvres essentiellement éclectiques, qui allient en un équilibre difficile la leçon de Giorgione à celle de Raphaël. » Michel LACLOTTE, Jean-Pierre CUZIN (dir.), Dictionnaire de la peinture, Paris, Larousse, 1999.
6 Jusqu’en 1514-1515, Raphaël ne semble pas avoir particulièrement aimé les grotesques antiques redécouverts par ses « maîtres ». En 1516, cependant, il invente le décor d’une Stufetta et d’une Loggetta, dans l’appartement privé du Cardinal Bernardo Dovizi da Bibbiena, à l’intérieur du Palais apostolique, deux ensembles qui témoignent d’un brusque changement de cap. En compagnie de son fidèle collaborateur Giovanni da Udine, Raphaël a probablement dû effectuer une descente dans la Domus Aurea, où sa signature pouvait, semble-t-il, être lue autrefois parmi celles d’autres artistes, si l’on en croit une note présente sur un dessin à grotesques du Musée du Louvre datant de la seconde moitié du XVIe siècle, qui précise : « Peintures anciennes copiées dans une chambre de la maison de Titus [le palais de Néron] par Raphaël qui laissa au-dessus son nom au crayon noir ».
7 Giovanni Nanni, ou Giovanni de’ Ricamatori, plus connu sous le nom de Giovanni da Udine, en français Jean d’Udine (Udine, 1487 – Rome, 1564) : élève de Raphaël, peintre et architecte. Il est l’auteur du décor à grotesques peint dans la loge située au troisième étage du palais du Vatican.

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