Sano di Pietro (Sienne, 1405 – 1481)
La Vergine raccomanda Siena al papa Callisto III (La Vierge recommande Sienne au pape Calixte III), 1455-1456.
Tempéra sur panneaux, 158 x 115 cm.
Inscriptions :
- (sur le phylactère au-dessous de la Vierge) : « O PASTOR DEGNIO AL MOI POPOL XTIANO A TE DI SIENA ORMAI LA CURA RENDO – FA CHE ALEI VOLGA OGNI TUO SENSO HUMANO » [1]« Ô digne pasteur, désormais je te charge de prendre soin de mon peuple chrétien. Fais que vers lui se tourne tout ton sens de l’humanité. »
- (réponse du pape à la Vierge) : « VERGINE MADRE A DIO CARA CONSORTE SEL TUO CALLISTO Ê DEGNO A TANTO DONO – A SIENA NON TORRAMI ALTRO CHE MORTE » [2]« Vierge Mère de Dieu, épouse chérie, si ton Calixte est digne d’une telle confiance, à Sienne, la mort ne reparaîtra jamais. »
- (en bas, sous la figure du pape) : « CALLISTUS . III . SANUS . PETRI . DE . SENIS /. PINXIT ». [3]« Sano di Pietro peignit Calixte III. » Il est quasiment sûr que, lorsque l’œuvre était exposée au Palazzo Pubblico, elle comportait, en guise de prédelle, une inscription aujourd’hui perdue, mais signalée par Gigli en 1722 (Girolamo GIGLI, Diario Sanese in cui si veggono alla giornata tutte le cose importanti si allo spirituale, come al temporale della Città, e … Poursuivre
Provenance : Palazzo Pubblico, Sienne.
Sienne, Pinacoteca Nazionale.
Les deux immenses figures, du fait de leur échelle sans commune mesure avec le reste de la représentation, contrastent fortement, par la taille, avec un paysage un peu étrange : il fait à la fois jour et nuit [4]L’effet est dû à l’oxydation du pigment bleu qui s’est obscurci.. Les deux silhouettes envahissent presque toute la surface disponible, faisant ainsi accéder l’image à une forme d’irréalité digne de celle des fables dont toute l’œuvre semble d’ailleurs s’inspirer. Le portrait de la ville rose est fabuleux lui aussi. Sienne, dans sa splendeur, fait rivaliser la hauteur de ses tours civiques et religieuses, et d’autres tours encore. Sienne vaque à des activités qui paraissent quotidiennes et vit au rythme des mouvements liés au va et vient des marchandises qui transitent. Ce mouvement est signifié par deux uniques groupes qui suffisent à en exprimer l’idée. L’un d’eux entre dans la cité. Dernier d’un troupeau, ce mulet qui passe la porte de la ville – idée géniale qui évoque des procédés de représentation qui nous sont familiers -, par un effet cinématographique, est représenté d’une manière étonnamment actuel. Il résume l’événement que le muletier, plus bas, répète après lui. Il entre dans la ville. Seule sa croupe chargée de sacs est encore visible, et sur le point de disparaître dans l’instant suivant.

Au premier plan, nous assistons au dialogue des deux géants. La Vierge, protectrice de la ville depuis près de deux siècles, peinte en demi-figure sur un nuage, et vêtue du manteau blanc de l’Assunta [5]Assunta : Vierge de l’Assomption. Le mot italien n’est traduisible qu’à l’aide d’une périphrase. s’adresse au pape pour lui confier la sauvegarde de sa cité aimée en proie à la disette (l’événement, historique, a eu lieu en 1455). Le pape, assis sur un trône qui en évoque d’autres déjà vus [6]La ressemblance avec le trône de goût cosmatesque de la Vierge dans l’Annonciation d’Ambrogio Lorenzetti datée de 1344 est frappante., l’air préoccupé face à la Vierge qui le désigne de l’index afin de marquer avec insistance sa demande, lève déjà la main pour bénir la ville. Les paroles échangées sont inscrites sur autant de phylactères, pareilles à des bulles dans cette image qui rappelle si fortement une vignette de bande dessinée, selon une comparaison qui confirme la saveur toute médiévale de l’image.
Les mulets qui se dirigent vers la ville chargés de grains et entrent maintenant dans Sienne, ce sont les secours que Calixte, à l’appel de la Vierge, fait déjà parvenir dans la cité pour en alléger les souffrances.

Notes
1↑ | « Ô digne pasteur, désormais je te charge de prendre soin de mon peuple chrétien. Fais que vers lui se tourne tout ton sens de l’humanité. » |
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2↑ | « Vierge Mère de Dieu, épouse chérie, si ton Calixte est digne d’une telle confiance, à Sienne, la mort ne reparaîtra jamais. » |
3↑ | « Sano di Pietro peignit Calixte III. » Il est quasiment sûr que, lorsque l’œuvre était exposée au Palazzo Pubblico, elle comportait, en guise de prédelle, une inscription aujourd’hui perdue, mais signalée par Gigli en 1722 (Girolamo GIGLI, Diario Sanese in cui si veggono alla giornata tutte le cose importanti si allo spirituale, come al temporale della Città, e però continente feste, stazioni, signorie, residenze dei maestrati, fiere dello Stato, ferie, giorni della posta, e notizie per la partenza delle lettere. E finalmente cose notabili accadute in Siena in quella giornata, coll’ indice in ultimo di tutti i santi sanesi, e famiglie nobili della Città, Sienne, Stamperia dell’A.R. Sereniss. Gran Principessa Gov. presso Francesco Prinza, 1722), et à nouveau par Della Valle en 1785 (Padre Guglielmo DELLA VALLE, Lettere Sanesi del Padre M. Guglielmo Della Valle, Minore Conventuale Socio Dell’Accademia Di Fossano & C. : Sopra Le Belle Arti, vol. II, Rome, G. Salomone, 1785). Cette inscription « expliquait en partie les circonstances de la commande : ‘Questa degna pittura fu fatta nel 1456 anni al tempo dei savi uomini [cette peinture de valeur fut exécutée en 1456, au temps des hommes sages] Pietro d’Aldobrando Cerretani etc. Bandolo [Pandolfo ?] di Lorenzo Picchogliuomini [Piccolomini] et Salvestro di Bertoccio de Marchi etc. Salimbene di Francesco Petroni, misser Gabriello di Bartolomeo Palmieri etc. Galgano di Ser Jacomo Tachalume, Giovanni di Tofano di Magio etc. Pietro di Nofrio di Tura Signori di Biado etc. Antonio di Giovanni Pini loro Kamerlengho [étant leur camerlingue].’ Le Biado était le Bureau des approvisionnements et des rations. » (Luke SYSON, « L’arte di stato », dans SYSON 2007, p. 82. » |
4↑ | L’effet est dû à l’oxydation du pigment bleu qui s’est obscurci. |
5↑ | Assunta : Vierge de l’Assomption. Le mot italien n’est traduisible qu’à l’aide d’une périphrase. |
6↑ | La ressemblance avec le trône de goût cosmatesque de la Vierge dans l’Annonciation d’Ambrogio Lorenzetti datée de 1344 est frappante. |
Sienne est plus belle que jamais ! J’aime le contraste entre la douceur de la Vierge et son geste autoritaire .Quant à Callixte ,il a l’air de se faire gronder !