Niccolò di Ser Sozzo, « Madonna col Bambino »

Niccolò di Ser Sozzo (Sienne, avant 1320 – 1363 [1]Selon une indication précise du Necrologio di s. Domenico (Ettore ROMAGNOLI, Biografia cronologica de’ bellartisti senesi dal secolo XII a tutto il XVIII, ante 1835 (rééd. anast. Florence, Fondazione Memofonte, 1976), pp. 481-487.)

Madonna col Bambino (Vierge à l’Enfant), 1335-1363.

Tempéra sur panneau,

Provenance : église de Sant’Antonio al Bosco (Poggibonsi), puis Galleria degli Uffizi, Florence. [2]Le panneau a été volé dans l’église de Sant’Antonio al Bosco (Poggibonsi) en 1919 ; la même année, après sa récupération, il est entré aux Offices puis mis en dépôt au Musée diocésain de Colle Val d’Elsa, aujourd’hui Museo San Pietro.

Colle di Val d’Elsa, Museo San Pietro.

Niccolò di Ser Sozzo, à qui cette œuvre extraordinairement élégante et délicate est attribuée, fait partie du groupe d’artiste pointé par Giulietta Chelazzi Dini lorsque, en 1982, elle a affirmé, selon un point de vue aujourd’hui globalement partagé, que « après le milieu du [XIVe] siècle [3]Pour mémoire, le milieu du XIVe siècle est marqué par la Grande Peste (1348) qui a décimé les deux tiers de la population à Sienne., on n’observe pas de décadence ni de répétition stéréotypée des modèles lorenzettien et martinien, encore moins un changement de tendance dans le sens où Meiss l’entendait, mais que se révèle, au contraire, un groupe varié et complexe d’artistes étroitement liés à la tradition du début du XIVe siècle, néanmoins capables d’en offrir, dans un sens presque émouvant, des interprétations exquises, parfois même admirables et très personnelles. » [4]Giulietta CHELAZZI DINI, « La crisi di metà secolo », dans Il Gotico a Siena : miniature, pitture, oreficerie, oggetti d’arte (cat. d’exp., Sienne, 1982), Florence, 1982, p. 221..

Ce panneau constituait probablement le volet central d’un polyptyque gothique, ainsi que l’indique à l’évidence, le sommet de l’œuvre, dont la forme en arc ogival polylobé, caractéristique des œuvres siennoise de la seconde moitié du Trecento, a été brutalement sectionné afin de réduire l’œuvre au format rectangulaire d’un tableau [5]Les auteurs de cet acte de vandalisme jugeaient probablement le rectangle plus adapté à un accrochage sur le mur d’une demeure privée.. Brandi [6]Cesare BRANDI, « Niccolò di Ser Sozzo Tegliacci », L’Arte, 35 (1932), pp. 223-236. a souligné la relation étroite que ce panneau entretient avec le triptyque de la Vierge à l’Enfant et les saints Antoine, Catherine et deux anges, saint Pierre, saint. Paul (Sienne, Musée de la Société des Exécuteurs de Pieuses Dispositions), deux œuvres datant de la phase de maturité de l’artiste.

L’aspect de cette peinture possède, dans sa matérialité même, quelque chose de la splendeur d’un émail cloisonné – cet effet, lié pour beaucoup à l’emploi abondant de l’or ouvragé, est encore renforcé par le traitement pictural de la précieuse étoffe dont sont faits les vêtement portés à l’identique par la Madone et son Fils. La Vierge est debout, dans la force apparente d’un roc dont la solidité serait tempérée par la grâce d’un subtil hanchement. Son port de tête royal ainsi que les traits de son visage portent la signature caractéristique des figures peintes par Niccolò : un front un peu bas, deux yeux très effilés, presque trop proches l’un de l’autre, un très long nez fin au dessus d’une toute petite bouche close lui donne l’air de quelqu’un qui n’en pense pas moins. Son regard imperceptiblement interrogatif est posé sur le spectateur sans que le reste de sa physionomie semble en quoi que ce soit altérée dans sa tranquille apparence. Aucun mouvement ne trouble ce visage parfaitement lisse.

L’enfant à la chevelure blonde et savamment bouclée que la Madone porte dans ses bras a plus d’un trait de ressemblance avec elle. N’étaient son visage de bambin, plus rond, plus ample, plus fortement structuré, le front haut pour son âge, signe visible d’une sagesse tout autre qu’enfantine, celle-ci serait parfaite. Tandis qu’il plonge les doigts dans un fruit pour en extraire des grains avant de les porter à la bouche, l’enfant regarde à son tour hors du cadre, avec une concentration et un intérêt que nous n’avons pas rencontré chez sa mère. Sans doute la figure du saint représenté dans le volet droit de ce qui fut peut-être un triptyque justifie-t-il cet intérêt accru. Ou peut-être est-il surpris d’être lui-même observé ? Peut-être même ce fruit, une grenade représentée avec une précision particulièrement soignée, vient-il soudain de susciter, comme sa dimension à la fois symbolique [7]La grenade aux grains rouges est l’un des symboles habituels de la Passion. et prémonitoire y incite, l’inconcevable angoisse de la Passion ?

Notes

Notes
1 Selon une indication précise du Necrologio di s. Domenico (Ettore ROMAGNOLI, Biografia cronologica de’ bellartisti senesi dal secolo XII a tutto il XVIII, ante 1835 (rééd. anast. Florence, Fondazione Memofonte, 1976), pp. 481-487.
2 Le panneau a été volé dans l’église de Sant’Antonio al Bosco (Poggibonsi) en 1919 ; la même année, après sa récupération, il est entré aux Offices puis mis en dépôt au Musée diocésain de Colle Val d’Elsa, aujourd’hui Museo San Pietro.
3 Pour mémoire, le milieu du XIVe siècle est marqué par la Grande Peste (1348) qui a décimé les deux tiers de la population à Sienne.
4 Giulietta CHELAZZI DINI, « La crisi di metà secolo », dans Il Gotico a Siena : miniature, pitture, oreficerie, oggetti d’arte (cat. d’exp., Sienne, 1982), Florence, 1982, p. 221.
5 Les auteurs de cet acte de vandalisme jugeaient probablement le rectangle plus adapté à un accrochage sur le mur d’une demeure privée.
6 Cesare BRANDI, « Niccolò di Ser Sozzo Tegliacci », L’Arte, 35 (1932), pp. 223-236.
7 La grenade aux grains rouges est l’un des symboles habituels de la Passion.

En savoir plus sur Guide artistique de la Province de Sienne

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading